Le gouvernement Trudeau évoque l’éventualité pour une première fois d’une récession dès le début de l’année prochaine, apprend-on dans sa Mise à jour économique d’automne dévoilée jeudi.
Dans son scénario «pessimiste», Ottawa prévoit que le Canada entre dans «une récession légère au premier trimestre de 2023», est-il écrit dans le document d’un peu moins de 100 pages.
«C’est important d’être franche avec les Canadiens, a réagi la ministre des Finances Chrystia Freeland en conférence de presse. La réalité est que l’économie mondiale est en train de ralentir, et qu’il y a beaucoup d’incertitude.»
Écoutez la rencontre Latraverse-Dumont avec Emmanuelle Latraverse sur QUB radio :
Cette prévision indique que le taux de chômage atteindrait un pic de 6,9 % et que la croissance du PIB plongerait dans le négatif (- 0,9%) l’an prochain.
La Banque du Canada tâche de freiner l’inflation galopante avec des hausses brutales des taux d’intérêt depuis mars dernier, ce qui a comme conséquence de freiner l’économie.
Selon son scénario économique qu’il juge plus probable, Ottawa compte toujours éviter une récession l’an prochain, grâce à une faible croissance de 0,7% du PIB en 2023.
Aides
La Mise à jour de la ministre des Finances Chrystia Freeland table sur quelques nouvelles aides supplémentaires à certains Canadiens afin de les aider à affronter la hausse du coût de la vie.
Le coût de ces bonifications s’élève à 6 G$.
Elles s’adressent surtout aux étudiants et aux travailleurs (voir plus bas).
Le fédéral injecte aussi des milliards, dont 600 millions dès cette année, pour améliorer son service à la clientèle. Les derniers mois ont révélé de profondes failles dans la livraison de service par la fonction publique fédérale, tant dans le traitement des demandes en immigration que des passeports.
Prudent?
Le gouvernement libéral soutient avoir été soucieux de ne pas jeter de l’huile sur le feu de l’inflation avec des dépenses exagérées.
«L’aide du gouvernement a été soigneusement conçue dans le but d’éviter d’aggraver l’inflation», peut-on lire.
Il n’en reste pas moins que le gouvernement Trudeau a dépensé 45% de ses revenus supplémentaires engrangés depuis son budget du printemps, grâce aux revenus liés à l’inflation.
Car si la Mise à jour économique prévoit quelque 6 G$ de nouvelles dépenses cette année, Ottawa a allongé plus de 7 G$ dans une foule de mesures depuis le printemps dernier.
La ministre Freeland estime avoir trouvé le juste milieu entre aide et prudence.
«Il fallait trouver l’équilibre entre la prudence fiscale et la compassion», a affirmé Mme Freeland.
Robert Asselin, le vice-président en politiques publiques du Conseil canadien des affaires, n’a partage pas cette lecture. Selon lui, les sommes auraient été mieux dépensées à réduire le déficit.
«Son narratif sur la prudence budgétaire, c’est un peu de la foutaise», tranche cet ancien conseiller économique de Paul Martin et de Justin Trudeau.
Déficits projetés
2022-23 --> 36,4 milliards $
2023-24 --> 30,6 milliards $
2024-25 --> 25,4 milliards $
2025-26 --> 14,5 milliards $
2026-27 --> 3,4 milliards $
2028-28 --> Surplus de 4,4 milliards $
Ottawa prévoit des milliards en aide pour les travailleurs et les étudiants
1- Aide pour les travailleurs à faibles revenus et les étudiants
Répondant aux demandes du NPD, le gouvernement libéral sort le chéquier pour les travailleurs à faibles revenus et les étudiants.
- 4 milliards $ sur six ans pour bonifier l’Allocation canadienne pour les travailleurs (ACT) que touchent quelque trois millions de travailleurs canadiens à faible revenu. Cette somme permettra à un salarié gagnant 25 000$ par année de toucher des paiements anticipés de 200$ d’ACT chaque trimestre, en plus d’un montant additionnel de 600$ à la fin de l’année.
- 2,7 milliards $ sur cinq ans pour éliminer en permanence les intérêts sur tous les prêts d’études canadiens et les prêts canadiens aux apprentis, y compris ceux qui sont en cours de remboursement. Ceci permettra aux emprunteurs étudiants d’économiser en moyenne 410$ par an.
2- Allô? Passeport Canada?
Critiqué de toutes parts ces derniers mois pour la médiocrité de sa prestation de services, le fédéral dépensera 1,6 milliard $ pour tenter de faire mieux. La somme doit permettre de :
- Accélérer le traitement des demandes d’assurance-emploi et de sécurité de la vieillesse et d’accélérer le versement des paiements.
- Réduire le temps d’attente dans les centres d’appels de Service Canada et de l’Agence du Revenu du Canada.
- Offrir des services plus rapides aux vétérans
- Embaucher des agents des services frontaliers supplémentaires pour réduire la pression aux frontières.
3- Résister à la vague américaine
Les Américains ont investi 369 milliards $ américains et avancé tout autant en prêts pour attirer les investissements mondiaux qui lui permettront d’opérer un virage vert à 180 degrés, à travers la Loi sur la réduction de l’inflation. Pour maintenir sa compétitivité, le Canada doit agir vite, presse l’économiste Robert Asselin, vice-président du Conseil canadien des affaires.
Or, la réponse du gouvernement est «assez timide» jusqu’à présent, s’inquiète-t-il. Au budget du printemps, Finances Canada a annoncé 15 milliards $ pour le lancement du Fonds de croissance du Canada, en promettant plus des mesures concrètes à la mise à jour économique. Mais la seule nouveauté annoncée jeudi est un nouveau crédit d’impôt remboursable pour les entreprises qui investissent dans les technologies propres, comme les systèmes de production d’électricité solaire, éolienne et hydroélectrique, ou encore les véhicules industriels zéro émission.