Habiter et travailler au même endroit pendant plus de 40 ans sans jamais pouvoir bénéficier ou presque d'une journée de congé, c'est la réalité à laquelle sont confrontés de nombreux producteurs agricoles.
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La propriétaire de la ferme Hébert d'Hébertville, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Marlène Côté, en a eu assez de ce mode de vie et a décidé de prendre soin de sa santé mentale. Après avoir obtenu le soutien d'une travailleuse de rang, elle est fière aujourd'hui de dire qu'elle a retrouvé le bonheur malgré les épreuves que la vie a mises sur son chemin.
La travailleuse de rang, Sandra Allaire, n'a pas pu la visiter aussi souvent qu'elle l'aurait souhaité dernièrement en raison des consignes sanitaires.
«C'est justement pendant la pandémie que le pire est arrivé et que j'ai dû déménager mon mari dans un CHSLD, a confié Mme Côté à TVA Nouvelles, jeudi. Ça faisait quand même 15 ans qu'il avait reçu son diagnostic de Parkinson, mais on n'est jamais prêt à les voir quitter la maison.»
À 67 ans, celle qui gère la ferme familiale depuis 40 ans a dû prendre la difficile décision de se départir de sa production laitière et de laisser son fils voler de ses propres ailes malgré ses limites.
Il y a huit ans, ce dernier a été victime d'un grave accident sur la ferme.
«Il en train de modifier l'étable pour prendre des animaux en pension et se concentrer sur la production de céréales et de foins, a-t-elle expliqué. Je l'ai laissé prendre ses décisions. S'il fait des erreurs, il va les assumer. Ce sera ses erreurs à lui, pas les miennes.»
Elle insiste pour dire que c'est la travailleuse de rang qui lui a appris à lâcher prise et à se faire confiance.
«C'est difficile de penser à nous autres quand ça fait 40 ans que tu penses aux autres, a affirmé Mme Côté. Sa rencontre a changé ma vie parce qu'un moment donné je me disais que j'avais le droit de connaître autre chose. Je me demandais si j'allais faire ça le reste de mes jours.»
Elle a même décidé de quitter la maison familiale et de se louer un logement situé au cœur de la municipalité.
«Ici, la maison, je considère que c'est mon lieu de travail et ça me permet de me détacher plus facilement, mais ça n'a pas été facile», a admis Mme Côté.
«Quand on m'appelle, les producteurs me disent souvent qu'ils ont besoin d'aide pour trouver une forme d'équilibre dans leur vie, a précisé la travailleuse de rang Sandra Allaire. Je ne prends aucune décision pour eux, mais je leur donne des outils. Au final ce sont les producteurs qui effectuent les changements. Et même s'ils sont souvent convaincus qu'on ne trouvera pas de solutions, je réussis toujours à leur prouver le contraire.»
La pandémie a aussi été une source de stress pour de nombreux producteurs agricoles.
«Il s'est passé beaucoup de choses, a affirmé Mme Allaire. D'abord, la grève ferroviaire qui limité les opportunités d'exportation. Après, il y a eu la fermeture d'usines de transformations d'alimentation. Sans oublier, les retards des projets des producteurs par manque d'équipements ou encore de main-d’œuvre.»
Elle avoue que pour la première fois dans le cadre de ses fonctions, elle a eu à accompagner et à soutenir des travailleurs étrangers.
«Pour eux autres aussi ç’a été difficile, a-t-elle soutenu. Ils laissent leur famille derrière eux, ils arrivent ici et ils veulent travailler, mais avec toutes les mesures sanitaires, les quarantaines et tout, ils se sont sentis bousculés.»
Sandra Allaire sillonne les rangs du Saguenay-Lac-St-Jean depuis 2019 pour l'organisme Au cœur des familles agricoles, qui compte 13 travailleurs de rang au total au Québec.
Pour obtenir de l'aide auprès de l'organisme Au cœur des familles agricoles : (450) 768-6995