Depuis près d’une décennie, les employés du domaine de la santé sont ceux qui se blessent le plus au travail, et de loin, et leurs syndicats blâment la CNESST pour son «inaction» à prévenir les accidents.
Selon les plus récentes données de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), le domaine de la santé trône au sommet du palmarès des catégories d’emploi causant le plus de lésions professionnelles depuis 2010.
L’an dernier seulement, plus de 18 000 employés de la santé se sont blessés sur leur lieu de travail. C’est près de 10 000 blessés de plus que dans le milieu de la construction.
Préoccupée par le nombre accablant de blessures en santé, la vice-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec affirme qu’il y a «urgence d’agir».
«Il faut qu’il y ait une volonté des employeurs et une politique pour faire plus de prévention», indique Linda Lapointe.
«La CNESST ne joue pas son rôle»
Les syndicats déplorent le fait que le milieu de la santé ne se retrouve pas dans les «groupes prioritaires» ciblés par la CNESST, où il est obligatoire d’implanter des programmes de prévention des accidents. C’est le cas notamment pour les travailleurs dans les mines, l’industrie du bois, l’administration publique et l’industrie des aliments et boissons (voir encadré).
«La CNESST ne joue pas le rôle qu’elle devrait [...] Tant qu’ils [les employeurs du domaine de la santé] ne seront pas obligés de le faire [des programmes de prévention], ils ne le feront pas», critique Mme Lapointe, qui représente 76 000 membres au Québec.
La Fédération de la santé et des services sociaux est du même avis. «Il n’y a aucun autre secteur où l’on accepterait que les blessures soient en hausse comme ça. Mais, comme c’est le gouvernement l’employeur, on se laisse exempter de ça. C’est complètement inacceptable», affirme le président de la Fédération, Jeff Begley.
Signe que la situation est préoccupante, la CNESST affirme être intervenue à 1363 reprises dans le secteur de la santé l’an dernier. Il s’agit d’une augmentation d’interventions de 36 % pour les trois dernières années. Par ailleurs, la CNESST confirme que la révision des groupes prioritaires n’est pas au programme pour cette année.
Surcharge et pénurie
Selon des syndicats représentants infirmiers et préposés aux bénéficiaires au Québec, la surcharge de travail et la pénurie de main-d’œuvre expliquent en bonne partie le grand nombre de blessures.
«C’est un cocktail qui fait en sorte que c’était prévisible. Il y a moyen d’agir», affirme M. Begley.
«Quand les gens doivent s’occuper de 30 patients au lieu de 10 [...], ça devient du travail à la chaîne, et quand on travaille à la chaîne, on se blesse», critique de son côté Laurier Ouellet, président du Syndicat des professionnels en soins de Chaudière-Appalaches.
Des emplois dangereux
Top 5 des catégories d’emplois où l’on retrouve le plus de blessures au travail en 2018
1. Soins de santé et assistance sociale : 18 154
2. Fabrication de biens durables (ex. : fabrication de produits en bois, meubles, produits métalliques, etc.) : 11 095
3. Fabrication de biens non durables (ex. : aliments et boissons, produits du tabac, vêtements, impression, etc.) : 8400
4. Commerce de détail : 7 783
5. Construction : 7443
Source : CNESST
Montants défrayés par la CNESST pour des employés blessés au travail par établissements de santé
CHUM
2016 : 4 647 834 $
2017 : 5 779 238 $
CHU de Québec
2016 : 7 733 816 $
2017 : 8 539 935 $
CUSM
2016 : 3 744 450 $
2017 : 5 660 508 $
CIUSSS de la Capitale-Nationale
2016 : 12 629 770 $
2017 : 15 430 387 $
CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal
2016 : 9 466 232 $
2017 : 11 610 924 $
Source : FIQ
Quelques exemples de groupes prioritaires où les programmes de prévention sont obligatoires
Bâtiment et travaux publics
Industrie chimique
Mines
Industrie du bois (sans scierie)
Fabrication d’équipement de transport
Administration publique
Industrie des aliments et boissons
Industrie du papier
Transport et entreposage
Source : CNESST