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Première vague de la pandémie: un rapport blâme une gouvernance déficiente

Le rapport préliminaire de la commissaire à la santé et au bien-être, rendu public jeudi, note que des «lacunes liées à la gouvernance» ont contribué au triste bilan dans les CHSLD lors de la première vague de COVID-19.

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La commissaire, Joanne Castonguay, conclut que le réseau n’avait pas de stratégie globale pour évaluer la qualité des soins. L'évaluation se faisait plutôt «à la pièce».  

«Sans vue d'ensemble, il devient difficile non seulement de faire ressortir les meilleures pratiques et les points à améliorer, mais aussi de rendre les prestataires de soins responsables de leurs actions. Il y a lieu de croire que la mise en œuvre d'une telle stratégie aurait permis de mieux préparer les milieux de vie et d'hébergement à la pandémie», écrit-elle.  

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay

Photo courtoisie, Conseil des académies canadiennes

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay

De plus, les soins reçus par les personnes âgées sont «désorganisés». «Le patient doit transiger avec de multiples intervenants qui ont chacun leurs façons de faire, leurs directives et leurs objectifs», souligne la commissaire.  

La gouvernance a également été diminuée par un accès «très limité» à de l’information complète et fiable, note-t-elle. «Or c'est essentiel pour prendre des décisions justes et axées sur les besoins des patients.»    

Écoutez l'analyse de Philippe-Vincent Foisy et d'Antoine Robitaille, avec Benoît Dutrizac, sur QUB radio: 

Joanne Castonguay décoche également une flèche à la réforme Barrette, qui a fusionné de nombreux établissements. «La création des CISSS et des CIUSSS a semblé entraîner une perte sur le plan des données disponibles, et la disparition des agences a créé une perte d’expertise pour certaines banques de données», lit-on dans un sommaire du document.  

De plus, la commissaire indique que les dépenses allouées en santé pour chaque personne de 65 ans et plus ont diminué entre 2010 et 2018, en raison de la croissance démographique de ce groupe.  

Pratiques corrigées  

«Comme l'a montré la première vague de la pandémie de COVID-19, il y a urgence d'agir pour assurer la viabilité de notre système de santé et de services sociaux. Sans données fiables en temps opportun et sans évaluation efficiente de la qualité des soins et services offerts aux personnes âgées, le gouvernement ne peut prendre des décisions éclairées et mettre en place des politiques adéquates et centrées sur les résultats pour la population», écrit la commissaire dans un communiqué.  

Pourtant, des solutions existent, souligne-t-elle, «comme la création d'une offre de soins intégrés pour chaque patient».  

Le ministre de la Santé a d’ailleurs rappelé que plusieurs lacunes observées durant la première vague – par exemple, le fait qu'il n'y ait pas un gestionnaire-responsable dans chaque CHSLD ou le manque de données centralisées – ont déjà été corrigées.  

«Déjà, plusieurs éléments contenus dans ce rapport ont été mis en œuvre dans la gestion des deuxième et troisième vagues de la pandémie», a souligné Christian Dubé par voie de communiqué.  

Enquête plus large réclamée  

Mais pour les partis d’opposition à Québec, le rapport de Mme Castonguay ne ratisse pas suffisamment large. «Les familles des victimes n’ont aucune réponse de plus aujourd’hui», déplore la critique libérale pour les aînés, Monique Sauvé.  

Alors que les oppositions réclamaient une commission d’enquête indépendante, le gouvernement Legault a opté pour un mandat beaucoup plus restreint, déplore-t-elle. «La commissaire ne regarde que le réseau de la santé, alors qu’il y a eu des décisions politiques, des décisions de la Santé publique, et clairement ça ne fait pas partie de son mandat», dit Mme Sauvé.  

Le porte-parole péquiste en matière de santé, Joël Arseneau, reste lui aussi sur son appétit devant ce rapport préliminaire. «Beaucoup de questions restent sans réponse et justifient une fois de plus notre demande pour une enquête publique et indépendante. On reste en surface, sans faire un examen précis des opérations», déplore-t-il.  

Pour Québec solidaire, le rapport démontre que «la CAQ s’inscrit dans la continuité des libéraux pour ce qui est des soins aux aînés». Le député Sol Zanetti fait notamment valoir que le gouvernement Legault ne compte pas défaire la réforme du ministre Barrette, ciblée comme une des causes ayant mené aux lacunes.  

Rapport attendu  

Le rapport de la commissaire, dont la version finale doit être déposée en décembre prochain, est très attendu à Québec afin de faire la lumière sur les milliers de décès survenus dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie.  

Les conclusions finales de la commissaire étaient d’abord attendues, mais celle-ci a demandé un sursis de quatre mois en raison de l’ampleur de la tâche. La commissaire à la santé et au bien-être explique notamment avoir mené une centaine d’entrevues dans le cadre de ses travaux.  

Malgré les pressions des partis d’opposition, le gouvernement Legault a refusé la tenue d’une commission d’enquête en bonne et due forme, affirmant que la commissaire Castonguay avait tous les outils en main pour tirer les conclusions de cette tragédie.  

D’autres enquêtes sont également en cours. La protectrice du citoyen a déjà déposé un rapport d’étape et poursuit ses travaux sur «la gestion gouvernementale de la crise liée à la COVID-19 dans les CHSLD publics et privés du Québec».  

En parallèle, l'enquête publique de la coroner Géhane Kamel doit reprendre le 7 septembre prochain.  

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