Le géant français Alstom est sous la loupe du Commissaire au lobbyisme du Québec en raison d’irrégularités relevées dans ses inscriptions, a appris Le Journal.
« Il y a beaucoup de choses qui ne semblent pas fonctionner, comme le renouvellement et le prolongement de mandat ou encore l’ajout d’un nouveau mandat qui ne respectent pas le délai de 30 jours », a indiqué au Journal le porte-parole du Commissaire au lobbyisme du Québec Daniel Labonté.
Le 7 octobre dernier, Alstom Transport Canada Inc. a modifié son inscription au Registre des lobbyistes pour ajouter un mandat lié au projet de tramway à Québec visant quatre charges publiques, dont le premier ministre du Québec.
Le hic, c’est que ce mandat a été ajouté plus de neuf mois après le début des activités de lobbyisme déclarées, ce qui ne respecte pas le délai maximal de 30 jours.
Joint par Le Journal, le porte-parole du Commissaire au lobbyisme du Québec, Daniel Labonté, a pu confirmer que l’inscription actuelle, telle qu’écrite, ne respecte pas les délais maximaux d’inscription.
Du même souffle, il a relevé plusieurs autres irrégularités dans l’inscription du géant français, ce qui l’a poussé à en faire l’analyse.
« On est devant une déclaration qui demande analyse, a-t-il confirmé. Le cas échéant, on pourrait intervenir parce que c’est le rôle du Commissaire de faire respecter les règles de la loi. »
Au Québec, chaque infraction avérée pour n’avoir pas respecté les règles de lobbying peut entraîner des pénalités allant de 500 $ à 25 000 $, même si dans les faits, ces dernières années, les amendes ont rarement dépassé les 500 $.
À la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui aide Alstom à avaler Bombardier Transport et qui deviendra le plus important actionnaire d’Alstom, on n’a pas voulu commenter leurs activités de lobbyisme.
« Il n’est pas dans nos pratiques de commenter les opérations des sociétés dans lesquelles nous sommes investis », s’est limité à dire son conseiller principal en relations médias, Serge Vallières.
Départ à la retraite
Quand Le Journal a demandé à Alstom si ses activités de lobbyisme avaient été inscrites dans les règles de l’art, l’entreprise a indiqué qu’elle avait apporté un changement au registre parce qu’Angelo Guercioni, directeur général d’Alstom Transport Canada Inc., doit prendre sa retraite en fin d’année.
« Monsieur Souheil Abihanna, qui le remplace dans ses fonctions depuis le 1er août 2020, a été à ce titre placé sur la liste du Registre des Lobbyistes du Québec, en transition progressive de Monsieur Angelo Guercioni qui sera retiré de cette liste d’ici à la fin d’année 2020 », a souligné Adrien Vernhes, responsable des communications, Canada.
La multinationale française n’a pas commenté le fait que le Commissaire au lobbyisme du Québec analysait l’inscription de la compagnie.
« Les mandats inscrits au Registre s’appliquent au champ d’activités de l’entreprise, que je vous invite à consulter ici [en pointant son site web]. De ce changement est intervenue la mise à jour des registres », a conclu M. Vernhes.
►En Europe, les syndiqués d’Alstom craignent que l’achat de Bombardier Transport ait pour effet d’affaiblir Alstom. L’éventualité d’une présence accrue de la Caisse de dépôt et placement du Québec suscite également de l’inquiétude.
Mandat de lobbyisme
D’Alstom Transport Canada Inc. (tramway de Québec)
Charges publiques visées
- Ministère des Transports (ministérielle, sous-ministérielle et chef de cabinet)
- Premier ministre (ministère du Conseil exécutif, ministérielle et sous-ministérielle)
- Réseau de transport de la Capitale (professionnelle)
- Réseau de transport de Longueuil (professionnelle)
Période couverte
- 2020-01-01 au 2021-10-07
Source : Registre des lobbyistes du Québec
Obligations légales en matière de délais d’inscription
Au Québec, la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme prévoit des délais maximaux d’inscription au registre des lobbyistes.
Les lobbyistes-conseils, lobbyistes d’entreprise ou d’organisation ont l’obligation de s’y conformer.
Entre la date où les activités de lobbyisme sont effectuées et la date à laquelle celles-ci doivent être inscrites au registre, les délais sont assez courts (voir tableau plus bas).
En cas de non-respect des délais, la Loi prévoit des sanctions.
« Un lobbyiste qui ne respecte pas la Loi risque d’entacher sa crédibilité auprès des élus et des fonctionnaires et auprès de l’opinion publique », souligne le commissaire au lobbyisme sur son site web.
Un lobbyiste qui contrevient à la Loi s’expose à des amendes de 500 $ à 25 000 $, à des sanctions civiles ou encore à des mesures disciplinaires, qui peuvent aller jusqu’à lui interdire de faire du lobbyisme pendant un an.
Délais maximaux
Initial
- Le lobbyiste-conseil doit faire cette première inscription au plus tard 30 jours après ses premières activités de lobbyisme.
- Pour le lobbyiste d’entreprise ou d’organisation, ce délai s’étire à 60 jours.
Modification
- Le lobbyiste-conseil doit inscrire tout changement à ses activités de lobbyisme au plus tard 30 jours après ses activités.
- Dans ce cas, le lobbyiste d’entreprise ou d’organisation doit aussi respecter les mêmes 30 jours.
Renouvellement
- Le lobbyiste-conseil doit renouveler chaque année son inscription quand il a des mandats encore actifs au plus tard 30 jours après l’anniversaire de la date de sa déclaration initiale.
- Pour le lobbyiste d’entreprise ou d’organisation, ce délai s’étire à 60 jours.
Source : Commissaire au lobbyisme du Québec
Lobbyisme au Québec
- Déclarations publiées : 6355
- Lobbyistes d’entreprise : 2812
- Surveillance, vérification et enquête : 428
- Lobbyistes-conseils : 235
Source : Rapport d’activités 2019-2020, Commissaire au lobbyisme du Québec