La période des Fêtes sera bien particulière cette année. Bien nombreuses sont les personnes qui vont malheureusement passer leurs Fêtes isolées de leurs familles et de leurs proches. Nous vivons un contexte particulièrement difficile qui nous force à nous adapter à une situation exceptionnelle dont tout le monde espère voir la fin bientôt.
Or pour les personnes bénéficiant de l’aide sociale qui ont de la famille à l’extérieur du Québec, une règle les force à rester isolées toute l’année, sans possibilités de savoir quand elles pourront les revoir, même pendant le temps des Fêtes.
De lourdes conséquences pour les familles
Au Québec, une personne à l’aide sociale qui quitte la province plus de 7 jours consécutifs ou plus de 15 jours cumulatifs dans un même mois voit son maigre chèque mensuel coupé et ne dispose plus de ressources pour payer son loyer ou son épicerie.
En tant qu’organisatrices communautaires, nous avons recueilli le témoignage de personnes directement touchées par cette règle qui les affecte tout autant, que leur famille soit au Canada ou à l’étranger.
« C’est vraiment triste, on est comme bloqué et prisonnier ici... On perd nos liens, et un peu de notre culture», dit Aicha du comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint Charles (CPAS).
Dans le contexte de pandémie, « on ne voit plus personne et on ne sait même pas si on va revoir nos proches qu’on n’a pas vus depuis des années », explique Koka du comité anti-pauvreté de Projet Genèse. « L’aide sociale reconnaît pourtant que je ne peux pas travailler, je déprime l’hiver, on est âgé, on est malade, c’est notre thérapie pourtant d’aller voir nos proches. Pourquoi on est privé de ça ? », se questionne-t-elle.
Selon nous, cela va même jusqu’à pousser les personnes à se mettre en danger, car il y a des situations où elles n’ont pas le choix que d’être près de leurs familles.
Citons par exemple Antoine, qui devait être présent auprès de sa fille, victime dans un procès criminel, à Vancouver.
Ou Christophe, qui a mis sa santé en danger en cherchant coûte que coûte à trouver une manière de payer son billet d’avion et compenser la perte de revenus liée à cette règle. Il a dû enchaîner des cadences de travail infernal en CHSLD comme préposé aux bénéficiaires pendant la pandémie. Conséquence : décompensation d’une crise maniaque. Il n’a pas pu partir.
Et Sylvie, dont le fils, se faisant du souci pour sa santé mentale, l’a obligée de le suivre quelques jours au nouveau Brunswick avant le confinement pour qu’elle soit entourée de ses proches. Conséquence : avec la fermeture des frontières, Sylvie n’a pas pu revenir au Québec et l’aide sociale l’a menacée de lui réclamer près de 2000 $.
On oblige également les personnes assistées sociales à mettre aussi en danger leurs proches en ne pouvant pas les visiter. Ouahiba qui doit laisser sa mère en Algérie gravement malade se débrouiller toute seule avec ses problèmes de santé et qui lui dit régulièrement : « Ouahiba, tu me laisses toute seule ici... ».
Mohammed, lui, n’a pas pu aller enterrer ses deux parents ni faire son deuil entouré de ses proches, cela fait 7 ans déjà...
Le gouvernement doit agir
Toutes ces histoires montrent à quel point ce règlement est injuste pour les personnes qui sont à l’aide sociale. Ça les empêche de circuler librement et de revoir leurs proches, pandémie ou pas.
Alors que tous les Québécois prennent aujourd’hui conscience que cette période des Fêtes sans leurs proches va être vraiment difficile, des personnes à l’aide sociale, elles, doivent vivre avec ce poids toute l’année, et sans espoir qu’un vaccin puisse venir résoudre le problème comme un coup de baguette magique.
On espère que le contexte de pandémie va pouvoir éclairer le gouvernement et le convaincre d’abolir ce règlement le plus vite possible
Sylvia Bissonnette et Marion Lignac, organisatrices communautaires pour la campagne Pauvre et captif