Le 13 mars, les avions ont été cloués au sol. Au lieu de rembourser leurs clients, les transporteurs aériens promettent des bons ou des crédits, échangeables d’ici deux ans. Mais les consommateurs veulent revoir leur argent. Est-ce possible ?
Option Consommateurs a déposé une pétition pour le remboursement des billets d’avion, qui a récolté plus de 30 000 signatures en une semaine. Celle d’Air Passenger Rights en a récolté 61 000 en deux mois sur le site change.org.
La valeur des billets s’élève à plusieurs milliards de dollars, dont 2,6 milliards $ chez Air Canada et 809 millions $ chez Air Transat. Air Canada a toutefois annoncé en avril qu’elle faisait sauter la limite de deux ans et la possibilité de convertir son billet en milles Aéroplan à un taux bonifié de 65 %.
« Le non-remboursement des billets d’avion est tout simplement inacceptable et même illégal en fonction de la Loi sur la protection du consommateur et du Code civil », rappelle Élise Thériault, porte-parole de l’Union des consommateurs.
L’Office de la protection du consommateur (OPC) précise que même en cas de force majeure, comme une pandémie, le commerçant a l’obligation de rembourser. Certains voyageurs l’ont été, selon leur classe de billet. En avril, Air Canada confirmait des remboursements totalisant un milliard de dollars.
Vos recours
Les voyageurs ont tout de même des recours, selon Jacob Charbonneau, qui est le cofondateur et PDG de Volenretard.ca, un cabinet d’avocat spécialisé dans la défense des droits des voyageurs aériens.
« L’Office canadien des transports, qui administre le règlement, s’est donné jusqu’en octobre pour réagir aux plaintes, qui dépassent les 20 000 et dont le traitement pourrait prendre deux ans, ajoute M. Charbonneau.
Dans ce contexte, obtenir un remboursement est extrêmement compliqué. Il faut se battre pour faire valoir ses droits, et les consommateurs sont littéralement laissés à eux-mêmes. »
Volenretard.ca représente le voyageur dans ses démarches de remboursement, contre une commission de 25 % sur les sommes récupérées. « Si notre client n’obtient rien, nous ne sommes pas payés », ajoute M. Jacob.
Si vous avez acheté votre billet directement de la compagnie aérienne, au téléphone ou par internet, vous pouvez demander la rétrofacturation auprès de l’émetteur de la carte de crédit. Mais pour nombre de consommateurs, le délai de 60 jours est dépassé. Et de nombreux voyageurs ont essuyé un refus.
On peut toutefois faire une demande de contestation d’une rétrofacturation refusée : « VISA et Mastercard ont un processus d’arbitrage, mais il est peu connu des consommateurs, explique Élise Thériault. Et parmi ceux qui ont gagné, plusieurs se sont vu facturer le billet à nouveau sur leur carte de crédit, car le transporteur aérien a contesté la rétrofacturation avec succès ! » En ce cas, vous pouvez déposer une plainte à l’OPC et même poursuivre l’émetteur de la carte aux petites créances.
Si le billet d’avion a été vendu par une agence de voyages ayant un permis du Québec (y compris les filiales des transporteurs comme Vacances Air Canada) ou même Expedia.ca, vous pouvez présenter une demande d’indemnité au Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyage (FICAV).
Mais, pour le moment, le FICAV n’a indemnisé personne, malgré 28 000 demandes. Plusieurs craignent que les 142 millions accumulés au sein de ce fonds soient entièrement avalés par cette crise. Et que les clients ne soient pas pleinement indemnisés, car le FICAV ne peut allouer que 60 % de ses fonds totaux pour un seul événement. À moins que Québec n’en décide autrement. On attend un signal depuis des mois.
L’assurance et les tribunaux
Vous pouvez également faire une demande d’indemnisation auprès de votre assureur voyage. Mais les assureurs considèrent les crédits ou les bons offerts par les transporteurs comme une perte non assurable. Par exemple, si votre voyage vaut 5000 $ et que la partie aérienne vaut 2000 $, l’assureur ne vous remboursera que 3000 $.
Vous pouvez toujours mettre en demeure votre agent de voyage ou votre transporteur, et le poursuivre aux petites créances. Attendez-vous à assumer des frais d’ouverture de dossier variant de 156 $ à 313 $.
Enfin, au moins cinq recours collectifs sont en cours d’autorisation. Mais ces démarches, si elles aboutissent, prendront des années, car les tribunaux doivent avant tout autoriser ces recours et, ensuite, ils devront suivre le cours normal du processus judiciaire, qui est déjà grandement retardé par la pandémie.
Conseils
-Pour déposer une plainte auprès de l’Office canadien des transports : otc-cta.gc.ca/fra • 1-888‐222-2592.
-Comment obtenir une rétrofacturation : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/sujet/achat/internet/annulation/remboursement/• 1-888‐672‐2556.
-Pour déposer une demande au FICAV : opc.gouv.qc.ca/ficav • 1-888-672-2556.
-Comment poursuivre aux petites créances : https://www.justice.gouv.qc.ca/vos-differends/les-petites-creances/• 1-866‐536-5140.
-Comment faire une mise en demeure : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/probleme-commercant/mise-en-demeure/• 1-888‐672-2556.
-Cabinets pilotant les recours collectifs : Perrier Avocats et Donati Maisonneuve (bit.ly/31 HRqgI • 514‐336-2769), Evolink Law Group et Champlain Avocats (en anglais seulement) : bit.ly/2 YW6 aHa • 604‐620-2666), BGA Avocats (bga-law.com/genestac • 1-866‐523-4222).