Mettre des caribous dans des enclos, comme privilégie Québec, n’est pas «une solution viable» pour la préservation de cette espèce, estime un groupe de biologistes, pendant qu’Ottawa prépare un décret pour recadrer la proposition.
Le bureau de Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement, a fait savoir jeudi que les deux paliers de gouvernement sont en communication pour préparer ce décret. Le fédéral attend des documents de Québec qui détaillent les mesures que la province veut mettre de l’avant.
Le délai pour les rendre était mercredi, date où les sous-ministres se sont rencontrés, mais Québec aurait promis de les livrer pour jeudi prochain. Ces documents aideront Ottawa à développer son propre décret.
Ottawa a souligné dans une déclaration qu’«en l’absence d’entente, le gouvernement fédéral devra prendre les mesures qui s’imposent en vertu de la Loi sur les espèces en péril», qui est du ressort du fédéral.
La décision risque de ne pas satisfaire François Legault, qui a soutenu mercredi que le dossier des caribous est «un champ de compétence du gouvernement du Québec».
Le ministère fédéral de l’Environnement préfère cependant «en arriver à une entente avec le gouvernement du Québec». Il a balayé du même coup l’idée selon laquelle la protection du caribou est au cœur d’une bataille de compétence entre le provincial et le fédéral.

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Les biologistes tirent la sonnette d’alarme
La question de l’habitat du caribou continue de diviser dans la province. L’Association des biologistes du Québec (ABQ) a demandé à Québec de faire cesser les coupes forestières dans les aires d’habitat «dans les plus brefs délais».
Selon l’organisme qui regroupe plus de 1000 biologistes, Québec aurait les dispositifs nécessaires pour agir dans ce dossier avec la Loi québécoise sur les espèces menacées et vulnérables, sans avoir à passer par Ottawa et sa Loi sur les espèces en péril.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a capturé certains de ces cervidés pour préserver l’espèce menacée, notamment à Charlevoix, mais aucun plan de remise en liberté n’est prévu tant que le verdict de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards ne sera pas connu.
«Il y a la commission qui a cours en ce moment puis il y a également l’annonce d’une stratégie à venir sur la gestion des caribous forestiers montagnards, donc on attend ces précisions-là qui vont venir clarifier le plan pour la suite pour les enclos», a indiqué jeudi Carl Patenaude-Levasseur, directeur général de la coordination de la gestion de la faune au MFFP, lors d’une séance d’information.
«On commence la captivité de 16 caribous [à Charlevoix]. On va voir comment la situation va évoluer au fil du temps, a précisé M. Patenaude-Levasseur. Puis sur la question de l’aménagement et de l’habitat, on réfère à la commission.»
Pour sa part, Amélie Goulet de l’ABQ a précisé que «la mise en enclos des caribous n’est pas une solution viable pour rétablir les groupes si les habitats essentiels ne sont pas réhabilités et qu’aucun plan de retour à la liberté n’est prévu».
En plus des caribous à Charlevoix, sept autres se trouvent dans un enclos à Val-d’Or. De plus, les opérations de capture en Gaspésie ont été reportées en 2023 en raison des conditions météorologiques.
L’équilibre difficile à trouver
Le gouvernement Legault dit vouloir «trouver un équilibre» entre l’industrie forestière et la préservation des caribous.
Pour le biologiste , et spécialiste du caribou Serge Couturier, «c’est un peu une fausse discussion que de parler d’équilibre».
«Si on veut conserver les emplois, il faut aussi s’assurer de faire un développement durable de nos forêts, et ce n’est pas le cas actuellement puisqu’on perd des espèces derrière», a-t-il souligné, en entrevue sur LCN.
Selon ce dernier, les chiffres avancés par le MFFP concernant les possibles pertes d’emplois seraient invalides. «La Commission qui se penche là-dessus doit revoir ces chiffres-là, parce que ce n’est pas vrai qu’il faut fermer les communautés pour sauver le caribou, les deux peuvent exister en même temps», a-t-il assuré.
Par ailleurs, un compromis avait été proposé en avril 2021 par des experts, qui ont soumis l’idée de réduire les coupes forestières de 9 % et de reboiser de vieux chemins forestiers afin de limiter les prédateurs.
Cette vision permettait alors de créer de l’emploi et de protéger l’espèce menacée sur le long terme.