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Vol intercepté et opposant arrêté: la Biélorussie sous pression internationale

Plusieurs capitales européennes et des compagnies aériennes ont mis lundi sur liste noire l'espace aérien de la Biélorussie, sous pression croissante pour avoir intercepté un vol commercial à bord duquel se trouvait un dissident qui a été arrêté.

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Accusée de «piraterie», voire de «terrorisme» d'État, la Biélorussie, ex-république soviétique aux portes de l'UE, a reçu le soutien de son allié russe et a assuré avoir agi en toute légalité.

Estimant que le détournement d'un vol de Ryanair pour une alerte à la bombe était un prétexte, les puissances occidentales ont dénoncé une manoeuvre pour arrêter à la descente de l'avion le journaliste d'opposition de 26 ans, Roman Protassevitch.

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Pour la chancelière allemande Angela Merkel, les raisons invoquées par la Biélorussie ne sont «pas crédibles» avant un sommet de l'UE lundi soir et mardi où il sera question de possibles sanctions contre Minsk. 

Un chasseur MiG-29 a décollé dimanche sur ordre personnel du président biélorusse Alexandre Loukachenko pour intercepter le vol FR4978 de Ryanair effectuant la liaison Athènes-Vilnius, capitales de deux pays de l'UE, et qui se trouvait à ce moment-là au-dessus du Bélarus.

Le vol a été contraint de se poser à Minsk puis est reparti pour sa destination. Mais entre temps, la police biélorusse a procédé à l'arrestation de Roman Protassevitch et de sa petite amie, Sofia Sapéga, qui se trouvaient à bord. 

Le jeune homme est l'ancien rédacteur en chef de l'influent média d'opposition Nexta, qui a joué un rôle clé dans l'organisation du mouvement de protestation réprimé contre Alexandre Loukachenko en 2020.

«Corée du Nord»   

Selon les autorités biélorusses, une alerte à la bombe, qui s'est avérée mensongère, est à l'origine de l'interception. Puis l'opposant, considéré comme «terroriste» et poursuivi au Bélarus pour l'organisation de «troubles massifs», a été interpellé dans ce cadre.

L'opposante en exil Svetlana Tikhanovskaïa a une nouvelle fois dénoncé lundi cette arrestation.

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«Un exemple de terrorisme d'État a eu lieu. Maintenant tous les passagers volant avec des compagnies civiles au-dessus de la Biélorussie seront en danger», a-t-elle lancé lors d'une conférence de presse à Vilnius. 

«Le régime a transformé notre pays en Corée du Nord au milieu de l'Europe», a-t-elle ajouté. 

Certains États ont déjà pris des mesures. Le Royaume-Uni a demandé à ses compagnies de contourner l'espace aérien biélorusse. La Lituanie et l'Ukraine ont, elles, interdit tous les vols via ce territoire. 

Les compagnies SAS et airBaltic ont aussi annoncé qu'elles allaient éviter ce territoire. Londres a par ailleurs annoncé la suspension de l'autorisation de la principale compagnie biélorusse, Belavia. 

L'UE, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont convoqué les ambassadeurs biélorusses.

«Sans pression»   

Le commandant de l'armée de l'air biélorusse a lui assuré lundi que le pilote du vol Ryanair avait agi «sans ingérence extérieure» après cette supposée alerte à la bombe et qu'il a choisi d'atterrir à Minsk plutôt qu'en Ukraine ou en Pologne. 

Un responsable du ministère des Transports biélorusses a expliqué lui que l'aéroport de Minsk avait reçu une menace d'un auteur se proclamant de l'organisation palestinienne Hamas disant qu'une bombe était dans l'appareil et qu'elle exploserait au-dessus de Vilnius si l'UE n'arrêtait pas son soutien à Israël. 

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a de son côté jugé que Minsk avait agi de manière «raisonnable» en promettant une «transparence totale» sur l'incident.

Minsk a dit avoir informé l'Organisation de l'aviation civile internationale, organisme dépendant de l'ONU, et l'Association internationale du transport aérien de sa «disposition à coopérer à une enquête impartiale».

Les États-Unis ont dénoncé un «détournement forcé» et l'UE a fustigé «une action complètement inacceptable». La France a suggéré une interdiction commune de l'espace aérien biélorusse. 

Pays voisin soutenant l'opposition en exil, la Pologne a parlé d'«acte de terrorisme d'État» tandis que l'OTAN a dénoncé «un incident sérieux et dangereux».

Dénonçant un acte de «piraterie», le patron de la compagnie irlandaise Ryanair, Michael O'Leary, a de son côté affirmé que des agents des services de sécurité biélorusses, le KGB, ont pu se trouver à bord du vol.

Les États-Unis, comme l'UE, ont appelé à la libération de Roman Protassevitch.

Le régime d'Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a vu son autoritarisme aller croissant depuis la répression d'un mouvement de contestation inédit lors duquel des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues en 2020.

La contestation s'est progressivement essoufflée face à une répression impitoyable. Toutes les figures du mouvement se trouvent en prison ou en exil forcé, tandis que de lourdes peines de prison ont été infligées à des militants et à des journalistes.

Selon des passagers du vol Ryanair interrogés par l'AFP, Roman Protassevitch «avait très peur» et a dit qu'il «risquait la peine de mort» en Biélorussie.

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