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De plus en plus lourds et de moins en moins économiques

Des véhicules de plus en plus nombreux et de plus en plus lourds, une fièvre des VUS qui ne s’estompe pas... le diagnostic est clair : le Québec souffre d’obésité routière.

En près de vingt ans, la masse moyenne d’un véhicule de promenade (automobile et camion léger) a augmenté de 18 %, selon un calcul de notre Bureau d’enquête fait à partir des nouvelles données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Chaque véhicule sur nos routes pèse donc en moyenne 238 kilos (524 livres) de plus qu’en 2001, soit l’équivalent de deux réfrigérateurs.

C’est comme si chaque voiture ou camion léger avait pris près de 13 kilos (28 livres) par année.

À titre d’exemple, la Toyota Corolla pèse 99 livres de plus qu’il y a 10 ans et 418 livres de plus qu’il y a 20 ans. 

 « Il y a des considérations de sécurité (coussins gonflables), mais aussi de confort, d’équipement et de fonctionnalité qui font en sorte que les voitures sont de plus en plus lourdes », explique le chroniqueur automobile Gabriel Gélinas.

La climatisation, les fenêtres électriques et le système de freinage ABS ajoutent aussi des kilos, poursuit-il.

Moins économique  

Et tout ce poids a une influence sur la consommation d’essence. La Toyota Corolla manuelle d’il y a 20 ans consommait 6,8 L/100 km (combinée ville et autoroute). Pour le modèle 2019, c’est 7,6 L/100 km.

« On a donc la même voiture qui est moins économique 20 ans plus tard », explique Martin Trépanier, professeur titulaire au département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal.

« L’amélioration de l’efficacité énergétique ne nous a pas permis d’économiser de l’essence, elle nous a permis d’avoir de plus gros chars. C’est un peu absurde », ajoute Catherine Morency, professeure spécialiste en génie du transport de Polytechnique Montréal et titulaire de deux chaires de recherche sur la mobilité.

Chaque voiture n’a pas nécessairement pris du poids. Le Ford F150 ou la Honda CRV sont moins lourds qu’il y a 20 ans. Mais ces camions, plus lourds qu’une berline, sont présents en plus grand nombre sur nos routes.

Transformation de la flotte  

 Le F150 est maintenant le véhicule le plus vendu au Québec et est le 5e plus immatriculé (voir tableaux).

« Il y a vraiment eu une transformation de la flotte », affirme Mme Morency, qui travaille avec Équiterre sur un projet de recherche pour comprendre pourquoi les VUS et les camionnettes sont si populaires et comment cela contribue à la congestion routière.

Une des pistes étudiées par Mme Morency est que plus les véhicules sont gros, plus les temps de déplacement et la congestion routière augmentent.

Ses modèles mathématiques montrent que 3500 véhicules auront besoin de 3,7 minutes pour parcourir un tronçon de 5 km si tous les conducteurs circulent en Smart. Par contre, ce temps augmente à 8,3 minutes si tout le monde conduit une Honda Accord, et à 12,7 minutes en VUS Ford Expedition.

« Si j’occupe plus d’espace parce que ma voiture est plus longue, la distance de freinage est plus longue et il y aura un espacement des véhicules », illustre-t-elle.

 « Le véhicule grossit, mais le taux d’occupation de la route diminue, c’est pour ça qu’on parle d’obésité routière », souligne Mme Morency.

Il s’agit là d’une piste de réflexion importante, dit-elle. 

« Actuellement, on se fout éperdument du concept de taille des véhicules et de l’impact que ça peut avoir sur la capacité de nos infrastructures. »

– Avec Philippe Langlois

Évolution du poids des 5 voitures les plus populaires au Québec

Ford F150

  

  • + 31,52 %   
  • - 279 KG ou 615 LB   
Année Nombre Poids Consommation (combinée)
2011 107 160 2125 kg 12L/100 km
2019 140 934 1846 kg 10,9L/100 km


Honda civic

  

  • + 0,14 %  
  • + 52 KG ou 114 LB   
Année Nombre Poids Consommation (combinée)
2011 294 083 1200 kg 6,5L/100 km
2019 294 506 1252 kg 8 L/100 km


Toyota Corolla

  

  • + 9,03 %  
  • + 45 KG ou 99 LB   
Année Nombre Poids Consommation (combinée)
2011 205 879 1240 kg 6,6L/100 km
2019 224 476 1285 kg 7,6L/100 km


Hyundai Elantra

  

  • + 76,62 %  
  • - 104 KG ou 229 LB   
Année Nombre Poids Consommation (combinée)
2011 99 268 1384 kg 7,8L/100 km
2019 175 327 1280 kg 8L/100 km


Mazda 3

  

  • + 6,13 %  
  • + 26 KG ou 57 LB   
Année Nombre Poids Consommation (combinée)
2011 140 261 1295 kg 7,1L/100 km
2019 148 856 1321 kg 7,7L/100 km

Sources: SAAQ, Guide l’auto, Auto123

Plus nombreux... Et plus lourds     

◆ On comptait 6 697 819 véhicules immatriculés au Québec en 2019. L’augmentation du parc automobile ralentit. Entre 2000 et 2009, le nombre de véhicules a augmenté de 24 % (une moyenne de 2,5 % par année). Et entre 2010 et 2019, la hausse est de 13 % (1,4 % par année). Il n’en demeure pas moins qu’entre 2000 et 2019, le parc a grossi de 43 %.

◆ Masse moyenne d’un véhicule de promenade (automobile et camion léger) :

2001 : 1300 KG (2866 livres)

2019 : 1538 KG (3390 livres)

+ 18 %

Fous des VUS     

Parmi les véhicules qui ont connu un bond important quant à leur présence sur nos routes entre 2011 et 2019, notons le Toyota RAV4 (+202,73 %), le Hyundai Tucson (+146,95 %), le Nissan Rogue (+ 386,67 %) ou le Kia Sorento (+206,4 %). Il s’agit de VUS pour tous ces véhicules.

Parmi les véhicules en circulation qui font partie des 50 modèles les plus populaires :  

-26,4 % sont des VUS, contre 24 % l’an dernier et 7 % en 2011.   

-55 % sont des voitures, contre 70 % en 2011.    

 Le Ford 150 est le véhicule le plus immatriculé dans quatre régions, soit le Nord-du-Québec, l’Abitibi-Témiscamingue, au Saguenay Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. Dans toutes les autres régions, c’est la Honda Civic qui domine.

Dans les véhicules immatriculés au Québec, 46 % appartiennent à des hommes, et 30 % à des femmes. Moins de 10 % des Ford F150 immatriculés appartiennent à des femmes.

Toujours plus de GES  

L’embonpoint de nos véhicules contribue grandement à augmenter nos gaz à effet de serre (GES), s’entendent pour dire des experts.

Le tiers de toutes les émissions de GES de la province vient du transport routier. Et alors que tous les autres secteurs de transport (maritime, ferroviaire, aérien) ont diminué ou très peu augmenté leurs émissions, le transport routier émet 50 % de plus de GES qu’en 1990.

« C’est vraiment la croissance des usages de camions légers et lourds qui explique la hausse importante des émissions en transports », explique Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de l’école des Hautes études commerciales (HEC) de Montréal. 

Depuis 1990, les émissions de GES attribuables aux VUS ont augmenté de 127 %.

Les GES attribuables aux camions lourds (autobus, camions, tracteurs routiers) ont pour leur part gonflé de 170 %. 

« Pour les camions lourds, ce n’est pas seulement le nombre de camions, mais aussi l’intensité des usages (le nombre de km parcourus en un an) qui a crû de + 59 % entre 1990 et 2017 pour chaque camion », explique M. Pineau.

Les ventes d’essence pour le transport sont aussi en hausse de 6 % pour la période de 2010 à 2018. La moitié des ventes d’essence de 2018 étaient d’ailleurs liées aux camions légers, la catégorie des VUS, camionnettes et fourgonnettes.

« Il n’y a pas vraiment eu de réaction du gouvernement pour contrôler la flotte, souligne la professeure Catherine Morency. On a manqué une grande opportunité de réduire nos gaz à effet de serre en la contrôlant. »

– Avec Philippe Langlois

Électrique: lentement à mais sûrement     

En date du 30 juin 2020, on comptait 76 357 véhicules électriques (entièrement électriques ou hybrides rechargeables) sur nos routes, selon l’Association des voitures électriques du Québec. À pareille date l’an dernier, on en dénombrait 52 556. C’est donc une augmentation de 45 %. Malgré cette augmentation, le nombre de voitures électriques ne représente que 1,14 % du parc automobile.

Les trois modèles les plus populaires sont la Volt de Chevrolet, qui accapare 17 % des parts du marché, la Nissan Leaf avec 13 % des parts et la Tesla Model 3 avec 12 % des parts.

Le conducteur type est un homme entre 46 et 55 ans ayant un salaire de 70 000 $ à 80 000 $.

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