Rien n'a changé au Lester's Deli de la rue Bernard depuis sa fondation en 1951 à Montréal. Les clients dégustent les mêmes smoked-meat, conçus selon la même recette traditionnelle, dans le même décor et servis par les mêmes employés... ou presque.
Sur le mur tapissé de coupures de journaux et de photos, celle d'une voiture d'époque, prise devant la devanture du Lester's Deli, témoigne de ce jour de novembre 1951 où le restaurant a été inauguré par la famille Lester. Racheté cinq ans plus tard par Ruth et Eddy Berenholc, le Lester's Deli est aujourd'hui propriété de leur fils, Bill Berenholc, plus connu sous le nom de «Monsieur Lester».
«On est très fier de fêter nos 70 ans, mais honnêtement, ce sont mes employés que j'ai envie de célébrer. C'est leur fidélité qui nous a permis de demeurer debout durant la pandémie», a témoigné Bill Berenholc.
Ses employés, il les traite comme des amis. «Si on veut qu'ils soient là pour nous, il faut être là pour eux», a-t-il dit.

GENEVIÈVE QUESSY/AGENCE QMI
Ainsi, depuis 52 ans, Bill Gerontacos coupe le smoked-meat à la main au comptoir. «Il est connu comme le meilleur coupeur de Montréal. C'est le Picasso du smoked-meat», a rigolé M. Berenholc.
Ici, le smoked-meat, fait de poitrine de boeuf de la plus haute qualité, est saumuré, fumé et assaisonné avec la même recette d'épices maison qu'il y a 70 ans, puis tranché à la main. On le sert en sandwich dans du pain de seigle, avec des cornichons et de la moutarde faits sur place. Les clients mangent sur des tables datant des années 50, assorties de banquettes en cuir. «C'est plus coûteux d'entretenir le mobilier et les réfrigérateurs d'époque que de racheter en neuf», a confié M. Berenholc.

GENEVIÈVE QUESSY/AGENCE QMI
La serveuse Danielle Robinson sert les clients depuis 25 ans. «Au bout de deux ou trois visites, elle sait ce que vous allez manger. Tout le monde veut être connu par son nom, c'est comme ça, ici», a dit Bill Berenholc.
Témoins de l'histoire, les murs du Lester's Deli sont tapissés de photos, de coupures de journaux et de copies de caricatures ayant paru à son sujet. Le propriétaire du Lester's Deli se souvient avoir eu parmi ses habitués Bernard Landry, Lucien Bouchard et de nombreuses vedettes comme Marc Messier ou Claude Meunier.

GENEVIÈVE QUESSY/AGENCE QMI
«En 1970, en plein coeur de la crise d'Octobre, on a servi Jérôme Choquette, alors ministre de la Justice, qui est venu ici manger son smoked-meat, entouré de dix "bodyguards". Il a été l'un de nos plus fidèles clients, jusqu'au dernier jour de sa vie.»
Bien qu'il tire son origine de l'Europe de l'Est et ait été introduit à Montréal par la communauté juive, le smoked-meat est encore plus populaire chez les francophones, a souligné M. Berenholc. «C'est Pierre-Étienne Laporte, autrefois député d'Outremont et président du Conseil de la langue française, qui avait donné l'autorisation qu'on puisse utiliser le mot smoked-meat en français.»

COURTOISIE BILL BERENHOLC
Le sandwich smoked-meat est devenu un plat emblématique de Montréal, que les touristes tiennent à expérimenter. Parmi les clients sur place le jour de la visite de la visite de l’Agence QMI se trouvait un couple venu expressément de Toronto. «Probablement le meilleur smoked-meat que j'ai mangé», a lancé l'homme.
Celui qu'on appelle Monsieur Lester n'est pas étonné. «Pour moi, c'est toujours une énorme tentation, à laquelle je dois résister», a-t-il dit en dévorant son smoked-meat.