La pénurie de main-d’œuvre dans les tribunaux est si grave que les délais exigés par la loi ne sont plus respectés, s’est alarmée une juge, disant n’avoir jamais vu ça en 30 ans.
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« Il règne présentement à Montréal un état de précarité démocratique, c’est rendu systémique à Montréal, on ne peut pas tenir une mesure d’urgence dans les délais », a lancé la juge Joëlle Roy vendredi, au palais de justice de Montréal.
La magistrate s’alarmait des délais « systémiques » causés par le manque de ressources dans la justice, qui empêche la cour de procéder à une enquête sur remise en liberté de plus de trois heures dans le délai de trois jours requis par la loi.
« On est incapable d’assumer notre rôle constitutionnel, a affirmé la juge. C’est extrêmement sérieux, ça fait 30 ans que je suis dans le domaine et je n’ai jamais vu une situation comme ça. »
La juge s’exprimait dans le dossier de deux Montréalais accusés de proxénétisme, ainsi que de possession d’un fusil à pompe et de crack. Fahyim Speede et Tyler Smith attendaient depuis un mois leur audience sur remise en liberté, mais faute de greffière disponible, il leur était impossible de se faire entendre.
« Cette précarité démocratique est là présentement, elle s’accentue, on le voit tous, a dit la juge. À un moment donné, il va falloir qu’il se passe quelque chose. »
Demande d’arrêt

Photo Michaël Nguyen
Alexandre Goyette. Avocat
L’attente était si longue que l’avocat des accusés, Me Alexandre Goyette, avait même demandé un arrêt des procédures. Sa demande a été rejetée à ce stade-ci pour des motifs procéduraux.
« Elle sera plaidée au juge du procès », a assuré Me Goyette, qui a parlé de situation « catastrophique ».
La juge Roy, qui n’était même pas censée siéger pour se concentrer sur des décisions à rendre dans d’autres dossiers, a entendu leur demande de remise en liberté.
Et après avoir entendu la preuve, elle a accepté leur requête moyennant de strictes conditions, dont un couvre-feu, des limitations à leur utilisation d’internet, ainsi qu’une interdiction de se trouver dans des lieux liés à la prostitution. Ils devront également résider chez leurs mères qui les surveilleront de près.
Le problème de pénurie de main-d’œuvre est particulièrement criant à Montréal, où 200 employés de soutien ont démissionné dans la dernière année, causant un ralentissement marqué des tribunaux et la fermeture de salles d’audience.
La plupart ont quitté leur poste pour aller au fédéral, au municipal ou au privé, où les salaires peuvent être au moins 40 % plus élevés.
À cela s’ajoutent entre autres des pressions des avocats de la défense qui veulent boycotter des dossiers d’agressions sexuelles et de violence conjugale pour dénoncer des tarifs d’aide juridique sous le salaire minimum.