Après presque 44 ans de mariage, l’épouse d’un camionneur de la Rive-Nord atteint de la COVID-19 a dû dire adieu à «l’homme de sa vie» en direct, par vidéoconférence.
• À lire aussi: EN DIRECT | Les derniers développements sur le coronavirus
«C’est épouvantable, et cruel», souffle Florence Gratton, qui allait fêter son anniversaire de mariage avec son mari Yves Labelle, le 15 mai.
M. Labelle, un camionneur de 65 ans à l’aube de sa retraite, a toutefois «effectué son dernier voyage», le 12 avril.
Il est vraisemblablement le premier chauffeur de poids lourd du Québec à décéder des suites de la COVID-19.
À la mi-mars, le résident de Mirabel s’est rendu à l’hôpital pour faire traiter un pneumothorax.
De mal en pis
Durant sa convalescence à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, il a commencé à présenter des symptômes tels que la fièvre, rendant sa guérison difficile.
De l’eau s’est ensuite accumulée sur ses poumons, raconte son épouse, qui s’est vite demandé si la COVID-19 n’était pas en cause. Ses soupçons se sont avérés fondés. Son mari avait bel et bien contracté le virus.
«Ç’allait de pire en pire, et on ne pouvait pas aller le voir, poursuit-elle. Mais le personnel a été super.»
Quelques instants avant le décès de M. Labelle, son fils Martin, également camionneur, et Mme Gratton ont pu lui dire un dernier adieu par vidéoconférence.
Ceux-ci étaient chacun chez soi en confinement, afin de respecter les règles d’éloignement social.
Sa chanson préférée
«Ç’a été très difficile, car il était dans le coma. On lui a mis sa chanson préférée, California Blue. Mon fils lui a lu une lettre qu’il lui avait écrite, se remémore Mme Gratton, la gorge nouée. Ç’a dû l’aider, car on a assisté à sa mort en direct...»
«Même l’infirmière pleurait», ajoute-t-elle.
Depuis le jour où son mari a été admis à l’hôpital, la femme endeuillée n’a pas pu obtenir d’étreintes de réconfort.
«Ça fait 35 jours que je suis seule à la maison. Une chance qu’on a FaceTime ! s’exclame-t-elle. Ma fille Brigitte est infirmière. Elle est au front. Chaque jour, je demande qu’elle n’attrape pas le virus.»
«Et mes deux petites-filles de 3 et 6 ans, que mon mari appelait “ses petits cœurs”, sont venues me voir pour me consoler. Elles se sont arrêtées à 20 pieds de moi», continue-t-elle, évoquant toutefois l’aspect mignon de cette situation déchirante.
Puis, comme les services funéraires sont repoussés à des dates ultérieures durant la pandémie, Florence Gratton a tenu à rendre hommage différemment à « l’homme de sa vie ».
Un dernier salut
«J’ai sorti son camion dans l’entrée, question de lui faire un dernier salut, dit-elle. Des gens sont venus porter des fleurs, et nos petites-filles ont dessiné des cœurs et un arc-en-ciel au sol avec des craies.»
Sur les réseaux sociaux, de nombreux camionneurs ont publié des photos de leurs véhicules, en soutien à la famille du défunt.
«Il était connu et aimé de tous, à Mirabel. Tout le monde a une anecdote avec lui. Il était souriant et avait bon cœur. Il dépannait toujours tout le monde avec le garage. Et il adorait son camion. C’était “le truck du boss”», conclut Mme Gratton.