Dans son rapport d’étape déposé jeudi, la Protectrice du citoyen expose au grand jour l’horreur qui s’est déroulée à l’intérieur des CHSLD durant la première vague. Mais il ne faut pas se leurrer, la situation ne s’est guère améliorée quelques mois plus tard, prévient l’analyste Emmanuelle Latraverse.
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Les constats de la Protectrice du citoyen rejoignent plusieurs observations déjà relevées par les médias et le gouvernement Legault depuis le début de la pandémie, mais exposent aussi des situations difficiles à accepter.
«On savait déjà que ces gens-là étaient morts dans l’indignité. Ce qu’on apprend et ce qu’on découvre dans ce rapport, c’est à quel point ils ont soufferts», note Emmanuelle Latraverse.
Au cours de la première vague, on a carrément demandé aux CHSLD de se transformer en hôpitaux, mentionne l’analyste, mais ces établissements n’étaient tout simplement pas en mesure de répondre à une telle tâche. En plus des défis en matière de matériel de protection, les patients ont manqué de pompes à perfusion et même de matériel pour l’oxygène.
«Les scènes qu’on a vues en Italie, où les médecins racontaient qu’ils devaient choisir à qui donner de l’oxygène, on s’imaginait que ce n’était pas arrivé ici... mais non, c’est arrivé dans nos CHSLD», déplore l’analyste.
«C’était tellement le bordel là-dedans, regrette-t-elle, que ce sont des préposés aux bénéficiaires qui avaient à faire le choix entre la vie et la mort.»
Ce choix impossible s’ajoutait aux conditions de travail «délirantes» avec lesquelles le personnel des CHSLD devait composer.
Aujourd’hui, le gouvernement dit «plus jamais». Mais peut-on vraiment promettre une telle chose, quand on sait que 40 % des décès de la deuxième vague surviennent encore dans les CHSLD?
«On est essentiellement confrontés au même problème, c’est juste que dans l’horreur, on a baissé de niveau», dit Emmanuelle Latraverse.
L’analyste a d’ailleurs reçu un message alors qu’elle était en ondes à La Joute d’une personne qu’elle connait très bien et dont le père est justement décédé dans un CHSLD.
«Il n’y a rien qui a changé. Quand elle entrait tous les jours, comme aidante naturelle, pour aller voir son père, il était souillé, il n’avait pas été lavé, il n’avait pas été nourri, il n’avait pas été hydraté, raconte l’analyste. Et une fois qu’il a attrapé la COVID, on les a parkés à trois dans la même salle à se tousser dessus, dans une pièce sale, dont le plancher n’était pas lavé et où on ne voyait jamais le même médecin.»
«J'ai bien de la misère à croire le ministre qui nous dit aujourd'hui “plus jamais”», ajoute-t-elle.
L’analyste estime que le gouvernement et la population se sont réconfortés à la suite de l’embauche des 7000 préposés aux bénéficiaires et en voyant que le nombre de décès a ralenti, mais la réalité, elle, demeure la même.
«Nos personnes âgées continuent à mourir, continuent à vivre dans des conditions dégueulasses en ce moment et, parce que c’est moins pire qu’avant, on se réconforte en se disant qu’on a évité le scénario de la première vague.»
Le système, dit-elle, doit être rasé et reconstruit de la base.
«Ce n’est plus réparable», tranche-t-elle.