Une richissime femme d’affaires qui possède pour 200 millions $ en immobilier accumule les poursuites judiciaires, notamment dans le cadre d’une offre d’achat pour l’une des maisons les plus chères au Québec.
La femme d’affaires canadienne Louise Blouin, qui a figuré au milieu des années 2000 parmi les femmes les plus riches au pays, a été visée par au moins six recours judiciaires récents au Québec.
Depuis cinq ans, elle a été poursuivie par une banque, une firme de courtage immobilier, un cabinet d’avocat, une entreprise de peinture, un architecte montréalais ainsi que des acheteurs et une vendeuse de luxueuses résidences.
Une spectaculaire maison des Hamptons près de New York reliée à Louise Blouin se retrouve aussi au cœur d’un litige avec des créanciers (voir autre texte plus bas).
Les poursuites laissent entrevoir un train de vie princier de la femme qui a fait fortune notamment avec ses actions de Trader Classified Media (le propriétaire d’Auto Hebdo), qu’elle a liquidées en 2005.
Depuis plus de 15 ans, elle consacre une bonne partie de son temps à l’art et aux médias, avec entre autres la compagnie BlouinArtinfo Corp. Elle a aussi côtoyé certaines personnalités bien connues du jet set.
La transaction immobilière de l’année
En 2015, elle avait l’œil sur une luxueuse maison de Montréal selon les documents déposés en cour.
Avec une courtière immobilière, elle a fait le tour de Westmount en Mini Cooper décapotable, toit ouvert, et a tenté de réaliser ce qui aurait alors été la transaction résidentielle la plus élevée de l’année au Québec.
Elle a voulu mettre la main sur un manoir victorien de 10 chambres et 10 salles de bains complètes et jouissant d’une vue époustouflante sur la métropole.
La maison n’était alors pas à vendre, mais Mme Blouin a convaincu la propriétaire de la lui céder pour 15,5 millions $ au terme d’offres et de contre-offres.
Mme Blouin ne s’est toutefois jamais présentée chez le notaire pour finaliser la transaction. La vendeuse, qui avait entre-temps déménagé, l’a poursuivie.
En défense, Mme Blouin a soutenu qu’elle n’avait plus l’obligation d’acheter parce que sa courtière avait coulé de l’information au Journal pour la vente d’une autre propriété à Mont-Tremblant. Une raison jugée farfelue par le juge Sylvain Lussier, de la Cour supérieure (voir autre texte).
« Ce sont ses arguments, ses désirs, ses caprices, ses goûts de grandeur, qui passent avant toute considération pour ses engagements », critique le juge.
Il a condamné la femme d’affaires à payer près de 2 millions $, pour combler entre autres l’écart entre le prix offert et celui que la vendeuse a dû finalement accepter d’un autre acheteur.
Jugements dévastateurs
En plus de devoir dédommager la vendeuse de Westmount, Louise Blouin a été forcée en février de céder une maison de Mont-Tremblant de 5,1 millions $ à un couple dont elle avait accepté une offre d’achat (voir autre texte plus bas).
La Banque HSBC l’a aussi poursuivie et a obtenu un jugement en sa faveur pour des créances impayées, dont un solde de plus de 50 000 $ sur une carte de crédit. Des relevés montrent notamment des dépenses de plus de 18 000 $ en cinq jours dans des commerces de Florence et de Paris et un hôtel en Suisse.
QUI EST LOUISE BLOUIN ?
- Native de Montréal
- Son patrimoine a été évalué à 200 millions $.
- Le New York Post la qualifiait en 2016 de « Great Gatsby du monde de l’art » en raison de ses fêtes organisées à La Dune, une des résidences les plus prestigieuses de Long Island, près de New York.
- Elle a déjà été dans l’entourage du prince Andrew et de Bill Clinton, rapportait le Globe and Mail en 2005.
- Elle est la sœur d’Hélène Desmarais, épouse de Paul Desmarais Jr. (président du conseil d’administration de Power Corporation)
► Le cabinet d’avocats Gowling LWG a aussi inscrit un recours en justice l’an passé pour des honoraires impayés de 109 000 $. Elle a contesté la réclamation en disant ne pas être satisfaite des services juridiques rendus.
Litige pour une villa de 140 M$

Photo tirée du site web de Sotheby’s
La Dune, un domaine des Hamptons mêlé à un litige et relié à Louise Blouin, est en vente chez Sotheby’s.
Une des plus prestigieuses maisons de la côte est américaine, appartenant à une entreprise de Louise Blouin, s’est retrouvée dans les derniers jours au cœur d’un bras de fer avec ses créanciers pour des dettes de 43 millions $ US.
Le 30 avril, Louise Blouin a signé des documents de procédures de faillite pour l’entreprise Brickchurch dont elle est l’administratrice.
Brickchurch détient une des deux maisons d’un luxueux domaine appelé La Dune dans un secteur qui attire les riches New-Yorkais.
Quelques jours plus tôt, un avocat avait demandé un délai pour éviter la vente forcée de la maison pour faire des vérifications et pour tenter d’obtenir du refinancement.
La compagnie dirigée par Louise Blouin était visée par une procédure de reprise de finance initiée par des créanciers, dont un fonds des îles Caïmans, selon des documents consultés par notre Bureau d’enquête.
Prestigieux bord d’océan
Le domaine La Dune a été en vente en 2020 pour 140 millions $ US, selon le site Outeast. Il est actuellement en vente chez Sotheby’s pour un prix non divulgué.

Photo tirée du site web de Sotheby’s
Une salle de bains de La Dune offre une vue sur la plage et l’océan.
« Considérée par beaucoup comme le plus prestigieux bord d’océan dans tous les Hamptons, ce domaine iconique rattaché à l’architecte Stanford White offre deux résidences extraordinaires sur une superficie de plus de 4 acres, avec plus 400 pieds de plage continue », décrivent Harald et Bruce Grant sur le site de courtage immobilier Sotheby’s.
Deux compagnies
La valeur de la maison du complexe La Dune détenue par Brickchurch est évaluée à 63 millions $ US dans des documents judiciaires. L’autre maison appartient à une autre firme reliée à Louise Blouin, Aberdeen Entreprises, qui est aussi en défaut de paiement.
- Avec la collaboration de Philippe Langlois
Partie avec une porte de chambre ?

Photo Agence QMI
Une résidence de type Cape Cod à Tremblant a dû être cédée par Blouin à deux acheteurs.
Une luxueuse maison de Mont-Tremblant vendue par Louise Blouin aurait été laissée dans un piètre état à l’arrivée des nouveaux propriétaires, selon une poursuite.
« La défenderesse est partie avec la porte de la chambre des maîtres, ce qui démontre sa mauvaise foi, ainsi que plusieurs porcelaines, lampes et autres éléments de grande valeur, ce qui démontre la gravité du geste », soutient un couple d’acheteurs dans un recours déposé en février dernier au palais de justice de Saint-Jérôme.
Ils réclament 320 000 $ notamment pour des biens disparus ou endommagés.
« Les biens manquants qui appartiennent aux demandeurs et qui ont d’ailleurs été payés à haut prix (incluant notamment des portes, des armoires et des éléments encastrés !) ont été éparpillés et pris par des membres de la famille de la défenderesse et le reliquat a été envoyé en Europe », est-il écrit dans la poursuite.
Dégât d’eau
Des dégâts auraient aussi été constatés après la prise de possession.
« Il y avait un gros dégât d’eau dans la cuisine, qui n’était pas là au moment de la promesse de vente », allèguent les acheteurs en détaillant les dommages aux comptoirs et planchers.
La réclamation est contestée par les avocats de Mme Blouin qui la qualifient d’exagérée et sans fondement.
Traités comme des escrocs
Il ne s’agit toutefois pas du premier litige entre Blouin et les acheteurs. En début d’année, le couple a eu gain de cause pour la forcer à vendre sa maison de Tremblant pour 5,1 millions $. Elle avait accepté une offre d’achat, mais avait ensuite changé d’idée.
« Elle traite les demandeurs comme des escrocs alors qu’ils ne font qu’exercer leurs droits », a estimé le juge Claude Auclair, de la Cour supérieure. Le juge a aussi dit que Mme Blouin a intimidé des courtiers impliqués en les menaçant de leur faire perdre leur permis parce qu’elle est une personne puissante.
Louise Blouin craignait pour son statut fiscal

Photo Pierre-Paul Poulin
Un manoir qu’a voulu acheter Louise Blouin a été décrit par des médias comme « le Downton Abbey de Westmount ».
La femme d’affaires Louise Blouin aurait fait avorter une transaction visant l’acquisition d’une des plus belles maisons de Westmount parce qu’elle craignait pour son statut fiscal, elle qui vit en Suisse depuis plusieurs années.
En 2016, elle avait tenté d’acheter la luxueuse résidence au prix de 15,5 M$ avant de changer d’idée. La vendeuse l’a poursuivie en justice et a obtenu près de 2 millions $ en dédommagements.
Durant les procédures judiciaires, le voile a été levé sur une note confidentielle envoyée par Blouin au notaire chargé de la transaction, le soir de la date prévue pour finaliser la vente.
« En raison d’une indiscrétion de la part de ma courtière, nous avons décidé de ne pas aller de l’avant avec l’acquisition [de la maison de Westmount], car ce serait trop compromettant pour mon statut fiscal. Ceci est strictement confidentiel », a-t-elle écrit au notaire.
Mme Blouin, bien que citoyenne canadienne, est actuellement résidente de la Suisse, a-t-elle déclaré lors d’un interrogatoire préalable l’an dernier.
Chronique du Journal
Selon ce qui ressort d’un jugement, la femme d’affaires aurait pris ombrage d’une chronique dans Le Journal en 2016 qui aurait attiré l’attention sur elle.
L’article faisait état de son achat d’une autre maison à Mont-Tremblant pour 5,8 millions $. Elle soupçonnait alors sa courtière d’avoir coulé de l’information alors que ces renseignements sont disponibles dans les registres publics.
Selon elle, cette chronique aurait mené à un autre article dans le Toronto Star sur sa présence dans les Panama Papers.
« Ces articles qui ont circulé partout dans le monde ont levé le voile sur moi au Canada et donc cet achat serait compromettant », explique-t-elle au notaire.
Une autre « raison sérieuse » pour ne pas conclure la transaction est évoquée dans la note, mais n’a pas été dévoilée.
Panama Papers
Quelques mois plus tôt, son nom était apparu dans le Toronto Star, qui relatait sa présence dans les Panama Papers.
Cette fuite dans les médias a dévoilé l’identité de centaines de personnes et sociétés ayant utilisé les services d’un bureau d’avocats panaméens pour faire des investissements dans les paradis fiscaux.