La première vague de la pandémie a eu l’effet d’un tsunami chez nos aînés. La presque totalité des victimes de la COVID- 19 au Québec avaient plus de 70 ans, habitaient dans des CHSLD et des résidences privées pour aînés.
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L’émission «J.E» débute sa 28e saison avec un retour sur cette tragédie, la pire qu’a connue le Québec depuis un siècle. Des parents, des grands-parents ont rendu leur dernier souffle seuls, isolés de leur famille et trop souvent, dans d’atroces souffrances.
Si c’est à la résidence Eva de Lavaltrie qu’il y a eu la première victime de la COVID-19 au Québec, une dame de 82 ans, c’est l’éclosion au CHSLD privé Herron de Dorval, au début avril, qui a démontré jusqu’à quel point les aînés sont à risque dans ces milieux de vie.

«On a de l’amertume, on a le sentiment que c’était un drame annoncé», a confié Frédérick Girard à l’émission «J.E». Le fils d’Hermann Girard, un résident d’Herron décédé des suites de la COVID-19, déplore le manque d’équipement de protection individuelle dans l’établissement, l’absence de plan de remplacement des employés infectés, aucune stratégie pour faire face à l’éclosion.
«La seule stratégie qu’ils avaient, c’est que le virus n’entre pas dans la résidence, dit-il avec amertume. On le savait que les CHSLD sont des milieux fragiles au Québec, on voyait en Europe jusqu’à quel point le virus s’attaque aux personnes âgées, on ne comprend pas pourquoi les CHSLD ont été oubliés.»
La guerre on l’a perdue dans les CHSLD, conclut le fils d’Hermann Girard. Au CHSLD Herron, 43 résidents sont décédés durant la première vague.
C’est cependant au CHSLD Sainte-Dorothée de Laval qu’il y a eu le plus de décès au Québec. Là où le coronavirus SARS-CoV-2 est à l’origine de la mort de 101 résidents, dont Anna José Maquet, une dame de 94 ans.
Son fils, Jean Pierre Daubois est à l’origine d’une action collective contre le CISSS de Laval qui dirige l’établissement. «Au début de la pandémie, ils avaient avisé les familles que les résidents ne seraient pas transférés à la Cité-de-la-Santé durant une éclosion. Mais si on m’avait dit, au début du mois de mars, que personne ne serait transféré à l’hôpital et qu’on ne fournirait pas d’équipement et de soins médicaux sur place, ça n’aurait pas été la même chose. On m’a donné la moitié de l’équation.»
Rapport de la CNESST
L’émission «J.E» a obtenu un rapport de la CNESST produit après une inspection au CHSLD Sainte-Dorothée de Laval au début d’avril. On peut y lire que la direction a tardé à mettre en place des mesures essentielles pour éviter la propagation du virus dans l’établissement.
Que du personnel soignant a été déplacé entre les établissements et les unités de soins après l’éclosion survenue trois semaines plus tôt.

Que des employés qui présentaient des symptômes de COVID-19 ont tout de même continué à travailler auprès des personnes âgées.
Même après la publication de ce rapport, plusieurs sources nous indiquent que la direction de Sainte-Dorothée a exigé d’une infirmière auxiliaire qu’elle entre au travail malgré des symptômes évidents de la maladie à coronavirus.
Elle a dû quitter subitement l’établissement après avoir eu l’appel de la santé publique confirmant que son test était positif.
Les CHSLD pas prêts
Le problème fondamental, c'est que les CHSLD n’étaient pas prêts à faire face à la pandémie affirme l’avocat qui a présenté la demande d’action collective contre Sainte-Dorothée.
Selon Patrick Martin-Ménard, il est reproché, entre autres à ce CHSLD, de ne pas avoir mis en place les mesures exigées par le ministère de la Santé au moment de l’éclosion.

ANDRÉ PAQUETTE/TVA NOUVELLES/AGENCE QMI
«La trame de fond, c’est que les familles n’ont pas été informées de l’état des résidents avant qu’il ne soit trop tard, qu’ils cessent de manger, qu’ils soient comateux. Il était difficile d'avoir des informations. La direction disait, "ne vous inquiétez pas, tout va bien" alors que ça n'allait pas ».
«Ça laisse une marque ces décès, affirme l’avocat. Savoir qu’un proche est mort de faim ou de soif ou mort seul de la COVID, c’est le genre de chose qui demeure dans la mémoire des gens.»
Pour Patrick Martin-Ménard, le fait que les familles n’aient pas pu faire d’adieux est un manque d’humanité.