La hausse fulgurante des ventes de petits véhicules électriques comme la trottinette et la planche à roulettes amène son lot de dangers sur le réseau cyclable, où la plupart de ces engins sont pourtant interdits.
« La demande est assez extrême. C’est du jamais vu ! Au mois de février, le monde qui n’avait pas leur vélo était sur la panique. Et les gens veulent déjà en réserver pour l’année prochaine », affirme Laurent-Philippe Beaudoin, copropriétaire du magasin de vélos électriques E2-Sport, à Montréal.
Il estime que la demande a décuplé depuis l’an dernier, après l’annonce du premier confinement au printemps 2020.
Pour la quinzaine de commerçants contactés par Le Journal, le constat est le même. Et les trottinettes ou planches à roulettes électriques continuent de se liquider.
« C’est plus qu’une augmentation massive des ventes, c’est une ruée vers ces appareils-là », lance Thierry Lopez, directeur marketing pour les magasins Best Buy du Québec.
« La plupart des gens se sont dirigés vers ces moyens de transport pour éviter le transport en commun », précise Adam Paradis, propriétaire de Kolo Scooter, à Montréal.
Trop lourds et rapides
Si la montée de la micromobilité électrique réjouit les commerçants, les enjeux de sécurité semblent plus « préoccupants », prévient la directrice des programmes pour Vélo Québec, Magali Bebronne.
« Pour les cyclistes, ces engins électriques sont un irritant. Mais quand on parle de scooters et de vélos électriques, c’est la sécurité qui est compromise, assure-t-elle. Plus un véhicule va vite et plus il est lourd, plus c’est un problème. Les collisions n’ont pas les mêmes conséquences. »
Et il ne suffit que de parcourir quelques kilomètres sur les voies cyclables à Mont-réal pour y constater la forte présence d’engins électriques, selon nos observations.
Une trottinette motorisée passe à vive allure sur la piste cyclable du boulevard Maisonneuve ; des scooters électriques arpentent le Réseau express vélo (REV) de la rue Saint-Denis ; un usager de la piste de la rue Rachel dépasse un cycliste sur son gyroroue.
Amendes en vue
Pourtant, tous ces appareils sont interdits sur le réseau cyclable de Montréal.
Seuls les bicyclettes, les patins à roues alignées, les planches à roulettes non motorisées, les fauteuils roulants, les triporteurs et les quadriporteurs sont autorisés à circuler sur les voies cyclables.
Les contrevenants s’exposent à une amende de 30 $ à 200 $, selon qu’il s’agit ou non d’une récidive.
« Les pistes cyclables et leurs courbes ont été conçues dans les années 1980 en fonction de la vitesse stimulée par la force physique. On n’a rien contre les moteurs, mais ces appareils devraient circuler sur la route et non pas dans les voies cyclables », résume Mme Bebronne.
Permis ou interdit sur la piste cyclable ?
PERMIS

Photo courtoisie
Bicyclette électrique
INTERDIT

Photo d'archives, Pierre-Paul Poulin
Une trottinette électrique sur la piste cyclable au parc La Fontaine, où ces engins sont pourtant interdits selon le règlement de la Ville.

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Gyroroue

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Scooters électriques

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Segway électrique

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Planche à roulettes électrique

Photo courtoisie
Hoverboard électrique
Des règles floues pour ces engins
Malgré la hausse importante des petits véhicules électriques, Québec tarde à les définir dans le Code de la sécurité routière, ce qui crée de la confusion sur le réseau cyclable.
« On est conscient que la mobilité électrique a beaucoup évolué depuis trois ou quatre ans et qu’un paquet de nouveaux appareils se promènent sur les routes, assure Nicolas Vigneault, porte-parole du ministère des Transports du Québec (MTQ). On a des questions sur les gyroroues, les trottinettes et les vélos électriques. Il faut combler une espèce de vide juridique », ajoute-t-il.
En février 2020, le ministère de la Justice canadien a annoncé qu’il abrogeait sa définition de « bicyclette assistée ».
Cette compétence est entre les mains des provinces depuis février 2021.
Mais la définition « n’avance pas très vite [...] et ça pose un problème sur les voies cyclables », signale Magali Bebronne, directrice des programmes pour Vélo Québec. L’organisme avait d’ailleurs participé aux consultations sur le sujet avec le gouvernement provincial en 2020.
Le MTQ ne prévoit pas d’échéancier précis pour le moment, « mais les travaux sont en cours », assure M. Vigneault.
Difficile d’appliquer la loi
Malgré l’absence de définition au provincial, le règlement de Montréal stipule que « les bicyclettes à assistance électrique qui sont équipées d’un marchepied, d’un cadre ouvert ou d’un plancher plat » ne peuvent circuler sur le réseau cyclable.
Tout de même, une forte présence de « faux vélos électriques » cadrant davantage avec la définition de « scooters » est remarquée sur les voies cyclables.
« C’est ce qui nous préoccupe le plus », dit Mme Bebronne.
« Les policiers ont du mal à faire appliquer les règlements parce qu’à Montréal, on a une définition plus stricte de ce qu’est un vélo électrique [contrairement au Code de la sécurité routière, qui s’applique aussi dans la ville], croit-elle. Il y a de la confusion. »
La Ville de Montréal a indiqué au Journal qu’elle collaborait actuellement avec le MTQ « pour l’évolution de la réglementation en matière de mobilité innovante ».