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Une rentrée avec la peur au ventre pour cette enseignante

Dalila Matoub est enseignante depuis 12 ans au Québec et jamais elle n’a senti un tel climat de tension à l’approche de la rentrée, comme elle l’a vécu cette semaine.

Mercredi soir, lors du conseil des commissaires scolaires de la CSDM, elle a livré un vibrant témoignage, dans l’espoir de retarder la mise en application de la Loi sur la laïcité de l’État à la CSDM.

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Elle a expliqué que c’est avec beaucoup d’appréhension qu’elle a fait sa rentrée à l’école Marie-Rollet. Elle a raconté avoir d’abord lu une publication sur Facebook d’un parent qui la visait personnellement.

«J’avais la peur dans le ventre, c’était la veille de la rentrée scolaire. Ç’a été ma façon de me préparer pour la rentrée», a-t-elle raconté mercredi soir.

«Aujourd’hui j’ai fait la première rencontre avec les parents. Et vraiment, Mme la présidente (Catherine Harel-Bourdon) avec la peur dans mon ventre en pensant que les parents vont découvrir que leurs enfants sont inscrits dans la classe de l’enseignante voilée. »

Elle s’est dite très attristée par la tournure des événements qu’elle explique par cette loi qui ouvre la porte «pour dénigrer l’autre».

«C’était la première fois que je me sentais visée. Je me suis demandé comment ça allait être avec la peur, le stress. C’est très triste. Pourquoi on subit ce stress? Tous les parents qui m’ont connue à Marie Rollet que j’estime beaucoup peuvent témoigner [en ma faveur]. »

Elle a également rapporté qu’un parent d’élève a demandé à l’école que sa fille ne soit pas dans la classe de «l’enseignante voilée».

Le premier ministre et le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge ont toutefois précisé qu’il n’était pas question pour les parents de «magasiner» une enseignante, et qu’ils devront accepter la classe telle qu’elle a été décidée.

Dalila Matoub a aussi insisté sur le fait qu’elle n’était pas là pour enseigner la prière ou donner une leçon religieuse à ses élèves.

«L’enseignement est dans notre sang. On est là parce qu’on aime les enfants de l’école. Ce sont nos enfants. On veut leur apprendre! Apprendre le respect, leur apprendre à aimer. C’est quoi l’école? C’est un milieu qui permet de connaître la diversité.»

«Je n’ai pas préparé mon discours parce que je parle avec mon cœur», a-t-elle conclu avant d’être chaudement applaudie par ses collègues.

Une commissaire plaide en sa faveur

Dalila Matoub a fui l’Algérie parce que sa vie était en danger en raison de l’intégrisme religieux.

«Il n’y a personne qui peut détester l’intégrisme plus qu’une personne comme ça qui a souffert dans sa chair. Donc quand elle est ici et elle porte un signe religieux, ce n’est pas pour nous convertir. C’est un élément de son identité», a expliqué Violaine Cousineau, commissaire indépendante.

«C’est extrêmement dur pour le milieu montréalais qui est fier de sa diversité qui vit une paix sociale comme il en a peu dans le monde. Pourquoi on a touché à ça? C’est dramatique».

Malgré l’opposition, la résolution a été adoptée après de houleux débats, avec sept voix «pour», deux «contre» et une abstention.

La Loi sur la laïcité de l'État serait finalement appliquée dès septembre, et non d’ici un an comme la CSDM entendait d'abord le faire.

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