Les 7 Doigts ont de quoi se pavaner avec leur opus «Bosch Dreams», qu’ils présentent enfin au Québec après l’avoir fait rayonner ailleurs dans le monde depuis trois ans.
Choisie pour inaugurer le 10e festival Montréal complètement Cirque, cette pièce aussi riche en contenu qu’en perles visuelles entremêle cirque, théâtre et projections animées, et suscite l’enthousiasme.
Repoussant les frontières de l’art circassien avec «Bosch Dreams», en y intégrant judicieusement des échantillons de cinéma d’animation, la troupe québécoise propose avec cette production une fabuleuse épopée dans le monde du peintre néerlandais Jérôme Bosch.
À partir de quelques toiles marquantes de ce dernier, on a droit à un «cours» accéléré sur la démarche de l’homme. Et lorsque ces toiles, comme «Le jardin des délices», s’affichent en fond de scène, elles «deviennent» tout à coup humaines lorsqu’un artiste des 7 Doigts s’en extirpe pour terminer ses prouesses en chair et en os. Intrigants lorsqu’ainsi décrits, ces moments sont d’une scintillante beauté lorsqu’on y assiste en direct.
C’est évidemment lorsque se fondent acrobaties et technologies de cette façon que la somptuosité de «Bosch Dreams» prend vie. Jonglerie, cerceaux, culbutes et numéros d’équilibre, déjà impressionnants, adoptent alors un caractère quasi magique qui fera retrouver aux spectateurs leur cœur d’enfant.
Scolaire
Pourtant, «Bosch Dreams» ne convainc pas aux premières minutes.
L’exposé du personnage principal, un professeur accaparé par Jérôme Bosch au point d’en négliger sa famille – qu’importe de rater l’anniversaire de 12 ans de sa fillette, si c’est pour participer aux célébrations des 500 ans de son sujet d’étude –, pourra paraître un brin trop scolaire et sérieux, voire lourd en lever de rideau.
Or, au fur et à mesure que le spectacle avance, les tableaux deviennent plus jazzés, la beauté et la fantaisie de «Bosch Dreams» se déploient à en créer étonnement et émerveillement, et le public se laisse gagner par un amusement grandissant. Les ovations gonflaient d’ailleurs d’ampleur les unes après les autres au parterre, lors de la première médiatique de «Bosch Dreams», jeudi dernier.
Le conférencier reviendra à quelques reprises détailler sa compréhension des enseignements de celui qu’il adule – sans toutefois mettre en pratique ses réflexions liées à l’importance du moment présent –, mais, une fois immergés dans son propos savamment imagé par le talent des 7 Doigts, on appréciera davantage ses classes de maître.
Quatre éléments
Les quatre éléments fondamentaux (eau, feu, terre, air) jaillissent de tous les espaces dans les décors de «Bosch Dreams», composés de nature verdoyante, d’immense coquille d’œuf craquelée, de fruits rouges suggérant Adam et Ève, l’interdit, la transmission du savoir...
La vignette finale, enflammée (au propre comme au figuré) et enfumée, prétexte à des sauts savants et à des tours de monocycles, termine superbement un enchaînement de 80 minutes coloré et offrant plusieurs niveaux de lecture différents.
Échappées d’un peu partout, les créatures des œuvres de Bosch – comme ces drôles d’animaux aux trompes éléphantesques – contribuent à la touche abstraite de «Bosch Dreams», laquelle est compensée par la présence du trio central de protagonistes porteurs de l’histoire: le professeur, sa petite fille désireuse de suivre les traces de son papa et son étudiante délurée qui lui fera remettre en question sa propre perception de Bosch.
Dans ses discours, le sympathique pédagogue, qui distille ça et là des touches d’humour bon enfant, fait référence à Salvador Dali et Jim Morrison, des Doors, qui ont reflété l’héritage de Bosch dans leurs créations.
Fresque ambitieuse, sans être grandiloquente, accessible, mais jamais simpliste, et ludique, qui ne verse pas dans l’enfantin, «Bosch Dreams» s’illustre par son intelligence et sa scénographie aussi emballante qu’inventive. Heureusement que les 7 Doigts sont passés la présenter à Montréal avant de remiser définitivement leur catalogue de Jérôme Bosch, après trois ans de tournée!
«Bosch Dreams» tient l’affiche de la Salle Pierre-Mercure jusqu’au 14 juillet.