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Une force à toute épreuve

Le bénévole Gilles Kègle œuvre depuis 36 ans, sept jours sur sept, auprès des malades et des démunis du quartier Saint-Roch.

Photo Didier Debusschere

Le bénévole Gilles Kègle œuvre depuis 36 ans, sept jours sur sept, auprès des malades et des démunis du quartier Saint-Roch.

Malgré un cancer qui a failli le tuer et la pandémie qui pourrait le ralentir, rien n’arrête « l’infirmier de la rue » Gilles Kègle, qui travaille 15 heures par jour, comme chaque année, pour s’assurer que les plus démunis puissent avoir un plus beau Noël.

Créateur de la fondation qui porte son nom, le bénévole Gilles Kègle œuvre depuis 36 ans, sept jours sur sept, auprès des malades et des démunis du quartier Saint-Roch.

Louisette Langlois, 82 ans, se retrouve sur la carte de Noël envoyée aux donateurs de la Fondation Gilles Kègle cette année.

Photo Didier Debusschere

Louisette Langlois, 82 ans, se retrouve sur la carte de Noël envoyée aux donateurs de la Fondation Gilles Kègle cette année.

Jamais il n’a pris une seule journée de congé. Mais ça, c’était avant l’été dernier.

« Du jour au lendemain, j’ai appris que j’avais un cancer de la langue et que c’était très grave. On me donnait deux mois à vivre si je ne me faisais pas opérer », a expliqué l’homme de 78 ans, rencontré par Le Journal dans sa demeure de la rue du Pont, à Québec.

« J’avais perdu beaucoup d’énergie, j’ai eu peur de ne pas m’en sortir », a-t-il soupiré, s’apprêtant à effectuer sa tournée quotidienne des malades.

Gilles Kègle (à droite) est allé remettre un petit cadeau à Daniel Pelletier, 45 ans, pour Noël.

Photo Didier Debusschere

Gilles Kègle (à droite) est allé remettre un petit cadeau à Daniel Pelletier, 45 ans, pour Noël.

Handicapé à vie

Deux semaines après le diagnostic, en juin dernier, il entrait à l’hôpital où on lui a retiré la moitié de la langue pour combattre la maladie.

Il y a passé une dizaine de jours sous trachéotomie, dont deux aux soins intensifs.

C’est là qu’on lui a expliqué qu’il n’allait plus être capable de manger comme tout le monde, qu’il serait condamné à se nourrir presque exclusivement de purée, et qu’il aurait un trouble du langage pour le reste de sa vie.

M. Kègle travaille une quinzaine d’heures chaque jour pour faire la tournée des malades et des démunis de Saint-Roch.

Photo Didier Debusschere

M. Kègle travaille une quinzaine d’heures chaque jour pour faire la tournée des malades et des démunis de Saint-Roch.

Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas ce qui allait empêcher le septuagénaire de prendre soin de ses patients alors que la pandémie a exacerbé leur solitude et leurs besoins.

Moins de 24 heures après sa sortie de l’hôpital, il enfilait ses souliers et entamait ses 30 km de marche quotidienne pour aller à leur rencontre.

« Quand j’étais à l’hôpital, j’ai vu que mes bénévoles pouvaient très bien s’organiser sans moi, je peux partir en paix. Ça, ça m’a soulagé. Mais je n’ai jamais pris de congé, ce n’est pas là que j’allais commencer », a-t-il laissé entendre. 

« Jusqu’à ma mort »

« Maintenant, je suis plein d’énergie. Lors de mon dernier examen [médical, les médecins] ne voyaient pas de trace de cancer », a toutefois assuré M. Kègle, ajoutant qu’il s’agissait d’un miracle. 

Questionné à savoir si cet épisode l’a poussé à songer à prendre du repos, le bon samaritain a affirmé qu’il poursuivrait sa quête tant qu’il sera de ce monde.

Vincent Roussel (à droite), 61 ans, reçoit la visite de M. Kègle, ou de ses bénévoles, à raison de trois fois par jour.

Photo Didier Debusschere

Vincent Roussel (à droite), 61 ans, reçoit la visite de M. Kègle, ou de ses bénévoles, à raison de trois fois par jour.

« Je le ferai jusqu’à ma mort. J’ai toujours dit que j’allais mourir debout, au travail. Quand ? Je ne le sais pas. Mais je compte bien me rendre jusqu’à 100 ans. En attendant, je puise mes ressources dans la chapelle que j’ai construite, au sous-sol », conclut l’homme. 

«Quand Noël arrive, c’est épouvantable»  

Même si la COVID-19 a exacerbé les besoins de la population vulnérable de Québec et a réduit de façon considérable ses effectifs « à risque », Gilles Kègle et ses bénévoles tiennent le coup.

« Ma clientèle augmente de plus en plus, surtout du côté de la santé mentale, à cause de la pandémie. On a de plus en plus de cas de suicide, on n’a jamais connu ça de cette ampleur-là », affirme celui qu’on surnomme « l’infirmier de la rue ».

« Et dans une année comme celle-là, quand Noël arrive, ça devient épouvantable. Il faut les rejoindre, ces gens-là », poursuit-il.

La fondation de M. Kègle a par ailleurs été particulièrement éprouvée avec la crise sanitaire, perdant notamment neuf bénévoles qui ont dû se retirer, car ils risquaient de mourir à cause du virus.

Mais le septuagénaire et sa bande sont loin de baisser les bras en cette période trouble, comme le démontre la cinquantaine de paniers de Noël qu’ils ont livrés à leur clientèle la semaine dernière.

« Un ange »

Le Journal a d’ailleurs pu constater hier tout le bien qu’ils apportent aux personnes dans le besoin.

Trousseau de clefs à la main, appareils pour des soins dans son sac à dos et cadeaux de Noël en main, Gilles Kègle s’est rendu aux quatre coins de Saint-Roch pour vérifier si les gens allaient bien.

En cette année particulièrement difficile, c’est dans la chapelle qu’il a fait bâtir dans son sous-sol que Gilles Kègle puise ses ressources.

Photo Didier Debusschere

En cette année particulièrement difficile, c’est dans la chapelle qu’il a fait bâtir dans son sous-sol que Gilles Kègle puise ses ressources.

« Dans ma langue maternelle, mon nom de famille veut dire “je ne désespère jamais”. Gilles m’aide un peu à y arriver. Je peux vous jurer, c’est un ange », lance Alice Sindihebura, originaire du Burundi, rencontrée dans son logement.

« Il y a une grande amitié qui nous relie l’un à l’autre. Lui [et ses bénévoles] prennent soin de moi et m’aident beaucoup tous les jours », affirme pour sa part Vincent Roussel, ajoutant qu’il allait prier pour lui.

Noël solidaire

L’infirmier de la rue se désole de ne pouvoir organiser un repas de Noël cette année à cause de toutes les restrictions sanitaires, une tradition qui existe depuis au moins 20 ans.

Cependant, il tentera de réduire la solitude de ses démunis en allant personnellement les visiter durant la période des Fêtes.

« Je ne suis pas un braillard, mais c’est rendu que je fais souvent des crises de larmes le soir en repensant à ce qui se passe cette année », confie l’homme.

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