Le pompier accusé d’avoir aidé la mafia à éliminer deux frères et d’avoir ensuite brûlé les cadavres jure qu’il s’agit d’une histoire inventée de toute pièce et qu’il a plutôt déposé les dépouilles chez un certain « Guidou » à Saint-Guillaume.
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«On a fait croire qu’on les a fait brûler parce qu’on s’était arrangé avec Salvatore Scoppa, quelqu’un de très influent qui peut être très agressif. J’ai pris la décision d’y aller avec cette histoire. On est allé all in, à la vie à la mort», a lancé Guy Dion, ce mardi au Centre judiciaire Gouin à Montréal.
Dion, un ancien chef pompier âgé de 50 ans, est accusé avec sa conjointe de 46 ans Marie-Josée Viau d’avoir participé aux meurtres des frères Vincenzo et Giuseppe Falduto, survenus en juin 2016 à la résidence du couple à Saint-Jude, en Montérégie.
Selon la Couronne, ils auraient aidé un tueur à gages de la mafia et un complice afin d’éliminer les frères, puis d’avoir incinéré les cadavres dans leur cour afin d’éliminer toutes traces des crimes.
La preuve repose essentiellement sur le témoignage du tueur, devenu délateur, qui a obtenu des déclarations incriminantes à la suite d’une opération d’infiltration survenue trois ans plus tard.
«Boule au cœur»
Témoignant pour sa défense, Dion a affirmé hier qu’il ignorait que des meurtres allaient être commis. C’est que dans les mois précédents, il avait permis à un complice d’entreposer des armes dans son garage, et de les tester à l’extérieur pendant qu’il faisait du bruit avec une tronçonneuse tout en surveillant les environs.
Ainsi, le 30 juin 2016, il a assuré qu’il croyait que le même manège se répétait. Jusqu’à ce qu’il découvre les cadavres.
«Mon corps s’est comprimé, j’avais une boule au cœur, a-t-il dit ce matin. J’essayais de comprendre, mais je ne pouvais pas. J’ai jamais perdu le contrôle dans mon travail de pompier, mais là j’ai perdu toute notion. Je voulais que le temps arrête, que les corps, les fusils... que toute s’en aille. J’ai fait des choses que j’aurais jamais faites...»
Constatant des «morts évidentes», Dion affirme avoir aidé le tueur à gages à enrouler les corps dans du plastique, puis d’avoir aidé à les mettre dans une voiture.
«Après, j’ai été chercher ma fille au camp de jour», a poursuivi Dion.
Un des tueurs aurait affirmé au couple qu’il allait revenir, mais ce n’est jamais arrivé. Peu après, Dion dit avoir été appelé en renfort pour un incendie majeur dans la région, jusqu’au lendemain.
Pas brûlés
Toujours selon la version de Dion, le couple aurait ensuite reçu un message texte encrypté venant d’un « Monsieur », qu’il identifie comme le mafieux Salvatore Scoppa.
«Vous vous en occupez», disait le message.
Se disant conscient «d’être dans marde» et d’être «pogné avec ça», le couple dit avoir réfléchi à une solution. Or, si brûler les cadavres avait été discuté comme une éventualité, Dion dit avoir refusé.
«J’ai dit non, je suis pas capable, c’est pas moi, a-t-il dit. J’étais désemparé, nerveux, j’avais peur.»
C’est là qu’il dit avoir reçu un autre message encrypté du complice du tueur à gages, lui demandant d’amener une voiture, laissée sur place, chez un certain Guidou à Saint-Guillaume, non loin de Saint-Jude.
Dion et Viau se seraient exécutés, en laissant les cadavres dans le véhicule. Ils sont ensuite rentrés chez eux. Et quand le complice du tueur à gages est venu le visiter la semaine suivante, Dion aurait répondu que «tout avait été fait».
«Il a fait allusion au feu, il voulait s’assurer que ça a été brûlé, a témoigné Dion. J’ai acquiescé... C’aurait été facile de lui dire la vérité, que j’ai déposé les corps [à Saint-Guillaume] mais je l’ai rassuré que tout était correct.»