Un couple sans histoire de la Montérégie a eu la peur de sa vie après s’être fait réveiller par des agents armés du Groupe tactique d’intervention qui s’étaient trompés de porte dans le cadre d'une enquête de la police de Montréal.
«Ils ne se sont pas demandé s’il y avait un A ou un B, raconte Marc-André Asselin. Quand mon locataire se fait livrer une pizza ou des colis Amazon, c’est à la bonne adresse, il n’y a pas de confusion. De savoir que la pizzeria de Saint-Amable est mieux organisée que le SPVM, c’est épeurant.»

Photo collaboration spéciale, Marie-Laurence Delainey
Dans la nuit du 16 au 17 novembre, sa conjointe Sabrina Landry et lui dormaient paisiblement dans leur résidence de la rue Principale, à Saint-Amable.
- Écoutez l'entrevue de Marc-André Asselin au micro de Richard Martineau via QUB radio :
Le cadran devait sonner dans quelques heures, mais vers 4 h 45, c’est plutôt un grand «bang» qui les a tirés brusquement du lit. Le bélier du GTI venait de défoncer leur porte d’entrée.

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Quelques secondes plus tard, une grenade assourdissante a été lancée dans la cuisine. Plusieurs policiers sont alors entrés, lourdement armés. À la demande du SPVM, ce sont des agents de l’escouade tactique de la Sûreté du Québec qui sont intervenus.
Le couple pense alors qu’il se fait cambrioler. M. Asselin bondit du lit et ouvre son coffre-fort contenant ses armes à feu enregistrées. L’homme de 32 ans en possède plusieurs et va au club de tir dans ses temps libres.
«Tout ce que je pensais, c’est protéger ma blonde. Il y avait trois gars habillés en camouflage, explique-t-il. Ce n’était pas clair que c’était la police, quand on est d’honnêtes citoyens, on ne s’attend pas à ce que le SWAT débarque.»

Photo collaboration spéciale, Marie-Laurence Delainey
Sabrina Landry et Marc-André Asselin devant la porte d’entrée barricadée de leur résidence après le passage du groupe d’intervention.
«Drop ton gun»
Marc-André Asselin et Sabrina Landry sont deux personnes sans histoire. L’homme comprend vite qu’il ne fait pas le poids devant tous ces fusils d’assaut.
«Ils me crient : “Drop ton gun !” une fois, je leur dis non, je drop pas mon gun si vous me dites pas qui vous êtes et pourquoi vous êtes chez nous. Ils n’ont rien répondu à part: “Drop ton gun!” La deuxième fois, ils l’ont dit d’une manière à glacer le sang. J’ai eu la peur de ma vie.»

Photo collaboration spéciale, Marie-Laurence Delainey
Il laisse donc son arme avant de se faire plaquer au sol et passer les menottes.
Sa conjointe, elle, est complètement vulnérable.
«Je n’ai ni mes lunettes ni mes verres de contact, je ne vois rien. Je suis toute nue, je suis sans défense. Avec cinq-six gars autour, déplore-t-elle. Ils m’ont dit de m’asseoir sur le lit, j’ai pris un oreiller pour me cacher.»
Erreur sur la personne
Les policiers leur demandent ensuite de s’identifier. Malgré les prénoms, noms et dates de naissance, ils ne semblent pas saisir qu’il y a erreur sur la personne.
Environ 20 minutes plus tard, après avoir fouillé la maison, un agent s’adresse à M. Asselin et lui lance: «Martin Brouillard, vous êtes en état d’arrestation.»

Photo collaboration spéciale, Marie-Laurence Delainey
«Mon nom c’est Marc-André Asselin! M. Brouillard est mon locataire, il reste en bas! Vous avez la mauvaise personne!» crie-t-il, énervé.
C’est au tour des agents d’être saisis.
L’un d’entre eux lui retire les menottes tout en s’excusant. Mme Landry, elle, obtient enfin l’autorisation de s’habiller.
D’autres membres du groupe d’intervention se mettent en direction du bon logement pour arrêter le locataire.
À la demande du couple qui est propriétaire du duplex, ils ne défoncent pas la porte, cette fois.

Capture d’écran Fournie par Marc-André Asselin
Des agents du GTI qui encerclent la maison durant l’opération.
Le bon individu
Martin Brouillard a plusieurs antécédents judiciaires.
Selon nos informations, l’homme de 46 ans était visé par un mandat d’arrestation pour menaces de mort et possession d’arme. Il fait maintenant face à des accusations criminelles.
La personne qui a porté plainte contre lui demeure à Montréal.
C’est pour cette raison que le SPVM a demandé au GTI de la SQ d’intervenir.
Son logement est au sous-sol de l’immeuble, il a un stationnement séparé et une entrée indépendante à l’arrière. Le numéro de son appartement est bien le 1472 et celui du couple est le 1472 A.

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L’entrée du logement de leur locataire, située au sous-sol et visée par l’opération.
Le A est indiqué sur les documents officiels gouvernementaux, comme le casier postal et le permis de conduire, mais pas sur la façade de la résidence.
«Ils avaient pourtant encerclé la maison avant de défoncer, mais ne se sont pas posé de questions. Quand ils ont compris que ce n’était pas nous, ils ont dit : “Ah, c’est la porte en arrière, hein?”», dénonce Sabrina Landry.
Une source a confié au Journal que la police de Richelieu-Saint-Laurent est intervenue à deux reprises à l’automne au domicile de Brouillard, sans se tromper de porte.
Une autopatrouille du même corps de police accompagnait également les policiers ce matin-là. Le véhicule de Brouillard était aussi dans le stationnement de l’appartement, tout près de la bonne entrée.

Photo collaboration spéciale, Marie-Laurence Delainey
La police s’excuse
Le SPVM soutient qu’il y avait confusion autour de l’adresse. «Heureusement, personne n’a été blessé. Nous sommes désolés pour les dommages», a indiqué au Journal le porte-parole Jean-Pierre Brabant.
Le corps policier a renvoyé le couple au Bureau des réclamations de la Ville de Montréal pour les dommages.
La demande de réclamation des propriétaires du duplex est «toujours sous enquête», nous a-t-on indiqué et la Ville ne peut «commenter le dossier publiquement».
Les conséquences de l’intervention ne sont pas que matérielles.
M. Asselin a développé des douleurs au dos et au cou depuis qu’il a été plaqué au sol. Mme Landry a maintenant de la difficulté à dormir, sursaute au moindre bruit et ne se sent plus en sécurité chez elle.
«On s’est sentis violés. Il y a trois mois d’attente pour que je vois un psychologue, mais j’ai besoin de parler maintenant. Les deux, on travaille dans le public, et ça a des conséquences sur notre travail. Ils [les policiers] se sont excusés de leur erreur sur le coup, mais n’ont donné aucun support», explique-t-elle.
Ils ont également porté plainte en déontologie policière et envisagent maintenant de poursuivre le SPVM.