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Le budget des Smarties et du chahut

Le chahut, le tapage de pupitres pour enterrer le discours du ministre des Finances, la sortie en trombe des conservateurs, les regards exaspérés de Justin Trudeau et le calme olympien de Bill Morneau: les Communes ont pris des airs de cour d’école mardi.

Conservateurs et libéraux ressemblaient à deux clans qui jouent le tout pour le tout pour assurer leur domination sur le reste de l’école. Les uns ont joué la carte de l’indignation, les autres celui de la maturité. Coincés entre ces titans, il y avait bien sûr le NPD qui, comme l’élève isolé, tentait de tirer son épingle du jeu.

Au-delà ces manœuvres partisanes, une réalité absolue s’est imposée: la bataille électorale est commencée. Les armes des uns et des autres sont dévoilées.

La bataille pour la classe moyenne

Au cas où vous en doutiez, le gouvernement Trudeau veut «Investir dans la classe moyenne». Oui, c’est le titre de son budget 2019.

Et au cas ou vous en doutiez, «investir» veut dire dépenser des milliards pour courtiser votre vote.

Après trois ans au pouvoir, un chômage au plus bas, 900 000 emplois créés, 250 000 enfants sortis de la pauvreté, 33 000 projets d’infrastructure en route, les libéraux pourraient se vanter d’avoir gagné leur pari. Ils pourraient facilement plaider que leurs déficits ont porté fruit. Un bilan enviable pour n’importe quel gouvernement.

Mais leur préoccupation pour les inquiétudes des canadiens est telle, qu’ils vous offrent 22,8 milliards sur 6 ans en nouveaux investissements.

Jeune famille, milléniaux, aînés, travailleurs, vétérans, étudiants, qui que vous soyez, le budget 2019 a une solution à vos soucis.

Ce sont des investissements valables. Difficile d’être contre l’accès à la propriété pour les jeunes familles. Difficile d’être contre une retraite plus sereine, l’achat de véhicules moins polluants, l’internet haute-vitesse en région, un accès à la formation professionnelle pour les travailleurs à la croisée des chemins ou encore les vétérans qui tentent de refaire leur vie.

Le gouvernement Trudeau veut aider tous les canadiens, peu importe leur âge à affronter les défis du 21e siècle.

Mais il a surtout choisi d’embrasser toutes les causes du pays. La démence, le suicide, le don de plasma, l’égalité pour les LGBTQ2+, la lutte contre les opioïdes, le racisme, l’accès à l’eau pour les fermiers, l’inclusion des personnes atteintes d’autisme ou de déficience visuelle, l’aide aux artistes, aux journalistes, la reconnaissance de la communauté noire, tout y passe. On dirait un paquet de Smarties.

Il s’agit d’un choix important de la part du gouvernement Trudeau; celui d’en donner un peu à tout le monde pour ne déplaire à personne, celui de miser sur l’intervention de l’état.

Les libéraux font le pari que les millions ici et les milliards par là permettront de séduire tous ces canadiens qui sont sceptiques face à son bilan, ceux-là même qui détiennent la clé du pouvoir.

La bataille du déficit

Bien sûr cette générosité a un prix: des déficits à perte de vue.

Non seulement est-ce que le ministre des Finances a choisi de ne pas offrir de feuille de route vers l’équilibre budgétaire, il a investi la marge de manœuvre d’une économie plus forte que prévue dans de nouvelles dépenses.

Le message est simple. Non seulement est-ce que les libéraux veulent vous convaincre que les déficits ce n’est pas la fin du monde, ils veulent vous convaincre qu’ils sont une bonne idée! Car, selon ce plaidoyer, ce sont ces déficits qui permettent au fédéral de «prendre soin des gens», tout faisant du Canada l’envie des pays du G7 au chapitre de la dette.

Surtout, le gouvernement Trudeau vient de définir la question de l’urne lors des prochaines élections. Couper ou dépenser?

Si les conservateurs veulent plaider l’importance de l’équilibre budgétaire, il faudra couper quelque part. Avec ce budget, les libéraux les mettent au défi d’affronter l’électorat, affronter tous ceux qui devront renoncer aux largesses d’Ottawa pour le bien de l’équilibre fiscal.

Le ministre Bill Morneau est allé jusqu’à plaider que ses déficits nourrissent la confiance et l’optimisme, alors que le déficit zéro des conservateurs mènera à des coupures et l’austérité.

Voilà une ligne de faille très claire en vue de la prochaine élection. C’est sans compter la bataille de l’éthique que l’Opposition se fera un devoir de mener, quitte à passer pour des ados dans la cour d'école.

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