Le nombre d'enfants et d'adolescents qui s'intoxiquent avec des produits du cannabis est en forte hausse depuis le début de la pandémie, ce qui inquiète grandement des pédiatres spécialisés en toxicomanie.
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Mère de famille responsable, Marie-Pierre Walker parle encore avec émotions des événements survenus en février dernier. Son fils de 10 ans, ainsi qu’un ami de son frère de 13 ans, mettent la main sur un emballage de bonbons trouvé par terre. Celui-ci ressemble à s’y méprendre aux emballages de la marque Runts, populaire auprès des jeunes, mais contient plutôt des bonbons au pot.
Ne voyant pas la minuscule feuille de cannabis imprimée discrètement dans un coin ou les mises en garde écrites seulement en anglais, le duo se sépare les huit morceaux du paquet totalisant 600 mg de THC, alors qu’une consommation «sensée» du produit serait d’une seule portion.
«Mon garçon était blotti en boule sur le sofa. L’ami avait les yeux rouges et était blanc comme un drap. Il hallucinait des têtes de bébés au milieu de vagues», se rappelle avec horreur la maman. «J’avais honte, je me sentais impuissante et j’avais peur d’être jugée en me rendant à l’hôpital», ajoute la résidente de Gatineau.
Enfants en danger
Le Centre antipoison du Québec a observé une hausse de 44 % des intoxications liées aux produits dérivés du cannabis du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, comparativement à 452 un an plus tôt. Plus du tiers de ces signalements concernent des enfants ou des adolescents. Qui plus est, près d’un cas sur dix affecte des bambins de moins de cinq ans.
Des pédiatres sonnent donc l’alarme quant aux dangers d’une consommation même minime de produits dérivés du cannabis chez les enfants et adolescents. Bien que les hospitalisations soient rares, les risques de développer des problèmes de santé chroniques à court, moyen ou long termes sont, eux, bien réels.
«Une seule consommation peut mener à des symptômes de psychose ou de paranoïa pouvant durer de plusieurs jours à plusieurs mois, sans parler des risques de surdose chez les plus jeunes et de dépendance chez les plus vieux, encore plus qu’avec la cigarette», explique le Dr Nicholas Chadi, pédiatre spécialisé en toxicomanie au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, à Montréal.

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La sensibilisation, tant des jeunes que des parents et médecins, demeure la clé pour éviter ce genre de situations dont le nombre augmente d’année en année depuis 2018, année de la légalisation du cannabis.
«Bien qu’il soit légal, le cannabis n’est pas une substance banale. Les produits peuvent être attirants pour les enfants et ceux-ci sont très sensibles aux effets toxiques du THC», rappelle la Dre Maude St-Onge, directrice médicale du Centre antipoison du Québec, recommandant la prudence à la population.
Des enfants victimes d’emballages de bonbons trompeurs
Les vendeurs de produits comestibles avec du cannabis misent sur internet et les médias sociaux pour atteindre les jeunes en leur proposant des emballages colorés et attrayants, semblables à peu de choses près aux produits originaux.

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Or, au Québec, seuls les produits vendus dans des succursales de la Société québécoise du cannabis (SQDC) sont légaux. Ceux obtenus via le marché noir sont non seulement illégaux, mais ils ne suivent aucune règle quant au contrôle de la qualité.
«Lors de perquisitions dans ces [laboratoires clandestins], c’est souvent horrible en matière d’hygiène et de mesures sanitaires. Il y a donc un double risque pour les jeunes qui n’en sont pas conscients», raconte la commandante Manon Dupont, responsable de l’escouade ACCES cannabis au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Cette escouade du SPVM a d’ailleurs saisi 47 kg de produits solides avec cannabis (biscuits, brownies, bonbons) sur son territoire depuis sa création en 2018.

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Entreposage
Les parents consommateurs de produits dérivés du cannabis doivent miser sur un entreposage sécuritaire hors de la portée des jeunes et moins jeunes.
«Pourquoi met-on en garde les enfants contre les capsules Pods pour la lessive ou les produits nettoyants toxiques, mais pas contre les produits comestibles dérivés du cannabis?» se questionne le Dr Richard Bélanger, pédiatre au Centre mère-enfant Soleil du CHUL, à Québec. «Nous devrions leur accorder la même attention», soutient-il.

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«C’est épeurant, il ne faut pas prendre ça à la légère», affirme pour sa part Marie-Pierre Walker.
Si vous êtes témoin d’une activité liée à la production de produits dérivés du cannabis, communiquez avec votre corps policier local ou avec la Centrale de l’information criminelle au 1 800 659-4264 ou par courriel au cic@surete.qc.ca. Si vous le souhaitez, votre appel demeurera entièrement confidentiel.