Des médecins et experts jettent le doute sur la capacité du système de santé québécois à affronter une deuxième vague de COVID-19, surtout si elle survient en même temps que la grippe.
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« Si la pandémie continue et provoque une deuxième vague à l’automne et l’hiver, ça risque d’être excessivement grave. Plus grave encore que ce qu’on a connu », s’inquiète l’intensiviste de l’Hôpital général juif, le Dr Michel De Marchie, aux premières loges de la crise depuis mars.
La récente hausse du nombre d’infections et les ratés des derniers jours du réseau de la santé n’ont rien de rassurant.
« C’est absolument aberrant, ça veut dire que le système n’est pas prêt à répondre », dénonce le Dr De Marchie, à propos des files d’attente de cinq heures pour se faire tester à Montréal.
Environ 200 patients et employés ont contracté le coronavirus à la suite d’une éclosion à l’Hôpital de Saint-Jérôme depuis juin.
« C’est désolant de voir ça, parce qu’on devrait avoir des mesures en place [...] ça démontre un relâchement », déplore-t-il, ajoutant que les hôpitaux ne doivent pas baisser la garde.
Mêmes symptômes
Les médecins craignent surtout une deuxième vague au moment même où le virus de l’influenza fera son apparition, alors que les symptômes sont semblables.
« Imaginez une grosse saison de grippe, avec des urgences qui débordent comme ça arrive chaque année au Québec et que vienne se greffer à ça la COVID-19 », souligne le microbiologiste Karl Weiss.
Il craint que des hôpitaux soient incapables d’isoler et de tester tous ces malades en même temps. Et si des dizaines de milliers d’opérations doivent être annulées comme ce printemps, Michel De Marchie craint des « dommages collatéraux incommensurables ».
Avec le début des vacances de la construction, la professeure de l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva craint, quant à elle, que la deuxième vague redoutée touche les régions qui « n’auront pas les moyens du réseau de la santé de Montréal. »
« S’il y a une deuxième vague et qu’elle est sévère, je pense qu’on aura de gros problèmes », renchérit quant à lui le professeur émérite Pierre-André Contandriopoulos, craignant l’absence de leadership local dans les CHSLD, par exemple.
L’épidémiologiste Benoît Mâsse estime à son tour que la balle est dans le camp des Québécois. Il leur revient de porter le masque et de respecter les consignes de distanciation sociale pour limiter la propagation du virus, même s’il n’est pas surpris de la résistance actuelle.
« Ce sera une guerre très différente de la première et il ne faut pas préparer la deuxième vague avec le scénario de la première », conclut le Dr Weiss.
Des malades de la COVID-19 mieux soignés
S’il y a une bonne nouvelle dans la lutte contre la COVID-19 au Québec, c’est que les médecins savent mieux traiter les personnes infectées par le coronavirus.
« C’est une maladie qui n’est pas seulement pulmonaire. C’est aussi une maladie inflammatoire qui a la capacité de provoquer des thromboses [des caillots dans les vaisseaux sanguins] », explique le Dr Karl Weiss.
Par exemple, le microbiologiste ajoute que les patients hospitalisés vont ainsi souvent recevoir des médicaments anticoagulants, pour empêcher la formation des caillots.
Pas d’employés en extra en CHSLD privés
« On n’aura pas d’extras si on tombe en deuxième vague », soutient Michel Nardella, propriétaire de la Résidence du Bonheur, à Laval, et président de l’Association des établissements de longue durée privés du Québec.
Ces établissements ayant été durement touchés par la pandémie, avec plus de 3600 décès dans les CHLSD publics et privés, leur niveau de main-d’œuvre reste précaire.
M. Nardella explique avoir assez de personnel pour assurer les services, mais il y aura à nouveau un manque si plusieurs tombent malades ou fuient comme au printemps. Et la formation accélérée du gouvernement n’est que pour les établissements publics.
Des «anges gardiens» toujours épuisés
« Non, non, non, il ne faudrait pas que [la deuxième vague] soit au mois d’août », lance avec crainte la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Nancy Bédard.
Des infirmières et des préposés n’ont toujours pas pu prendre de vacances et se voient encore obligés de travailler à temps plein, poursuit-elle.
Le ministère souligne aussi que 4296 travailleurs de la santé sont présentement absents. En mai, ce nombre a grimpé jusqu’à 11 000 travailleurs.