Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) utilise-t-il des technologies de reconnaissance faciale? Quoi qu'il en soit, un conseiller municipal, inquiet de possibles répercussions sur la vie privée des citoyens, réclame un moratoire sur ces technologies.
Le 19 août, le conseiller indépendant Marvin Rotrand demandera au conseil municipal de se prononcer en faveur «d’un moratoire sur l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale par le SPVM ou par tout autre service municipal ou agence parapublique».
La motion, appuyée par le conseiller Abdelhaq Sari d’Ensemble Montréal, propose l’élaboration, par des experts indépendants, de recommandations encadrant l’utilisation de cette technologie.
Le SPVM «a refusé de déclarer s’il utilise ou non des technologies telles que la reconnaissance faciale [...]», indique la motion.
Pour le moment, le SPVM n’a pas été en mesure de répondre aux questions du «24 Heures».
«Nous prendrons le temps d’en parler en conseil municipal avant de se prononcer» sur la motion, a fait savoir Laurence Houde-Roy, attachée de presse du comité exécutif de la Ville.
La police de Toronto utilisait des logiciels de reconnaissance faciale depuis plus d’un an, à l’insu du grand public, rapportait le «Toronto Star» au printemps.
Si c’est le cas à Montréal, les élus devraient être informés, a plaidé M. Rotrand, précisant toutefois qu’il n’a pas de preuve à cet égard. Le droit de la police d’enquêter n’est pas absolu [...] Dans une démocratie, vous ne voulez pas avoir "Big Brother" qui vous surveille tout le temps.».
Sûreté du Québec
Par ailleurs, «la Sûreté (du Québec) a l’intention d’acquérir une solution qui répond à ses besoins en matière de reconnaissance faciale, mais on n’a pas lancé l’appel d’offres encore», a confirmé le capitaine Paul Leduc, de la direction des communications de la SQ.
Plusieurs firmes ont répondu à l’avis d’intérêt émis au printemps pour une solution clé en main d’empreintes digitales et de reconnaissance faciale.
La technologie convoitée est «un outil pour qu’on soit plus rapide et plus efficace dans les enquêtes criminelles», a souligné le capitale Leduc.
Les policiers disposent de photos de personnes ayant un casier judiciaire. «Un système de reconnaissance faciale nous permettrait de faire des recherches beaucoup plus rapidement que d’y aller une photo à la fois. On cherche à automatiser.»
La SQ se dit ouverte à collaborer avec d’autres corps policiers. De plus, «on va informer le public», a assuré M. Leduc.
Utilisation de techniques biométriques: La transparence est une condition essentielle, dit un expert
Le recours aux techniques biométriques à des fins d’identification, comme le prélèvement d’empreintes digitales ou les technologies de reconnaissance faciale, doit s’accompagner d’une grande transparence, souligne un expert.
«C’est à la condition d’une transparence adéquate que le public aura confiance dans les institutions qui font usage de ces technologies, a fait valoir Pierre Trudel, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Autrement dit, si les services de police ou d’autres organisations ne prennent pas les précautions nécessaires pour garantir une plus grande transparence, ça risque d’engendrer un déficit important de confiance.»
Ces technologies sont utiles dans des enquêtes policières, a relevé M. Trudel. Néanmoins, des mécanismes indépendants de reddition de comptes sont nécessaires.
Par ailleurs, une modernisation de la législation s’impose considérant les «développements considérables que les technologies biométriques ont connus au cours des 10, 20 dernières années», a avancé l’expert en droit des technologies de l’information et de la protection de la vie privée.
«Les lois actuelles sur la protection des renseignements personnels reposent sur l’idée que les individus doivent nécessairement consentir à ce que l’on collecte leurs données personnelles.» Or, cela s’avère difficile pour la collecte de données biométriques dans des lieux publics, a fait valoir le spécialiste.
La reconnaissance faciale et des émotions doivent être rigoureusement encadrées afin de protéger le public, souligne un rapport du AI Now Institute de la New York University. Un simple avis d’utilisation de ces technologies par les autorités est insuffisant, selon les chercheurs, qui rappellent les dangers d’une surveillance de masse.
En mai dernier, San Francisco a été la première ville américaine à bannir l’utilisation de logiciels de reconnaissance faciale par les autorités publiques, incluant la police.