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Favoriser la vaccination, sans pénaliser les plus vulnérables

Après presque deux années de pandémie, alors que notre résilience est rudement mise à l’épreuve, les divisions et les fractures causées par la crise sanitaire et les mesures mises en place pour la contrôler laisseront des marques à long terme. Afin d’atténuer les impacts, devrions-nous collectivement faire preuve de compréhension, plutôt que d’alimenter, inconsciemment ou pas, la polarisation et les clivages entre personnes vaccinées et non vaccinées au Québec? 

De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un durcissement des restrictions et autres mesures à l’égard des personnes non vaccinées, sans trop se questionner sur la composition de ce groupe.

Bien qu’une crise aussi exceptionnelle amène son lot de mesures tout aussi exceptionnelles, le mot d’ordre doit être PRUDENCE. Les 10% d’adultes non vaccinés au Québec en ce moment ne forment pas un tout homogène, composé exclusivement de personnes non vaccinées par choix. Des conditions physiques, psychologiques ou sociales peuvent expliquer le fait qu’elles ne sont à ce jour pas encore vaccinées.

À titre de travailleur social, ayant à intervenir auprès de personnes en situation de grande vulnérabilité, lesquelles sont souvent stigmatisées et désaffiliées, je crains de voir des personnes déjà marginalisées être ostracisées davantage. Pensons, par exemple, aux impacts de ces mesures sur la personne vivant en région, dans un village isolé et n’ayant pas les moyens de se rendre dans la ville la plus proche pour se faire vacciner, ou à la famille immigrante qui maîtrise mal le français et l’anglais et qui, en raison d’expériences traumatiques dans leur pays d’origine, a des réticences face aux mesures coercitives.

La vaccination est clairement une arme redoutable contre le virus et il faut l’encourager sans réserve, mais en réfléchissant à des mesures comme l’imposition du passeport vaccinal dans des commerces de première nécessité ou même la mise en place d’une contribution santé, il est primordial d’en soupeser les répercussions sur les personnes déjà vulnérables.

Prenons le cas de la contribution santé annoncée récemment par le gouvernement. Celle-ci vient compromettre l’universalité des soins au Québec, un acquis qui fait l’envie de plusieurs. Cette mesure punitive soulève également de nombreuses questions.

Est-ce que certains individus vulnérables pourraient mettre leur santé en péril en évitant de consulter un médecin, de peur de devoir payer une contribution?

Qu’adviendra-t-il de ces personnes qui vivent déjà dans des conditions de pauvreté lorsqu’elles se feront imposer une contribution qu’elles ne pourront pas payer?

Advenant qu’on décide d’épargner une personne qui n’est pas vaccinée en raison de conditions physiques, psychologiques ou sociales, quels critères seront utilisés pour reconnaître sa situation?

La coercition et les mesures punitives sont des choix parmi tant d'autres pour répondre à la pandémie. Parallèlement, les initiatives de proximité devraient être fortement encouragées. C’est grâce à celles-ci que nous pourrons identifier les personnes non vaccinées à cause de leur marginalisation, les rejoindre et leur permettre de comprendre l’importance de la vaccination. Nous pouvons envisager des approches de proximité, des approches personnalisées, qui permettront d’accompagner plutôt que de contraindre les personnes vulnérables à se faire vacciner.

Plutôt que de chercher des boucs émissaires — un réflexe naturel en temps de crise —, pourquoi ne pas aller vers les personnes marginalisées dans leur milieu, là où elles vivent?

Il est temps de tenir compte des plus vulnérables dans nos prises de décision. Nous pourrons ainsi éviter de créer des brèches supplémentaires dans notre filet social et de stigmatiser davantage des personnes déjà trop marginalisées.

Pierre-Paul Malenfant, T.S.
Président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec

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