Les répercussions de la mobilisation autochtone contre le gazoduc Coastal GasLink ont atteint un niveau supérieur, jeudi, quand VIA Rail a suspendu ses liaisons partout au pays face aux multiples blocus de voies ferrées. Retour en cinq points sur cette crise qui bat son plein depuis huit jours.
1. Une situation qui prend de l’ampleur
De nombreux manifestants autochtones bloquant routes et voies ferrées n’ont pas baissé la garde, jeudi. Les Mohawks de Tyendinaga, dans le sud de l’Ontario, et la communauté de New Hazelton, dans le nord de la Colombie-Britannique, ont lancé le bal avec une foule de barrages de corridors ferroviaires du Canadien National, la semaine dernière. Au Québec, des membres des communautés de Kahnawake, près de Montréal, ainsi que de Listuguj, en Gaspésie, ont emboîté le pas. Certains promettaient de mettre fin à leurs blocus, jeudi, à l’approche d’une rencontre avec des représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique et d’Ottawa. N’empêche, la classe économique a déjà multiplié les signes d’inquiétudes, bon nombre de cargaisons de charbon, de produits forestiers et de pétrole ne pouvant pas atteindre le Midwest américain.
2. Le noeud de l’affaire
L’élément déclencheur qui a soulevé l’ire de groupes autochtones est le projet de gazoduc Coastal GasLink, en Colombie-Britannique. Celui-ci, évalué à 6,6 milliards $, doit permettre de transporter 700 000 litres de gaz naturel par jour. Les 670 km du gazoduc en construction traversent toutefois le territoire ancestral de la Première Nation de Wet’suwet’en, et plusieurs chefs héréditaires s’opposent au projet. Une mobilisation de solidarité s’est depuis déclinée en plusieurs foyers de protestation d’est en ouest du Canada.
3. Pas dans ma cour... politique
Plusieurs manifestants ont été arrêtés par les forces de l’ordre parce que des injonctions somment quiconque de ne pas perturber la construction du gazoduc. D’autres corps policiers tolèrent toutefois les manifestants sur la base du droit de manifester et par souci de ne pas attiser des tensions avec les communautés autochtones. À qui revient la responsabilité de trouver une sortie de crise? «C’est à Justin Trudeau de régler le problème», a tonné le premier ministre québécois François Legault. Ottawa souhaite rencontrer des protestataires, mais avait d'abord renvoyé la balle dans le camp du gouvernement de la Colombie-Britannique. Les deux ordres de gouvernement veulent désormais s’asseoir à la table de négociations.
4. Relations délicates
Les relations entre Autochtones et forces de l’ordre sont délicates étant donné qu’elles ont donné lieu à des escalades de tensions dans l’histoire du Canada. La crise d’Oka, au début des années 90, est l’exemple par excellence. Pour le spécialiste des droits des autochtones Martin Papillon, il est toutefois trop tôt pour craindre que ce scénario se répète, 30 ans plus tard. «Ça ne dégénérera pas si les politiciens et les forces de l'ordre traitent les communautés [autochtones] avec le respect qu'elles méritent», a analysé celui qui est professeur à l'Université de Montréal.
5. Les Canadiens divisés sur cet enjeu
Près de la moitié des Canadiens (48 %) s’opposent à la mobilisation autochtone contre le gazoduc Coastal GasLink, pendant que 39 % disent se ranger derrière les manifestants solidaires de la Première Nation de Wet’suwet’en. Ces appuis aux protestataires viennent surtout du Québec et de la Colombie-Britannique, selon les résultats d’un sondage de l’Institut Angus Reid publié jeudi. Le coup de sonde a été mené auprès de 1508 adultes et comporte une marge d’erreur de plus ou moins 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20.
- Avec Cédérick Caron, Journal de Montréal