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Jeux vidéo et logiciels: près de 700 M$ en crédits d’impôt

CHANTAL POIRIER

Les crédits d’impôt pour les développeurs de jeux vidéo et les éditeurs de logiciels coûtent de plus en plus cher aux contribuables. La facture frisera les 694 M$ cette année, soit 40 % de plus qu’il y a cinq ans.

Pas moins de 588 éditeurs de logiciels et fournisseurs de services informatiques reçoivent le crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques, tandis que 170 studios de jeux vidéo touchent le crédit d’impôt pour la production de titres multimédias.

Croissance de l’industrie

Le nombre de salariés pour lesquels des crédits d’impôt sont versés a bondi de 44 % en cinq ans. Il est aujourd’hui de plus de 36 000 dans le secteur des jeux vidéo et de près de 34 000 dans celui de l’informatique.

« Les entreprises sont en croissance. Notre membership a augmenté de presque 20 % l’an passé et de plus de 10 % l’année précédente. On est dans une très bonne période », affirme Nicole Martel, PDG de l’Association québécoise des technologies.

On compte environ 1600 PME spécialisées en informatique au Québec. L’industrie emploie plus de 150 000 personnes.

Mme Martel soutient toutefois que le crédit d’impôt pour les affaires électroniques est trop difficile à réclamer pour les plus petites entreprises du secteur.

Un géant américain agrandit

« Les règles sont si complexes pour obtenir ce crédit-là que, bien souvent, ce sont les grandes entreprises et celles dotées d’un service des ressources humaines assez développé qui vont chercher la plus grande part des sommes », constate-t-elle.

Les entreprises québécoises CGI et Alithya font partie des plus importants bénéficiaires de crédits d’impôt au Québec, mais plusieurs autres sont étrangères : Ubisoft, Keywords Studios, Ericsson et Morgan Stanley.

Morgan Stanley, qui emploie déjà 1200 personnes dans ses bureaux de la Cité du multimédia, à Montréal, mène actuellement une importante expansion.

La banque reprendra ainsi l’ancien siège social de l’agence de publicité Sid Lee ainsi que celui de la firme informatique Logibec. Joints à New York par Le Journal, ses représentants n’ont pas voulu dire combien de salariés allaient être embauchés au Québec.

Plusieurs des salariés montréalais sont originaires de l’Inde, où Morgan Stanley compte cinq bureaux.

Investissement Québec ne peut pas préciser le nombre de travailleurs qui détiennent la citoyenneté canadienne ou un certificat de résidence permanente parmi ceux qui sont admissibles au crédit d’impôt pour les affaires électroniques.

« Investissement Québec ne comptabilise pas d’informations quant à la citoyenneté des employés soumis par les entreprises relativement à des mesures fiscales puisque ces informations ne sont pas requises pour son analyse », a indiqué l’organisme en réponse à une demande d’accès à l’information du Journal.

L’aide de l’État en quelques chiffres:

Crédit d’impôt pour les affaires électroniques

Coût total en 2019 : 463 M$

Nombre d’entreprises : 588

Nombre de salariés : 33 500

Principaux bénéficiaires : CGI, Alithya, Morgan Stanley

Crédit d’impôt pour le multimédia

Coût total en 2019 : 231 M$

Nombre d’entreprises : 170

Nombre de salariés : 36 200

Principaux bénéficiaires : Ubisoft, Keywords Studios, Electronic Arts

Les cadeaux fiscaux franchissent la barre des 4 G$

L’aide fiscale aux entreprises bondira de plus de 25 % cette année pour franchir la barre des 4 milliards $.

Sur cinq ans, la hausse aura atteint près de 29 %, révèlent des chiffres du ministère des Finances.

Les crédits d’impôt et autres déductions fiscales coûteront 4,18 G$ à Québec en 2019. À titre de comparaison, le gouvernement prévoit encaisser 9,04 G$ avec l’impôt des entreprises cette année.

Aux mesures fiscales, il faut ajouter le coût des subventions et des prêts préférentiels que l’État consent aux entreprises chaque année. À lui seul, le ministère de l’Économie a un budget de plus de 240 M$ à cet effet pour 2018-2019, mais plusieurs autres entités gouvernementales versent des aides financières aux entreprises.

Une mauvaise piste

Germain Belzile, maître d’enseignement à HEC Montréal et directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal, estime que le gouvernement fait fausse route en versant autant d’argent à certaines entreprises en particulier.

« Il y aurait une façon beaucoup plus efficiente de faire les choses, affirme-t-il. Ce serait de couper toutes ces dépenses-là et de diminuer davantage l’impôt sur les profits des entreprises, ce que les États-Unis, le Canada et plusieurs pays européens ont fait au cours des dernières années. »

Notons cependant que la croissance de l’aide fiscale aux entreprises, cette année, s’explique en bonne partie par la mise en place d’une mesure visant à encourager les investissements dans le secteur privé (amortissement bonifié).

M. Belzile reconnaît qu’il s’agit là d’une bonne façon d’aider les entreprises à prendre de l’expansion et à acheter de l’équipement pour améliorer leur productivité.

Par ailleurs, les coûts du crédit d’impôt pour la recherche et développement ont reculé de 20 % depuis 2014, en raison d’une réduction du taux de remboursement et de la mise en place de nouvelles contraintes.

La mesure coûtera tout de même plus de 500 M$ à l’État, cette année.

 

 

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