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L'itinérance autochtone, une problématique grandissante à Val-d'Or

Contrairement à la pensée populaire, l'itinérance est en augmentation partout au Québec et ne touche pas seulement les grands centres. 

Mais qu'on soit à Montréal ou en région, il y a un dénominateur commun: les autochtones sont surreprésentés. À Val-d'Or, en Abitibi-Témiscamingue, les statistiques sont alarmantes alors que 56% des itinérants sont issus des communautés autochtones, contre 10% pour l'ensemble du Québec. C'est donc dire que cette partie de la population qui, dans les faits, ne représentent que 2,3 % de la population totale, a au moins 5 fois plus de risque de se retrouver à la rue que les allochtones.

Pourquoi Val-d'Or? 

Lors du passage de l'équipe de TVA nouvelles à Val-d'Or, le centre d'hébergement pour sans-abri, La Piaule, était rempli à pleine capacité. Des matelas étaient étendus au sol, pour s'assurer que tous puissent passer la nuit au chaud. Le président du C.A. de La Piaule explique la situation par un manque criant de logements, d'abord dans les communautés où les maisons se font rares et sont surpeuplées. 

«Partout au Canada on voit cette augmentation-là. C'est une augmentation qui est de nature démographique. Dans les communautés, les femmes font entre 2 et 3 enfants. Régler la problématique ça implique aussi de régler la crise du logement à Val-d'Or qui dure depuis 16 ans. Régler la crise du logement dans les communautés autochtones'», expose Stéphane Grenier, aussi professeur et chercheur en travail social à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingne. 

Le taux d'inoccupation des logements à Val-d'Or se situe à 0,9%, et ne favorise pas l'accueil d'une clientèle déjà marginalisée.

La porte d'entrée du Nord... et du Sud 

D'un point de vue géographique, Val-d'Or est perçu comme une ville relais entre le nord et le sud du Québec, pour les itinérants autochtones qui se déplacent davantage que les non autochtones. 

Aux enjeux de pénurie de logements s'ajoutent les problèmes sociaux. 

«Il y a des problèmes de consommation dans les communautés, des problèmes de violence dans les maisonnées. C'est clair que ça peut déranger les gens. Mais il faut aussi comprendre que cet enjeu découle aussi du traumatisme des pensionnats, un problème rendu intergénérationnel», commente Martin Gunn, intervenant à la Piaule, originaire de la communauté algonquine de Kitcisakik qui confie connaître et comprendre les enjeux vécus par ceux et celles qu'il aide.

Vivre dans la rue 

C'est sur la 3e avenue à Val-d'Or, que les itinérants autochtones passent la grande partie de leur temps, même par temps froid. Ils s'entassent près des entrées des commerces, ou directement à l'intérieur de ceux-ci, pour se réchauffer. Des parcours de vie difficiles qui se soldent souvent par des déceptions une fois arrivées en ville. «J'étais très malade. Je voulais déménager à Val-d'Or pour pouvoir me faire soigner plus facilement. Ça fait un an que je suis ici. Je dors à la Piaule. C'est difficile, j'ai de la difficulté à marcher», se confie Eddy Gull, un Cri originaire de Waswanipi, à 3 heures de route de sa communauté. 

«Je suis dans la rue parce que je me suis chicaner avec mon père. Je ne peux pas retourner chez moi. C'est tough pareil de vivre dans la rue. Mais c'est mieux de s'en foutre», poursuit Bradley, un Algonquin de la communauté du Lac Simon âgé d'à peine 22 ans.

À Val-d'Or, des solutions sont mises en place. Une police communautaire intervient avec cette clientèle vulnérable et on interdit aussi la vente de bière forte au centre-ville. Cet été, un motorisé sillonnera aussi les rues de

la municipalité pour offrir des soins de santé. Mais la pierre angulaire du problème demeure la crise du logement. «La littérature scientifique prouve que lorsque tu as un toit, tu as moins de problèmes de consommation. C'est moins tentant de sortir se chercher une grosse bière quand tu es au chaud chez toi. Mais construire des logements sociaux prend un temps fou», critique Stéphane Grenier. 

Comme preuve, il montre un immeuble en construction. Un projet de logements sociaux sur la table depuis 12 ans. Les intervenants souhaitent que l'investissement de 338 M$, annoncé conjointement par Québec et Ottawa en février dernier, accélère les choses même si selon eux, c'est loin d'être suffisant.

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