Tandis que le gouvernement Legault se vante d’encourager l’achat local au sein de la fonction publique, un entrepreneur de la capitale frôle le découragement, incapable de proposer au réseau scolaire du Québec ses stations de lavage de mains que s’arrachent pourtant d’autres provinces.
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« Je ne veux pas mettre le blâme sur personne en particulier. Mais je ne vous cacherai pas que j’ai l’impression de vivre Les 12 travaux d’Astérix. Je ne comprends pas que ce soit aussi compliqué ici, alors que tout se passe comme sur des roulettes ailleurs. Une chose est sûre, ce n’est rien pour encourager l’entrepreneuriat et l’innovation. »
En affaires depuis une trentaine d’années dans le secteur événementiel (Proludik), Gino Vallée a vu son monde s’écrouler lorsqu’en mars 2020, la COVID-19 et les mesures décrétées par le gouvernement ont anéanti tout espoir de poursuite de ses activités.
Plutôt que de se laisser abattre, l’homme et son partenaire d’affaires de longue date (André Lachance) décident alors de se mettre à la table à dessin et de concevoir une station de lavage de mains d’appoint destinée aux entreprises, municipalités et écoles, à la recherche de solutions pratiques pour leurs clientèles.
Un parcours du combattant
Trois mois et des investissements de 150 000 $ plus tard, les stations d’eau commandées à l’usine de Manunor de Sherbrooke sont prêtes pour l’assemblage et leur commercialisation. Ainsi débutait, en juin 2020, l’aventure d’Hygienik Canada (le nom de l’entreprise), un parcours du combattant auquel aucun d’entre eux ne se serait attendu.
« C’est sûr que le public ne fonctionne pas à la même vitesse que le privé. Tout le monde le sait, c’est plus lent. Mais dans ce cas-ci, ça ne bouge pas pantoute ! »
Hygienik a quand même réussi à vendre 1400 de ses stations de lavage de mains. Elles s’écoulent 1200 $ chacune, ou 900 $ lorsqu’achetées en gros.
Les provinces de l’Ouest, l’Ontario, les Maritimes, certains États américains et même la France ont passé des commandes à l’entreprise québécoise. Le hic, c’est que de l’ensemble de ses ventes, seulement 15 % ont trouvé preneurs au Québec. Une situation que M. Vallée s’explique mal.
« Du côté des commissions scolaires, c’est le silence radio. Les directions d’école, elles, nous réfèrent au Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG). Le CAG – qui n’a pas pour mandat d’initier les commandes de ses clients (ministères et organismes) – nous renvoie au ministère de l’Éducation (MEQ) qui, à son tour, nous retourne systématiquement au CAG... qui, impuissant, nous répète de cogner à la porte de chaque école individuellement et de surveiller les affichages du système électronique d’appel d’offres (SEAO), au cas où... »
« Comme dans un carrousel »
Cela fait un an et demi que ça dure. Et bien qu’il ait la couenne dure, Gino Vallée admet se sentir « comme dans un carrousel ».
« C’est évident, je tourne en rond », souffle-t-il à bout de solution. Il s’explique difficilement comment, en 18 mois de démarches, aucun fonctionnaire n’a réussi à identifier le professionnel à Québec responsable de connaître l’existence de son innovation.
« Je ne cherche pas de passe-droit. Je veux simplement leur dire que j’existe. C’est un produit nouveau qui fonctionne et qui est apprécié. Le Québec pourrait faire des achats groupés, faire des économies d’échelle comme le font l’Alberta et la Colombie-Britannique. Au lieu de ça, il laisse à chacune des écoles s’arranger avec le problème. À défaut de mieux, des écoles n’ont d’autres choix que de piger dans le budget des sorties scolaires. Quand je vois ça, je me dis que ça n’a pas d’allure. »