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Captivités des caribous de Charlevoix: un plan qui pourrait coûter près d’1 million $

Selon des documents que TVA Nouvelles a pu consulter, l'enclos qui accueillera les Caribous forestiers de Charlevoix pourrait coûter près d'un million de dollars.

Une stratégie de préservation qui devient pressante en raison du nombre restant de la population. La solution est critiquée par des biologistes qui demandent plutôt la protection de leur habitat.

Depuis 2013, le photographe animalier, Jean-Simon Bégin suit la harde de caribous forestiers de Charlevoix. Il en garde des souvenirs mémorables, par exemple en 2018: «Une belle neige, je m'étais planifié ça. Soudainement, les caribous étaient autour de moi. J'étais au sol, je prenais des images, il y avait des combats, il mangeait, il s'alimentait dans le lichen. J'en avais 15 autour de moi, la neige tombait. C'était un des plus beaux moments de ma vie», se souvient-il.

Des animaux en danger 

Le photographe dénonce une disparition programmée de l’espèce: «C'est mon sujet préféré de photographie le caribou, alors ça m'attriste beaucoup que ce soit rendu là».

Au cours des dernières années, il a eu la chance d’observer l'évolution de la population. «La harde que je suivais depuis déjà longtemps que j’avais en cœur et dont je reconnaissais beaucoup d’individu année après année a presque disparu aujourd’hui», a-t-il raconté.

La diminution a d'ailleurs été documentée par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs qui parle de la «plus faible abondance enregistrée depuis la réintroduction de la population», en mars 2020 où 19 caribous ont été dénombrés. En raison du taux minimal de détection de 85 %, le ministère estime la harde entre 19 et 23.

Le gouvernement a déjà annoncé la construction d'un enclos dans le parc national des Grands-Jardins pour protéger l'espèce. Il sera situé à proximité de l'accueil Thomas-Fortin, isolé des voies d'accès. Le professeur titulaire en biologique à l'Université de Sherbrooke, Marco Festa-Bianchet, comprend cette stratégie, mais dénonce l'action tardive du gouvernement et les «mesures qu’on est obligé de faire à court terme parce qu’on est dans une situation presque catastrophique».

Une «mise en enclos» 

De son côté, le biologiste consultant spécialiste du caribou, Serge Couturier, critique le plan: «Faut se rendre compte que le projet qui est actuellement sur la table, c’est un projet de mise en enclos d’animaux sauvages, sans aucun plan de réintroduction en nature et c’est là où c’est vraiment dramatique».

Dans son appel d'offres sur l’Installation d'enclos pour la population isolée de caribous de Charlevoix, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs estime le budget nécessaire à la réalisation du mandat entre 825 000 et 965 000 $. Une dépense trop élevée selon le professeur de l'Université de Sherbrooke: «Ce n'est pas un bon investissement. Comme je dis, on va garder quelques caribous en vie pour quelques années de plus. Mais, on ne peut pas dire qu'on a encore une population de caribou aux Grands-Jardins, on a des animaux dans une cage».

Le consultant en biologie juge l'investissement du gouvernement comme étant «une responsabilité de réinvestir dans le caribou pour tenter une dernière chance». Il rappelle que le caribou souffre des coupes forestières, qui rapportent beaucoup d'argent à l'état.

Il critique toutefois le manque de vision à long terme. «Qu'est-ce que ça envoie comme message ? Est-ce que ça veut dire que, quand le caribou est en conflit avec les activités industrielles, on le retire de l'environnement pour permettre la poursuite d'activités industrielles comme la coupe forestière?», se questionne-t-il.

Un plan à long terme est nécessaire 

Les deux biologistes s'entendent sur le fait qu’un plan à long terme est nécessaire. «On a coupé les forêts. On a construit de nouveaux chemins et on construit une autoroute de quatre voies, en plein cœur de l'aire de distribution. Il ne faut pas se surprendre que le caribou de Charlevoix soit en difficulté», a indiqué Serge Couturier.

L'appel d'offres stipule que les travaux doivent se terminer le 15 décembre 2021. Ensuite, cet l'hiver, débutera les activités de capture des Caribous, par hélicoptère avec lance-filet et au sol avec des tranquillisants. Ayant déjà participé à ce genre d'opération, Serge Couturier mentionne que la technique fonctionne, mais émet des réserves: «Il y a quand même un risque. C'est possible ça se fait, mais il est possible qu'il y ait quelques individus qui soient blessés ou tués durant l'opération. Et si cette opération de capture là qui est risquée ne vise qu'à les mettre dans un enclos en attendant qu'ils meurent, c'est un plan qui n'a aucun sens».

Un surveillant et un vétérinaire seront sur place en tout temps. Rien d'intéressant visuellement pour le photographe Jean-Simon Bégin qui préfère capter le sauvage: «Par contre cette cause-là me tient particulièrement à cœur et probablement que je vais essayer de les capter en enclos, du moins pour leur donner une voie, leur donner une présence sur les réseaux sociaux».

Il souhaite sensibiliser la population et, tout comme les biologistes, espère une vision à long terme de préservation de leur habitat.

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