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Des Québécois sur le party dans le Sud

Pas de masque, pas de lavage de mains, accolades avec des étrangers : les Québécois en vacances dans le Sud font la fête comme si le coronavirus n’existait plus, au risque de le ramener à la maison.

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« De toute façon, si quelqu’un a la COVID-19 ici, on l’aura tous », glisse un Québécois originaire de Sherbrooke, qui séjourne dans un hôtel de Playa del Carmen, au Mexique.

Le Journal a décidé de s’y rendre incognito lorsque de nombreux vacanciers ont fui la Belle Province pendant les Fêtes, suscitant la grogne des autorités et de la population. Ce que nous avons vu nous a scié les jambes.

Difficile de croire que l’on est en pleine pandémie lorsqu’on se trouve dans l’un des nombreux complexes hôteliers de ce petit coin de paradis, loin du froid hivernal. Là-bas, seuls les employés portent le masque partout : dans les lieux fermés, à l’extérieur, derrière les bars des piscines.

Québécois sur la plage

Photo Clara Loiseau

Masqués juste au resto   

Les clients ne se le font demander que dans les restaurants lorsqu’ils se déplacent.

Encore là, quelques personnes ne respectent pas la consigne et personne ne leur demande de remettre leur couvre-visage.

En ce qui a trait au lavage des mains, c’est simple, seule une très petite minorité de gens le font, selon ce qu’a pu constater Le Journal. Les employés ne le demandent pas non plus. 

Les panneaux pour rappeler la distanciation se font extrêmement rares partout sur le complexe.

Très rapidement, l’impression que le virus n’existe pas ici est très forte, la vie semble presque normale. Pourtant, le Mexique recense plus de 1,3 million de cas et plus de 122 000 décès depuis avril.

Pour la plupart des Québécois rencontrés, les vacances dans le Sud étaient l’opportunité de retrouver une vie normale pendant cette crise sanitaire.

« J’avais peur que les gens soient distants et qu’ils soient froids à cause du COVID, mais finalement non, et ça fait du bien. On peut enfin socialiser comme avant », explique un jeune homme de la Rive-Sud, qui est venu accompagné de sa meilleure amie qui vit dans le Bas-Saint-Laurent.

Pas de distanciation  

Ils ont décidé de partir ensemble pour profiter du soleil au lieu de tourner en rond. Au Mexique, ils sont devenus amis avec des Américains du Texas, avec qui ils partagent tous leurs repas le soir sans respecter de distance et sans masque.

Pour un Canadien originaire d’Ottawa, il était impensable de ne pas venir en profiter alors qu’il doit rester enfermé chez lui.

Autour des différentes piscines, verre à la main, les clients restent tous très proches les uns des autres, même s’ils ne font de toute évidence pas partie de la même bulle familiale. Parents, enfants, tout le monde se côtoie à moins de deux mètres et surtout sans aucun masque.

Aux abords des piscines du <i>resort</i>, l’alcool coulait à flots pendant les Fêtes. Les groupes ne respectaient pas la distanciation, s’échangaient des verres et des cigarettes et s’enlaçaient les uns les autres pour prendre des photos souvenirs.

Photo Clara Loiseau

Aux abords des piscines du resort, l’alcool coulait à flots pendant les Fêtes. Les groupes ne respectaient pas la distanciation, s’échangaient des verres et des cigarettes et s’enlaçaient les uns les autres pour prendre des photos souvenirs.

Cigarette partagée  

Certains clients s’échangent même des cigarettes pour les fumer ensemble.

Même chose du côté de la plage. Des groupes, des familles se rassemblent au bord de la piscine qui avoisine l’océan. Cocktails, musique et accolades de tout genre sont au rendez-vous.

La plupart des Québécois à qui Le Journal a parlé n’ont pas trop voulu s’étendre sur des questions du genre : allaient-ils respecter une quarantaine à leur retour ou avaient-ils fait des préparatifs pour l’épicerie, par exemple.

Un Montréalais a dit qu’il suivrait à la lettre la quarantaine, parce qu’il avait « trop la chienne d’avoir les 750 000 $ d’amendes et les six mois d’emprisonnement » annoncés par le fédéral aux contrevenants qui reviennent de vacances.

Quelques situations           

Que ce soit dans l’avion, à l’hôtel, au restaurant ou à la plage, il a été possible de constater que les touristes québécois et étrangers manquaient aux règles sanitaires dans tous les endroits visités.

Aéroport

 À 5 h du matin, le 23 décembre, l’aéroport de Montréal était rempli de voyageurs qui allaient principalement dans le Sud. 

Arrivé à Cancún, personne ne fait un rappel des règles mises en place pour contrer la propagation du coronavirus. Une employée regarde un écran thermique pour vérifier rapidement la température des passagers. Personne ne demande à ce que les voyageurs se lavent les mains.

Personne ne demande non plus à ceux qui viennent récupérer leurs bagages de respecter la distanciation et de porter son masque correctement. Les voyageurs commencent à prendre leur aise et à moins respecter les mesures.

Dans l’avion

Retour avion

Photo Clara Loiseau

Aucune distanciation n’est possible dans l’avion d’Air Canada, puisqu’absolument tous les sièges sont occupés, tant lors du vol aller en direction de Cancún, au Mexique, que du vol retour pour Montréal.

Chaque passager doit impérativement garder son masque durant toute la durée du trajet d’un peu plus de quatre heures, sauf pour boire et manger.

Il a toutefois été possible de constater que plusieurs voyageurs ne portaient pas leur masque en tout temps. Lors du trajet aller, les agentes de bord sont passées cinq fois à côté des contrevenants sans leur faire la moindre remarque.

À la plage

Fête sur la plage

Photo Clara Loiseau

À la plage de l’hôtel, des groupes se rassemblent près de la piscine qui avoisine l’océan et s’enlacent, alors que l’alcool coule à flots.

Personne ne porte le masque, personne ne respecte la distanciation. Il n’y a pas de désinfectant pour se laver les mains à proximité.

Dans la ville de Playa del Carmen, la plage publique est remplie à craquer. Touristes et résidents locaux se côtoient en respectant très difficilement le 1,5 mètre de distanciation réclamé par les autorités mexicaines.

Plusieurs groupes d’étrangers vêtus de maillots de bain et de chapeaux de père Noël font la fête sans porter de couvre-visage et en ne respectant aucune mesure sécuritaire.

À la piscine

Piscine adulte

Photo Clara Loiseau

Du côté de la piscine accessible à tous, on se rend vite compte qu’aucune bulle familiale n’est respectée.

Les familles partagent les chaises longues au bord de l’eau. Les enfants jouent ensemble, tandis que les parents boivent entre eux et se partagent des cigarettes et même des boissons.

Un peu plus loin, à la piscine réservée pour les adultes, c’est la même chose.

Personne ne respecte la distanciation de 2 mètres, personne ne porte de masque et les gens n’hésitent même pas à s’échanger leurs verres.

Un touriste dit qu’il essaie de respecter la distanciation, alors qu’il se trouve à seulement quelques centimètres d’un autre étranger au bar de la piscine. Depuis qu’il est arrivé à l’hôtel, lui et son amie sont devenus amis avec des Américains avec qui ils partagent leurs repas tous les soirs.

Lors de la soirée spéciale de Noël

Party de Noël

Photo Clara Loiseau

Évidemment, comme il fallait s’y attendre, la soirée spéciale pour Noël a eu un grand succès auprès des clients de l’hôtel.

Beaucoup sont allés souper avec des personnes qu’ils ont rencontrées lors de leur séjour.

Pour le spectacle de Noël, petits et grands étaient rassemblés autour d’une scène, sans porter de masque et sans respecter les mesures de distanciation. Aucun employé de l’hôtel ne passait pour leur demander de s’écarter.

 Plus loin, des groupes se formaient en cercle un peu partout, et les touristes échangeaient entre eux et jouaient à des jeux d’alcool.

Au buffet

Buffet de soir

Photo Clara Loiseau

Bien que le masque soit obligatoire lorsque les clients se déplacent autour du buffet ou dans la salle à manger du restaurant, plusieurs ne le portent pas.

Qui plus est, la majorité des clients ne se lavent pas les mains en entrant dans le restaurant et personne ne leur demande de le faire.

Rue commerçante

Sur la 5e avenue de Playa del Carmen, la plupart des gens portent un couvre-visage. Seuls quelques touristes étrangers ne le portent pas.

C’est finalement la fois où l’on peut voir autant de gens arborer un couvre-visage depuis le début du voyage.

Peur du jugement

Plusieurs Québécois ont confié avoir dit à peu de gens de leur entourage qu’ils partaient en vacances dans le Sud, par peur de se faire juger. Un Québécois de la Rive-Sud de Montréal a indiqué avoir informé seulement sa mère, qui se chargera de faire son épicerie lors de sa quarantaine, à son retour.

Un résident d’Ottawa a affirmé qu’il ne publierait d’ailleurs rien de son voyage sur les réseaux sociaux par crainte de représailles.

Ce masque qu’on ne veut pas voir           

Notre journaliste Clara Loiseau a accompagné des Québécois vers le Mexique dans la foulée de la controverse ici au sujet des voyageurs se souciant peu des recommandations des autorités. Elle nous raconte ici la suite de son expérience de quatre jours.

Notre journaliste portait son masque dans tous les lieux intérieurs ainsi qu’à l’extérieur lorsque la distanciation physique n’était pas possible.

Photo Clara Loiseau

Notre journaliste portait son masque dans tous les lieux intérieurs ainsi qu’à l’extérieur lorsque la distanciation physique n’était pas possible.

Pendant les quatre jours de mon voyage dans un tout-inclus, j’ai pu constater que le fait que je porte un masque avait l’air de déranger.

Plusieurs fois, je me suis fait regarder intensément par des clients, québécois ou non.

Comme si ce n’était pas normal de porter un couvre-visage, comme si cela voulait dire que j’étais malade ou que j’étais un rappel de ce qui les attend à leur retour chez eux.

Bien sûr, ils auraient pu me dévisager pour autre chose, mais quand le regard va directement vers le bas du visage, je peux croire que c’est mon masque qu’on fixait.

Mais outre ces regards pesants, j’ai aussi reçu de nombreux commentaires de plusieurs Québécois.

Le soir du 24 décembre, par exemple, assise avec plusieurs personnes autour d’une table à l’extérieur, je me suis fait achaler pas une, pas deux, pas trois, mais bien quatre fois parce que je portais mon couvre-visage. Une Québécoise m’a d’abord demandé pourquoi je le portais.

Un autre m’a dit que ça ne servait à rien de porter un masque, car nous étions dehors.

Sauf que la distanciation de deux mètres était difficile à respecter puisque beaucoup de gens faisaient des allées et venues à côté de moi, bien que je me sois écartée un peu du groupe.

Un troisième Québécois, originaire de Montréal, m’a simplement fait une réflexion désobligeante et est parti s’asseoir à une autre place, plus loin de moi.

La faute des médias  

Un dernier m’a également souligné que je regardais trop la télé, comme s’il ne fallait pas croire ce que les médias rapportaient...

Tout ça me rappelait curieusement le Québec, au début de la pandémie, lorsque peu de gens portaient le masque et qu’ils se faisaient regarder comme des personnes étranges.

Plusieurs fois, aussi, on m’a fait des réflexions parce que j’essayais de garder une distance sécuritaire. Une mère de famille a par exemple dit à son enfant que « j’avais l’air de ne pas aimer qu’il joue dans mes jambes », et elle-même se trouvait à quelques centimètres de moi.

Désinfectant optionnel  

On m’a aussi regardée avec un air interloqué lorsque je me mettais du désinfectant sur les mains après être allée chercher mes plats au buffet ou lorsque j’ai fini mes repas. Même chose après être allée chercher des boissons au bar.

Pourtant, il me semblait normal de faire attention et de mettre le plus de barrières possible pour éviter d’être contaminée.

Surtout quand on se retrouve dans un endroit qui rassemble des gens venant du monde entier et de pays parmi les plus durement touchés, comme le Brésil ou les États-Unis.

Respect des mesures sanitaires québécoises         

Dans le cadre de ce reportage, durant l’entièreté du voyage dans un tout-inclus du Mexique, j’ai respecté les mesures sanitaires en vigueur au Québec afin d’éviter d’être contaminée par la COVID-19, en plus de prendre des dispositions pour la quarantaine au retour.

Chaque jour, matin et soir, j’ai porté et changé mon couvre-visage en évitant au maximum d’y toucher pour le mettre et l’enlever. 

Je le portais même à l’extérieur, lorsque la distance de deux mètres était difficile à respecter.

Les masques souillés après plusieurs heures ont été mis dans un sac en plastique particulier pour qu’ils ne soient pas en contact avec d’autres éléments.

 Lorsque je ne portais pas de masque, le respect des deux mètres de distanciation s’est fait dans la mesure du possible.

En plus de me laver les mains régulièrement, avec du savon ou avec un désinfectant dans les restaurants ou autres endroits, je me suis régulièrement nettoyé les mains avec mon désinfectant personnel, après avoir touché une poignée de porte, par exemple.

Une petite bouteille de solution hydroalcoolique a presque été entièrement utilisée pour ce voyage.

Rrigoureuse quarantaine  

Avant mon retour au Québec, je me suis inscrite sur l’application gouvernementale ArriveCan.

Je n’ai pas emprunté les services de transports publics une fois arrivée à Montréal, mais j’ai pris un taxi.

Une fois arrivée sur mon lieu de quarantaine, je l’ai indiqué sur l’application ArriveCan, comme il est obligatoire de le faire.

Le conjoint aussi  

Mon conjoint s’est également mis en isolement préventif pendant 14 jours. 

Il avait déjà fait une épicerie en prévision de mon retour. Les prochaines courses alimentaires se feront par internet, en respectant toutes les mesures gouvernementales. 

Mon employeur s’est engagé à payer tous les frais additionnels que ce confinement nécessitera.

Comme la loi l’oblige, aucune sortie ne sera faite par nous deux pendant toute la durée de l’isolement. 

Nous tiendrons nos lecteurs informés.