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Des congés d’impôt de 27 M$ de Québec aux cerveaux étrangers

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Des centaines de chercheurs et experts étrangers venus s’installer ici ont eu droit à un congé d’impôt de près de 27 millions $ ces cinq dernières années, révèlent des données de Revenu Québec obtenues par Le Journal.

«Quand je suis arrivé ici, plutôt que de me dire: “Tu vas payer des impôts”, on m’a laissé le temps de m’installer. Ç’a été vraiment apprécié», partage le professeur à Polytechnique Montréal et chercheur d’IVADO, Samuel Bassetto, qui en a profité.

Comme lui, des centaines de chercheurs et experts recrutés à l’étranger n’ont pas eu à payer un sou d’impôt provincial les deux premières années ici, en plus d’avoir un rabais de 75 % la troisième année, de 50 % la quatrième et de 25 % la cinquième.

Pour une personne seule gagnant 90 000 $ par année, l’économie moyenne se chiffre à 10 737 $ par année sur une période de cinq ans, observe le titulaire de la Chaire en fiscalité de l'Université de Sherbrooke, Luc Godbout.

Contrairement à Québec, Ottawa n’offre pas ce type de « congé d’impôt », confirme au Journal Alexandre Igolkine, porte-parole de l’Agence de revenu du Canada (ARC).

«Complètement inéquitable»

Au Québec, ces « bonbons fiscaux » ont coûté 26,7 millions $ aux contribuables en cinq ans. Au total, plus de 19 millions $ sont allés dans les poches de chercheurs et 7,7 millions $ dans celles des experts.

«Les chercheurs sont passés de 455, en 2013, à 255 en 2017. C’est une baisse significative de 44 %. Quant au nombre d’experts, il a au contraire explosé de 56 %, de 100, en 2013, à 156 en 2017», analyse Jean-Pierre Vidal, professeur titulaire à HEC Montréal.

Pour Renaud Brossard, directeur québécois de la Fédération canadienne des contribuables (FCC), ces congés d’impôt n’ont pas leur place. « Quand le gouvernement prend des risques pour favoriser une industrie, c’est nous qui payons. C’est complètement inéquitable », déplore-t-il.

«Est-ce que l’on n’aurait pas pu investir dans l’innovation locale pour mettre en valeur ce que l’on a chez nous?» se demande pour sa part Jean-Philippe Meloche, professeur à l’Université de Montréal associé au CIRANO.

Pier-André Bouchard St-Amant, professeur à l’École nationale d’administration publique, souligne que des études démontrent que ce type d’incitatif donne des résultats, mais il comprend le mécontentement créé par la mesure.

«Un chercheur expert québécois n’a pas droit à ça, alors qu’un autre, dans un bureau juste à côté, qui vient de l’étranger, y a droit. Il y a dans ça une iniquité», concède-t-il.

De son côté, Nicole Martel, PDG de l’Association québécoise des technologies (AQT), estime que l’incitatif est bienvenu. «Si cette mesure-là fait en sorte qu’ils restent ici, si ça permet aux entreprises d’aller chercher des talents, je suis pour», lance-t-elle.

Joint par Le Journal, le porte-parole du ministère de l’Économie et de l’Innovation, Jean-Pierre Auteuil, a indiqué que la mesure «a eu des impacts positifs qui ont généré une amélioration de la profitabilité des entreprises et de nouveaux investissements en R-D».

 

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