La pandémie a fait exploser la demande pour les animaux de compagnie. Les consommateurs doivent souvent patienter jusqu’à 2 ans, sinon plus, pour obtenir la bête de leurs rêves auprès d’un éleveur responsable.
Cependant les petites annonces pullulent de chiots de race vendus rapidement souvent trois fois plus cher qu’avant la pandémie. Et rien ne garantit qu’à ces prix vous aurez une bête en santé.
3200$ pour un chien incurable
En décembre dernier Benoit Blais et Stéphanie Séguin se laissent convaincre par leur fille Élodie d’acquérir un poméranien. Ils trouvent exactement ce qu’ils cherchent sur le site Kijiji. Un supposé Fares vend son chiot Milo à 3200$. Le revendeur met tout de suite le couple en confiance.
«Il nous dit qu’il est allé chez le vétérinaire. Il avait un carnet de vaccination. Ça nous prouve qu’i y a eu une visite. Il a ses vaccins. C’est conforme. Ça nous a mis en confiance», raconte Stéphanie Séguin.
Benoit Blais s’entend avec Fares pour récupérer le chien dans un hall d’entrée d’un bloc-appartements anonyme de Montréal. Il n’accepte que de l’argent comptant.
«Déjà il y avait des lumières qui allumaient», ajoute Benoit.
Au retour à la maison, le petit poméranien montre des signes inquiétants: diarrhée, sang dans ses selles et affaiblissement. Au bout de deux jours, une visite chez le vétérinaire les anéantit. Milo souffre d’un parvovirus, un virus canin très contagieux et souvent mortel quand il est traité trop tard. Ils ont dû l’euthanasier.

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
«Ça montait à 6000$ environ juste pour essayer de le guérir. La vétérinaire l’a regardé et nous a dit: "Oubliez ça, ça ne sert à rien d’essayer de le soigner. Il va mourir"», de dire Benoit.
Ce dernier a réussi à retrouver le revendeur dont le vrai nom est Mohamed Ayari. La police refuse de prendre la plainte qu’il veut déposer. Elle considère qu’il s’agit d’un litige civil à débattre à la Cour des petites créances.
L’équipe de «J.E» a rencontré à son tour M. Ayari qui continue de vendre des animaux sur Kijiji. Il a refusé de répondre à nos questions et s’est enfui en abandonnant le chiot qu’il voulait nous vendre 3000$.
Un chiot mal en point que le refuge Les Aristopattes, a accepté de prendre en charge. L’organisme financé par du sociofinancement a dépensé 700$ en soins vétérinaires pour remettre la bête sur patte. Des analyses ont révélé des traces de parvovirus dans ses selles.

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
Des importateurs douteux
Ces histoires n’étonnent pas la vétérinaire Claudia Gilbert. Les chiots de Mohamed Ayari proviennent fort probablement d’un élevage outre-Atlantique.
«C'est un classique. C'est un chien qui avait déjà été exposé à un virus. On sait que si c'était le parvovirus. Ça demande énormément de soins. Le pronostic pour le parvovirus n'est pas très bon», explique-t-elle.
L’Union des éleveurs canins du Québec met en garde les consommateurs pressés qui se jettent trop facilement dans les bras de ce qu’on appelle dans le milieu des «broker». Des revendeurs de chiots achetés à l’étranger quelques centaines de dollars et revendus ici dix fois plus chers.
«Vous pouvez par exemple trouver un importateur qui a fait venir un chien, de l'Europe de l'Est comme en Moldavie ou en Ukraine. Le chien, il est séparé de sa mère beaucoup trop jeune à 6 semaines. Le chien n'est souvent pas vacciné, ou avec des faux papiers de vaccins. Vous allez vous retrouver avec des chiots qui ne sont pas vermifugés. La première chose que vous allez savoir, c’est que vous allez devoir débourser 5000 $ en soins pour un chiot que vous avez acheté finalement de manière impulsive. Dans le cas des importateurs, souvent, ils disparaissent», précise Nathalie Ménard Cheng de l’Union des éleveurs canins du Québec.

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
Des problèmes de comportements
En achetant un chien d’importation, le consommateur risque également de se retrouver avec un chiot séparé trop tôt de se mère. Il risque alors de développer plusieurs problèmes de comportements comme le rappelle l’Académie Chien qui a pignon sur rue à Sainte-Thérèse depuis 10 ans.
«Si je voyais entre 40 et 60 chiens par semaine avant la pandémie, maintenant c’est presque 100. C’est le double», affirme Mélanie Boucher, éducatrice et fondatrice de l’Académie Chien.
Les problèmes s’aggravent si la séparation a lieu dans les premières semaines du chiot
«Surtout si c'est cinq semaines c’est encore pire parce que la mère n’a pas eu le temps de faire son travail d’éducation sur les chiots. Les chiots n’ont pas appris à suivre l’autorité et les règles», ajoute Mme Boucher.
La pandémie rend la socialisation des chiens encore plus difficile: «On ne peut pas avoir autant de contacts, on n'a pas accès à des endroits de stimulation aussi facilement qu’avant. Si en partant il n'a pas été socialisé par l’éleveur parce que c'est une usine à chiots ou c'est un éleveur amateur, ça occasionne rapidement des problèmes de comportement. On parle de peur. Et des chiens qui ont peur, ce sont des chiens qui ont plus tendance à mordre», déclare la Dre Gilbert.

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
L’Agence canadienne d’inspection des aliments se fie sur les importateurs
C’est l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui est responsable de l’importation des animaux au Canada. Elle se dit incapable de nous fournir des chiffres sur le nombre de chiots de moins de 8 mois qui arrivent ici.
L’Agence se fie sur la bonne foi des commerçants qui lui fournissent les documents exigés par la loi. L’ACIE vérifie sommairement l’état de santé des animaux importés et agit dans les cas les plus graves, comme le 20 juin dernier.
Elle a trouvé à l’aéroport Pearson de Toronto 38 bouledogues français sans vie sur les 500 qui arrivaient d’Ukraine. Parmi les survivants plusieurs souffraient de déshydratation, de faiblesses et de vomissements.

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
Comment acheter un chien?
Pour trouver un éleveur responsable, il faut donc poser beaucoup de questions et surtout prendre son temps.
«Le meilleur conseil que j'ai à donner c'est de ne pas aller sur les petites annonces pour vous chercher un animal. Ne faites pas ça à la va-vite. Ça se prépare l'adoption d'un chien. Et puis je dirais même que de le préparer ça apporte une certaine satisfaction», explique la Dre Gilbert.
Il faut donc questionner les éleveurs sur les origines du chien, demander à voir les parents en vidéoconférence, le nombre de portées par année pour la mère, le carnet de santé du chiot pour savoir s’il a été vermifugé, les vaccins qu’il a reçus, ses rappels. Dans le cas d’un chien pur race, il faut vérifier si les parents sont enregistrés au Club canin canadien.
«Ce sont autant des choses qui garantissent que vous allez avoir un chien qui est de qualité. Alors que quand ces informations manquent, vous achetez peut-être des problèmes!» lance Mme Ménard Cheng.