Ils sont des dizaines à nous le répéter à chaque entrevue : «Le soleil continuera de briller sur la Floride !» Loin de se laisser abattre par les perspectives économiques de la pandémie, plusieurs des 18 millions d’habitants de cet État du Sud croient que le boom immobilier les protégera de la crise.
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Au coin de la 11e avenue et du boulevard Las Olas à Fort Lauderdale, les restes de l’ouragan Sally fouettent le porche d’un commerce fermé en raison de la COVID-19. Sous cet abri de fortune, un sac d’école pour enfant, quelques sacs à poubelles et des couvertures sont disposés de manière assez ordonnée.

Chris y sirote un café Dunkin' Donuts, vêtu d’un short pâle et d’un polo Lacoste noir. Il a occupé plusieurs petits boulots au cours des dernières années, mais la pandémie a emporté avec elle toute opportunité d’emploi.
Il est à la rue, il a joint les rangs des 28 000 Floridiens considérés comme sans-abris, comme les deux femmes hispaniques qui squattent le commerce d’à côté, lui aussi fermé.

«Il n’y a personne qui prend notre défense, ils viennent de nous couper les coupons de nourriture, la police nous disperse quand nous allons quémander à l’église», dénonce-t-il.
«C’est un peu de la faute de Trump, mais pas totalement, c’est juste un autre président qui ne tient pas ses promesses», affirme Chris. Il s’est plaint à l’Hôtel de Ville, mais il a le sentiment de parler dans le vide. Une scène qui ne manque pas d’ironie considérant que la Floride vit un véritable boom immobilier. À deux pas de la «maison» de Chris se trouve la villa la plus chère de Fort Lauderdale.
Maison à 32 M$
«Bienvenue les amis ! Voici la maison la plus chère de Fort Lauderdale !» s’exclame en français l’agente immobilière Sophie Ghedin.
On décrit cette maison de la rue Bontona comme un havre de paix. Le marbre vient du Brésil. Les boiseries d’Italie. L’architecte qui l’a dessinée a aussi fait les plans pour des vedettes hollywoodiennes.

La table de verre montée sur un moteur de Ferrari vaut 60 000$. Il y a des quartiers privés pour les gardes du corps et bien sûr un emplacement pour amarrer un superyacht et un yacht. Les superlatifs manquent pour décrire les lieux.
«Une maison vraiment à échelle humaine», affirme sa propriétaire qui a aussi redesigné la célèbre propriété de Versace à Miami.
Du jamais vu
«Le marché ici c’est du jamais vu. Il y a les Américains qui arrivent de New York, Chicago, Boston et même de Los Angeles. Ça entraîne le marché à la hausse et nous n’avons pas assez d’inventaire dans les résidences abordables», lance Mme Ghedin qui travaille pour Keller Williams Realty Wellington, l’une des plus grosses agences des États-Unis.
Les endroits où se sont établis les Québécois sont certainement plus modestes que cette maison de prestige, mais il faut compter que ceux qui vivent au nord de la frontière possèdent pour plus de 35 milliards de dollars d’immobilier en Floride.
Que feront-ils maintenant que la pandémie limite leurs déplacements ?
Prudence
«74 % des snowbirds veulent revenir selon notre sondage maison !», s’enthousiasme Louis Rhéaume, le PDG de Desjardins Bank. Dans les locaux vides da sa «Caisse Pop» d’Hallandale, il incite toutefois les Québécois qui voudraient se débarrasser de leur maison en Floride à la prudence. «ll ne faut pas paniquer», conseille-t-il.
Il note une augmentation de 25 % du volume de ses transactions. Le marché floridien est dopé par la faiblesse du dollar américain et des taux d’intérêt. Le télétravail, encouragé par plusieurs entreprises américaines, contribuerait aussi à la migration des travailleurs du nord des États-Unis vers le sud du pays et donc, au boom immobilier.
Déjà des départs
Les souhaits de la communauté d’affaires de la Floride risquent toutefois d’être difficiles à exaucer, surtout au milieu d’un quasi-confinement de 28 jours au Québec.
Une visite du Séville Mobile Home Park de Hallandale confirme que certains Québécois sont en train de vendre leur propriété.

«Ils ne reviendront pas avant longtemps», affirme John qui travaille depuis plusieurs années comme concierge du parc de maisons mobiles. L’état d’esprit des gestionnaires de l’endroit traduit une certaine peur de la pandémie.

«Nous refusons de sortir [de l’immeuble] pour vous parler en raison de la pandémie ! Pas d’interview !», lance sèchement une dame à l’accent français qui nous enjoint également de quitter les lieux.