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Il sème les blessures et la mort en une beuverie

Décédée de ses blessures quatre ans plus tard         

Clouée au lit dans d’atroces souffrances, la femme de 57 ans ne pesait plus que 70 livres à sa mort

Mélissa Gagné, fille de Louise Arguin, se désole que sa famille ait perdu une mère et une grand-mère enjouée et aimante.

Chantal Poirier / JdeM

Mélissa Gagné, fille de Louise Arguin, se désole que sa famille ait perdu une mère et une grand-mère enjouée et aimante.

«On en voit tellement, des accidents de la route à cause de l’alcool, que c’en est presque rendu banal pour certains. Mais ce n’est pas banal, ce que ma mère a vécu. On peut penser que le pire qui peut arriver c’est d’en mourir, mais le pire, c’est d’en mourir quatre ans après.

Louise Arguin, avant la collision qui l’a rendue lourdement handicapée. Courtoisie

Mélissa Gagné a vu l’état de sa mère se dégrader depuis la grave collision causée par un chauffard ivre en 2017. Lourdement handicapée, Louise Arguin est décédée le 3 janvier dernier à l’âge de 57 ans, des suites de ses blessures.

Autrefois resplendissante et active, la femme minée par les souffrances ne pesait plus que 70 livres (32 kg) à la fin.

Ses quatre dernières années de vie ont été cauchemardesques pour ses proches.

«Ma mère, je l’ai perdue la journée de l’accident, lance Mme Gagné. Elle était devenue comme une étrangère. Avant son décès, je me surprenais même parfois à parler d’elle au passé...»

Aucun filtre                  

Mme Arguin, un peu avant qu’elle décède des suites de ses blessures. Courtoisie

Atteinte d’un grave traumatisme crânien, Louise Arguin était devenue vulgaire, sans filtre, ne manifestait plus d’émotions envers ses enfants et petits-­enfants, « qu’elle adorait pourtant ».

Son état physique se détériorait aussi. Au début, Mme Gagné avait espoir que sa mère marche à nouveau ou retourne même vivre chez elle.

Mais elle avait besoin de soins 24 heures par jour. Ses proches se sont résignés à la placer dans un centre de soins de longue durée à 53 ans. Elle était incapable de se lever ou de se brosser les dents par elle-même. Elle se plaignait aussi d’intenses douleurs aux fesses et aux jambes.

Une torture                  

«Elle souffrait énormément physiquement, chaque transfert de son lit à son fauteuil était une torture pour elle, elle criait. Pour moi, c’est ça le pire : elle n’avait plus de qualité de vie», se désole sa fille.

Sa mère se souvenait de ses proches, mais ignorait tout de l’accident qui la clouait au lit en permanence. Au début, elle était capable de tenir une conversation, faisait des blagues. Mais plus ça allait, plus elle avait des moments d’absence, fixait le vide lorsqu’on lui parlait. 

«Elle était comme morte en dedans», lâche Mme Gagné. Sa mère a ensuite arrêté de s’alimenter. Son état se détériorait et elle était devenue rachitique.

Soulagée                  

Après trois jours à son chevet, Mme Gagné a vécu son départ comme un certain soulagement. 

D’abord pour sa mère, qui avait toujours dit qu’elle refusait de vivre dans de telles conditions. Mais aussi pour ne plus vivre avec la culpabilité « de laisser une femme dans la cinquantaine avec des personnes âgées en fin de vie », confie Mélissa Gagné.

«Quand je me couchais le soir, je pensais à ma mère seule dans son lit. Ça n’a pas de bon sens, vivre comme ça, dit-elle, émue. Elle a vécu un calvaire. Elle aurait dû mourir sur le coup.»

fin

Il pensait se rendre dans un motel        

Le chauffard, Jean Pelletier, a écopé de de 48 mois de détention.

Courtoisie

Le chauffard, Jean Pelletier, a écopé de de 48 mois de détention.

Quand il a pris la route avec son amie après plusieurs consommations dans un camping des Laurentides, Jean Pelletier se trouvait «intelligent», car il avait un plan : plutôt que de rentrer à la maison, ils iraient dans un motel tout près.

Il a roulé cinq kilomètres à contresens sur la route 117, croisant plusieurs véhicules, avant de provoquer un violent face-à-face.

«Je me souviens d’avoir vu des phares devant nous, mais il était trop tard», s’est rappelée l’une des occupantes du véhicule happé, Andréanne Lefebvre, qui a subi de graves blessures.

Jean Pelletier a été arrêté sur les lieux de l’accident. Il avait plus de deux fois et demie la limite d’alcool permise dans le sang. Il s’est sorti indemne de la violente collision.

Sa faute... à elle                      

Sa passagère, Louise Arguin, n’a pas eu sa chance : elle s’est retrouvée dans le coma. Ses proches ont ensuite eu la mauvaise surprise de voir le chauffard débarquer à l’hôpital. 

«Il m’a dit qu’il ne fallait pas qu’on lui en veuille, que c’était un accident», déplore Mélissa­­­ Gagné, fille de la victime.

«Il disait aussi que c’était autant de la faute de ma mère puisqu’elle tenait le GPS et devait lui donner le chemin», ajoute-t-elle.

Lorsqu’elle s’est réveillée de son coma, Louise Arguin se souvenait de sa famille, mais pas de lui. 

«Il était tellement irrespectueux, embrassait ma mère sur la bouche alors qu’elle ne savait plus qui il était», déplore Mme Gagné.

Louise Arguin a conservé de graves séquelles de la collision et est décédée le 3 janvier dernier des suites de ses blessures. 

Adepte de vitesse                      

Le mois dernier, Jean Pelletier a écopé de 48 mois de détention, au palais de justice de Saint-Jérôme. Plaidant que son client s’était repris en main, la défense suggérait pas plus de 18 mois de prison. Le juge Sylvain Lépine a plutôt tranché pour «une peine exemplaire», déplorant son «grand mépris pour la vie humaine». 

En 2017, l’accusé accumulait en effet 29 constats d’infractions au Code de la sécurité routière, dont la moitié pour vitesse excessive. C’est pourquoi son permis était alors sanctionné. 

Et même la tragique collision n’a pas semblé l’avoir freiné puisqu’il a été arrêté au volant d’un véhicule trois jours après le drame.

– Avec la collaboration de Christian Plouffe

fin

«Je ne peux pas jouer avec ma fille»                      

Une jeune mère grièvement blessée dans la collision causée par Jean Pelletier­­­ trouve injuste que le chauffard ait pu être libre dans l’attente de son procès alors qu’elle souffre encore et peine à jouer avec son enfant de 18 mois.

«En cour, il était dans le corridor avec nous, comme si c’était normal. Moi, je suis limitée dans mon rôle de maman ; j’ai souvent mal au dos, aux jambes. Je suis incapable de me mettre à genoux, de m’accroupir au sol, donc je ne peux pas jouer avec ma fille ou lui donner son bain», déplore Andréanne Lefebvre.  

Le soir du drame, elle se rendait dans un chalet avec son copain de l’époque et deux amis. Assise sur le siège passager à l’avant, elle se souvient d’avoir aperçu les phares du véhicule qui a heurté leur voiture.

«On n’a pas compris ce qui se passait, il n’avait pas d’affaire là», a-t-elle lancé, en référence au fait que Jean Pelletier roulait alors à contresens sur la route 117 Nord.

«Je suis restée coincée longtemps dans la voiture. Je criais pour qu’on vienne me décoincer», se souvient-elle.

Six chirurgies                      

Blessée aux pieds, aux tibias, aux fémurs, elle a longtemps peiné en fauteuil roulant. Au début de son hospitalisation, elle craignait même de ne plus marcher tant ses jambes ne bougeaient pas. «Pas même un orteil», se souvient-elle.

«J’avais peur de rester paralysée», confie-t-elle, ajoutant que sa réadaptation a été pénible. Elle a subi six opérations et en attend d’autres. On lui a notamment installé des tiges de métal dans les jambes. 

Elle reste ainsi très limitée dans ses mouvements.

Ils ne comprennent pas                          

«J’ai de la misère à travailler debout, alors je perds souvent mon emploi parce que je dois prendre des pauses», dit-elle en pleurant.

À l’époque de l’accident, elle avoue qu’elle banalisait l’alcool au volant. Aujourd’hui, elle veut faire passer un message en racontant son histoire. 

«J’ai une amie qui boit et conduit et ça me met en tab... Je ne comprends pas que des gens qui connaissent mon histoire ne comprennent pas le message», enrage-t-elle.

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