L’augmentation du nombre de camions qui roulent sur les routes du Québec contribue fortement à la détérioration du réseau routier, car le ministère des Transports a mal évalué la croissance du trafic en réalisant ses chaussées.
En cinq ans, il y a eu une augmentation de 18 000 véhicules lourds sur nos routes, selon la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).
En 2018, plus de 158 000 véhicules lourds étaient en circulation sur les routes du Québec. En 2013, c’était un peu plus de 140 000 camions. Ce nombre a grimpé en flèche depuis 2015 (voir tableau).
Sans pouvoir expliquer totalement ce bond aussi rapide, la SAAQ note que le portrait statistique et économique produit par le MTQ indique que le camionnage est continuellement en croissance dans l’économie du Québec.
Une évidence
« C’est certain que plus il y a de camions, plus les routes vont se détériorer », mentionne Guy Doré, titulaire de la Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur l’interaction charges lourdes/climat/chaussées.
« La voie de droite est beaucoup plus sollicitée par les véhicules lourds que la voie de gauche. Et elle va tendre à se détériorer beaucoup plus rapidement », explique-t-il.
Les infractions en raison de surpoids n’aident pas à amoindrir l’impact des camions.
Toutefois, selon M. Doré, les camions ne devraient pas être la cause de la détérioration des routes. « Les routes devraient être construites pour supporter les camions. Ce n’est pas la faute des camions si les routes se dégradent, c’est simplement un phénomène normal », souligne l’expert.
Le MTQ confirme que le réseau routier bâti dans les années 1960 et 1970 a seulement pris en considération le trafic de l’époque. Et aujourd’hui, « il y a trop de trafic. L’usure s’accélère », indique le directeur technique de chez Bitume Québec, Florient Lafage.
Les routes sont aujourd’hui construites selon les estimations du trafic qu’il pourrait y avoir dans le futur.
Gel et chaleur
« Personne ne sait le volume de trafic qui va vraiment circuler sur une route dans 30 ans. Alors, on fait une hypothèse. Ce sont des calculs qui sont faits par des ingénieurs qui calculent des déplacements. C’est une question de coûts », ajoute M. Doré.
Puis, selon la région, la qualité du bitume doit résister aux lourdes charges selon la variation des températures.
« Si vous faites des travaux à Montréal, il vous faut un bitume de meilleure qualité, vu que le climat est plus chaud. Ça va prendre du bitume qui résiste plus aux charges lourdes du camionnage et du transport en commun », mentionne Florient Lafage.
Et, comme dans la région de Québec lorsque la température est très basse, la chaussée doit résister au poids des camions afin que l’asphalte ne casse pas, sans compter les fondations argileuses qui peinent à supporter toutes ces charges.
« On a un climat froid, des sols mauvais [...] Un territoire assez grand à couvrir et puis des charges lourdes, une société de matières premières... Il y a le transport de bois et autres par des poids lourds », relate Gabriel J. Assaf, professeur en génie de la construction à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de l’Université du Québec.
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon, Bureau parlementaire
Nombre d’infractions pour des surcharges
2010: 6872
2011: 6255
2012: 5897
2013: 6209
2014: 5770
2015: 5809
2016: 4747
2017: 4986
2018: 5151
Source : SAAQ
Camions ou tracteurs routiers en circulation au Québec
2013: 140 208
2014: 140 109
2015: 142 934
2016: 146 450
2017: 154 079
2018: 158 071
Source : SAAQ
Les contrôleurs en voient de toutes les couleurs
Un proprio qui ne connaît pas la loi
Le propriétaire d’un camion de transport de déchets a été convoqué par la Commission des transports après qu’un de ses chauffeurs s’est fait prendre avec un poids total de 29 900 kg, alors que la limite est de 25 500 kg. Le chauffeur n’avait pas de permis spécial pour conduire ce type de véhicule, en plus d’avoir reçu une contravention pour cellulaire au volant. Le propriétaire du camion l’a renvoyé, tout en avouant ne pas connaître la loi sur les véhicules lourds, notamment l’entretien et les heures de travail permises. Le commissaire lui a donc ordonné de suivre une formation de six heures sur la loi.
C’est la faute des moutons
Le conducteur d’un véhicule de transport d’animaux s’est fait prendre avec une charge de 3800 kg pour un essieu, alors que la limite était de 2900 kg. Il s’est défendu en disant que les moutons qu’il transportait n’étaient pas attachés et qu’ils se sont regroupés à l’avant de la remorque pour fuir l’air froid venant de l’extérieur. Le poids sur l’essieu avant dépassait donc la limite permise. Une défense qui n’a pas tenu la route. Entretemps, l’entreprise de transport a opté pour un camion muni d’un essieu à roue double pour éviter les mauvaises surprises.
Une tête dure
Un camionneur qui transportait du bois en Mauricie, notamment sur la route 155, n’en avait rien à cirer du respect des limites de poids. Selon une enquête des contrôleurs routiers, il a dépassé la limite de poids à 79 reprises sur 96 transports, soit 82 % d’entre eux. Devant la Commission des transports, il s’est défendu en disant qu’au moment des infractions, il avait des paiements à faire et que les charges plus lourdes, c’était plus payant. Il a soutenu que c’était pour « sauver sa peau ». Un argument qui n’a pas ému le commissaire, lequel lui a interdit d’exploiter tout véhicule lourd en plus de l’obliger à suivre plusieurs heures de formation.