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Ils n'auraient pas dû mourir

Des endeuillés déplorent avoir perdu un proche dans des circonstances tragiques, faute d’accessibilité aux soins en santé mentale.

Alain Magloire, Philippe Charles-Leclerc, Catherine Richelieu, Suzie Aubé et Anthony Villemure ont en commun d’avoir demandé de l’aide en santé mentale. Selon leurs proches, elles sont toutes décédées faute d’avoir reçu des services adéquats et en temps opportun.

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«C’était une mort évitable», affirme sans équivoque la mère de Catherine Richelieu, Nathalie Renaud.Ces familles endeuillées se considèrent comme des victimes collatérales d’un système dysfonctionnel. Elles militent pour un changement profond de culture.

Les portes tournantes   

Listes d’attente qui n'en finissent plus, mauvais diagnostics, professionnels et institutions qui travaillent en silos, pas de place pour les proches, impossibilité de forcer le traitement d’une personne inapte à prendre des décisions, incompréhension des limites imposées par la maladie: le système est brisé. Il ne répond plus quand on appelle à l’aide, déplorent les personnes interviewées.

Les 100 millions $ d’investissements en santé mentale, annoncés en novembre suite à la tragédie de Québec, ne suffiront pas, selon la fondatrice du groupe de pression Citoyens pour l’amélioration du système de santé mentale au Québec, Nadine Fortin.

«Ça va prendre plus que ça», dit-elle en pointant du doigt la pandémie qui a exacerbé la détresse et les listes d’attente qui s’allongent.«Les gens qui travaillent dans le domaine de la santé mentale sont à bout. Ce qui me fait peur, c’est que les gens à qui on demande de l’aide ont besoin d’aide eux aussi», souligne la femme de 39 ans de Chicoutimi qui milite depuis le suicide de son père en 2015.

Celui-ci était travailleur social. Il s’est enlevé la vie quelques heures après avoir reçu son congé de l’Hôpital de Chicoutimi où il avait été admis après une tentative de suicide, deux jours plus tôt.«Je me suis rendu compte que ce qui s’est passé avec mon père il y a cinq ans continue de se produire. Rien n’a changé», constate-t-elle.

Il existe des solutions   

Les personnes interviewées formulent aussi des pistes de solutions.Elles citent notamment la triangulation des soins, une approche qui reconnaît l’apport des proches dans le traitement des patients. Elle a obtenu d’excellents résultats en Angleterre, notamment, où elle est préconisée.

«Le gouvernement, il y a 40 ans, s’est attaqué aux accidentés de la route avec des campagnes publicitaires incroyables sur l’alcool au volant, la ceinture de sécurité et j’en passe. Ils y sont arrivés. Ils ont réduit les accidents de la route de façon significative», fait valoir la sœur de Suzie Aubé, Josée Bilodeau. Elle estime qu’on devrait s’attaquer à la santé mentale avec la même énergie.

Inspirées par leur expérience, les personnes interviewées ont formulé des recommandations pour améliorer la façon dont on traite la santé mentale au Québec. En voici quelques-unes :

- Impliquer les proches du patient dans son plan de traitement et créer un filet de sécurité, ce qu’on appelle communément la triangulation des soins. Cette approche a été adoptée en Angleterre avec des résultats probants.

- Revoir les lois, politiques et codes de déontologie qui empêchent la fluidité et la collaboration entre les services et professionnels.

- Revoir la loi P-38 qui permet notamment d’obtenir une ordonnance d’évaluation psychiatrique et d’hospitaliser une personne contre son gré, seulement si cette personne pose un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui et pour un maximum de 72 heures.

- Faciliter l’ordonnance de traitement pour une personne qui n’est pas apte à prendre des décisions.

- Informatiser les dossiers de santé pour que les professionnels aient accès à tout l’historique de leur patient en temps réel.- S’assurer de l’application des recommandations des coroners dans tous les CISSS et CIUSSS pour ne pas qu’une même tragédie se reproduise. 

- Faire des embauches massives et offrir des conditions de travail décentes aux professionnels en santé mentale du réseau public pour mettre fin aux listes d’attente.

- Rendre accessibles des soins de qualité en santé mentale dans toutes les régions du Québec. 

- Faire une grande campagne de sensibilisation et d’information pour mettre fin au tabou de la santé mentale. - Établir un standard national pour l’évaluation du risque suicidaire, basé sur les plus récentes études. 

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