Le terrain vague, en périphérie de Moscou, est surveillé comme un site militaire: entouré de barrages de police, c’est ici que doit sortir de terre un hôpital «à la chinoise» pour soigner les malades du coronavirus.
Le chantier, qui a démarré la semaine dernière, est situé près du village de Golokhvastovo, à 70 kilomètres au sud-ouest de la capitale russe.
Théâtre d’un défilé ininterrompu de camions Kamaz et de bétonneuses, il est censé s’inspirer, selon la mairie de Moscou, de l’«expérience des partenaires chinois», qui avaient construit en février en un temps record de 10 jours un hôpital en préfabriqué de 1000 lits à Wuhan, épicentre de l’épidémie de coronavirus partie de Chine.
Des ouvriers venus de diverses régions russes, ainsi que des migrants d’Asie centrale, habitués des travaux publics géants de la mairie de Moscou, s’activent chaotiquement au milieu de groupes de pelleteuses, de tranchées creusées entre deux soudaines pluies verglacées et de talus géants de terre et de sable.
Jour et nuit
Nous n’avons pas de calendrier précis pour construire cet hôpital, mais nous espérons finir d’ici un mois. Peut-être plus tôt », explique Pavel, un ouvrier de 28 ans venu de la république de Tchouvachie, à 600 kilomètres de Moscou.
Le travail se poursuit jour et nuit, une partie des quelque 3200 ouvriers du chantier vivant sur place dans des préfabriqués et un village de tentes installé pour l’occasion.
Pour beaucoup d’ingénieurs responsables de la construction, reconnaissables à leurs casques blancs, il s’agit des premiers instants sur le chantier.
C’est le cas d’Arthur, 31 ans, responsables de l’écologie du site. « Les premiers patients atteints du coronavirus doivent arriver ici dès avril », souligne-t-il en faisant le tour des lieux.
D’une capacité de 500 lits reliables à des appareils respiratoires, l’hôpital doit s’étendre sur 43 hectares et devenir un «centre médical parmi les plus modernes», selon Andreï Botchkarev, adjoint au maire de Moscou, cité dans le communiqué qui a annoncé le lancement du projet le 13 mars.
Il comprendra des «blocs opératoires, des services de réanimation et de diagnostic, d’autres réservés aux enfants».
Selon le site russe Znak, citant un document interne à la mairie non publié, le chantier devrait coûter 8,5 milliards de roubles.
La Russie compte encore peu de malades du coronavirus avec 199 cas officiellement enregistrés et assure que la situation est «sous contrôle», bien que le nombre de patients augmente rapidement.
Riverains inquiets
Mais de nombreux Russes se méfient de ces chiffres, connaissant les autorités qui ont par le passé caché l’ampleur des dégâts en temps de crise.
Le maire pro-Kremlin de la capitale, Sergueï Sobianine, s’est en tout cas voulu rassurant: l’hôpital se situera à 250 mètres des premières habitations - de vieilles maisons en bois - et sera «sans danger pour les riverains».
Un avis qui n’est pas toujours partagé par les intéressés.
«Ils construisent une infection géante, ça n’apportera rien de bon», lance Anatoli Boulytchev, 79 ans, en observant depuis un banc le défilé des véhicules de chantier. «Que Sobianine construise cet hôpital près de sa maison de campagne! C’est pas comme si on manquait de place en Russie.»