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Pensionnats autochtones: la Société historique du Canada tente de museler le débat

Frédéric Bastien

Photo d'archives, MARTIN ALARIE

Frédéric Bastien

Nous vous écrivons aujourd’hui pour exprimer notre grave déception face à la « Déclaration de la fête du Canada » de la Société historique du Canada (SHC). Celle-ci affirme que « les études historiques existantes... rendent cette conclusion on ne peut plus claire », à savoir que le traitement des peuples autochtones chez nous était génocidaire et qu’il existe « un large consensus parmi les experts en histoire » quant à la preuve de « l’intention génocidaire ».

La SHC attaque également la profession en déclarant que les historiens ont fermé les yeux sur les tragédies qui ont marqué l’histoire du Canada. Il n’y a aucun fondement à de telles affirmations et la SHC n’a aucune légitimité quand elle affirme représenter le point de vue des professeurs d’histoire dans cette affaire.

La récente découverte de tombes près d’anciens pensionnats autochtones est une preuve tragique de ce que la Commission de vérité et réconciliation a documenté dans le volume 4 de son rapport final – un rapport que nous encourageons tous les Canadiens à lire. Nous encourageons également la poursuite des recherches sur les lieux de sépulture à travers le pays et soutenons la tenue d’un registre des enfants décédés dans ces écoles.

Intimidation

Cependant, la SHC existe pour représenter les historiens professionnels et, à ce titre, a le devoir d’incarner l’éthique et les valeurs de l’érudition historique. En faisant une annonce à l’appui d’une interprétation particulière de l’histoire et en insistant sur le fait qu’il n’y a qu’une seule interprétation valide, la direction actuelle de la SHC a commis une entorse fondamentale aux normes et aux attentes qui régissent notre profession. 

Avec cette tactique d’intimidation, le Conseil de la SHC agit en tant qu’organisation militante et non en tant qu’organisme professionnel représentant des professeurs d’université. Ce virage est inacceptable.

La question des pensionnats fait l’objet d’un débat parmi les chercheurs. Beaucoup diffèrent dans leurs évaluations de cette problématique. Des interprétations différentes sont à prévoir au sein d’une communauté universitaire très animée sur cette question. Cela doit permettre un débat ouvert, une diversité de points de vue et également une évaluation du passé sur la base de preuves.

En prétendant qu’il n’y a qu’une seule interprétation, les dirigeants de la SHC musellent les universitaires qui en sont arrivés à une conclusion différente de la leur. Ils présentent au public canadien et québécois un prétendu « consensus » qui n’existe pas.

Leur attitude constitue une entorse aux standards les plus élémentaires de la recherche académique. Ils trahissent le public qui s’attend à ce que l’académie fonde ses débats sur des faits et des preuves qui ont été corroborés. Les bonnes intentions importent peu ici, car il est essentiel qu’une organisation professionnelle d’universitaires soutienne la diversité et l’ouverture dans les débats. Cela est encore plus vrai quand plusieurs insistent pour mettre de l’avant une interprétation particulière. En de telles situations, nos principes intellectuels sont mis à l’épreuve et doivent être maintenus.

Cette déclaration doit être retirée

Nous demandons à la SHC de retirer sa déclaration. Sa véritable mission est de permettre des débats ouverts à tous les points de vue tout en défendant la diversité intellectuelle. Son travail n’est pas de promouvoir une seule histoire « consensuelle » du Canada.

Alors que la SHC célèbre son centenaire, elle doit rester fidèle à ce qu’il y a de meilleur dans ses traditions. Comme organisation professionnelle, elle doit défendre sans réserve l’objectivité, le doute, le débat et le libre accès aux ressources qui aideront les historiens à faire la lumière sur notre histoire, incluant sur les épisodes les plus sombres de notre passé.

 

Frédéric Bastien, Collège Dawson

Éric Bédard, Université TELUQ

David J. Bercuson, University of Calgary

John Bonnett, Brock University

Robert Bothwell, University of Toronto

Félix Bouvier, Université du Québec à Trois-Rivières

Gerry Bowler, Frontier Centre for Public Policy

Patrick H. Brennan, University of Calgary

Phillip Buckner, University of London

C. P. Champion, Rédacteur en chef, Dorchester Review

Marie-Aimée Cliche, Université du Québec à Montréal

Rodney Clifton, University of Manitoba

Robert Comeau, Université du Québec à Montreal

Terry Copp Wilfrid, Laurier University

Jack Cunningham, University of Toronto

Kenneth Dewar, Mount Saint Vincent University

Christopher Dummitt, Trent University

Patrice Dutil, Ryerson University

Lucia Ferretti,Université du Québec à Trois-Rivières

Dany Fougères, Université du Québec à Montréal

Yves Gingras, Université du Québec à Montréal

J. L. Granatstein, York University

Roger Hall, University of Western Ontario

René Hardy, Université du Québec à Trois-Rivières

Geoffrey Hayes, University of Waterloo

Michiel Horn, York University

P. Whitney Lackenbauer, Trent University

Gilles Laporte, Cégep du Vieux Montréal et l'Université du Québec à Montreal

Margaret Macmillan, University of Oxford

David B. Marshall, University of Calgary

Joe Martin, University of Toronto

Kathleen E. McCrone, University of Windsor

Ken McLaughlin, St. Jerome's University

Barbara Messamore, University of the Fraser Valley

J. R. Miller, University of Saskatchewan

Toby Morantz, McGill University

Doug Owram, University of British Columbia

Isabelle Perrault, sociologue

Stephen J. Randall, University of Calgary

Jacques Rouillard, Université de Montréal

Jean Roy, Université du Québec à Trois-Rivières

Donald B. Smith, University of Calgary

Arthur Silver, University of Toronto

J. D. M. Stewart, Teacher and Author

Mark Theriault, Collège Dawson

Ryan Touhey, St. Jerome's University

Jonathan F. Vance, University of Western Ontario

Jean-François Veilleux, Historien

Robert J. Young, University of Winnipeg

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