Depuis 2016, Les 7 Doigts ont bourlingué en France, en Corée, en Russie, en Espagne, en Suède et ailleurs dans le monde avec leur spectacle «Bosch Dreams», qui célèbre la vie et l’œuvre du peintre néerlandais Jérôme Bosch. Et c’est au festival Montréal complètement cirque que la troupe achève ces jours-ci son périple, avec une ultime série de représentations de l’ambitieuse fresque alliant cirque, théâtre et animations vidéo.
Au bout du fil, Samuel Tétreault est fébrile. «C’est une chance unique de le voir en Amérique!», s’exclame le scénariste, directeur artistique et metteur en scène de cet attendu «Bosch Dreams», confectionné en collaboration avec le Théâtre République de Copenhague, où il a été présenté pour la première fois, il y a trois ans, puis à plus de 150 reprises par la suite.
La fondation hollandaise Bosch soulignait alors le 500e anniversaire de la mort de l’illustre Jérôme Bosch, et des créateurs de partout étaient invités à contribuer aux célébrations. La chorégraphe québécoise Marie Chouinard avait notamment conçu une pièce de son cru pour l’occasion.
Samuel Tétreault, lui, avait été interpellé par «le surréalisme et l’onirisme» du legs de Bosch à la fin des années 1990, lorsqu’il faisait tournée dans la production «Alegria», du Cirque du Soleil. Il avait auparavant découvert «Le Jardin des Délices», emblématique tableau du peintre, au Musée du Prado, à Madrid, et avait été fasciné. Or, au fil de ses recherches pour le spectacle, il a réalisé que l’univers de Bosch est encore méconnu de plusieurs, et que certains ignoraient même complètement qui il était.
«Je me disais que la meilleure façon de célébrer Bosch et de lui rendre hommage, c’était de donner à voir son œuvre dans le spectacle, et non seulement de s’en inspirer, résume-t-il. Je voulais que le public néophyte en apprécie la richesse. L’œuvre de Bosch traite de la lumière et de l’obscurité de l’âme humaine, et offre différents niveaux de lecture.»
Théâtre et animation
Ses considérations ont résulté en un enchaînement dont la scénographie est construite à partir des œuvres de Jérôme Bosch, qu’on appréciera en format géant, minutieusement détaillées ou animées, et dans lesquelles les personnages s’inséreront naturellement.
À cet égard, l’apport de l’illustrateur et animateur vidéo Ange Potier engendre «un réel dialogue entre les arts de la scène vivants et le film d’animation», indique Samuel Tétreault.
Celui-ci estime que «Bosch Dreams» repose sur «un tiers de théâtre, un tiers de cirque et un tiers d’animation», avec sept numéros acrobatiques, alors que les opus des 7 Doigts en contiennent généralement une douzaine. Samuel Tétreault promet toutefois quelques prouesses physiques «d’une grande virtuosité».
«Le spectateur regarde tantôt un spectacle de théâtre et de cirque, et tantôt un film d’animation, décrit l’instigateur du projet. La transition des personnages principaux – qu’on a filmés en "green screen" et intégrés en animation – se fait d’une façon très fluide. C’est ce qui rend le spectacle magique ou, à tout le moins, très différent de ce qu’on est habitués de voir.»
Toute une galerie de personnages, contemporains (un professeur-conférencier obsédé par Bosch, sa fille au tournant de l’âge adulte à la découverte de sa sensualité et une étudiante en histoire de l’art), historiques (Salvador Dali, Jim Morrison, qui ont été inspirés par Bosch) et imaginaires (les «monstres» sortis des toiles de Bosch), porteront les questionnements existentiels véhiculés par Bosch sous ses instruments de travail, lesquels puisaient notamment leur source dans le caractère éphémère de l’existence, le combat entre le bien et le mal et le principe de la passation.
«C’est la morale du spectacle, et ce dont Bosch nous parlait à travers ses œuvres: la vie est périssable, explique Samuel Tétreault. Ce qui est important, c’est de la vivre maintenant. Les grandes questions que Bosch amenait dans ses œuvres demeurent pertinentes encore aujourd’hui, en 2019. La notion de bien et de mal, et celle de la conscience de l’individu et de la façon de vivre nos vies, sont toujours pertinentes. Et ce, même si on n’est plus ancrés dans les mêmes paradigmes religieux, car à l’époque, c’était lié au paradis et à l’enfer. Qu’est-ce qui guide nos choix? Quelle est notre perception du bien et du mal? Ce sont le grandes questions qui se déploient en filigrane de tout le spectacle.»
«Bosch Dreams» tient l’affiche de la Salle Pierre-Mercure jusqu’au 14 juillet, dans le cadre du 10e festival Montréal complètement cirque. Pour plus d’informations, on consulte montrealcompletementcirque.com.