Conséquence de la lutte à l’inflation, l’économie du Québec, comme celle de nombreux pays, voguera vers une récession en 2023. Du moins, les probabilités sont évaluées à 75% par les économistes d’iA Groupe financier.
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Les hausses du taux directeur de la Banque du Canada en 2022, qui ont fait bondir les taux d’intérêt, sont le remède à l’inflation galopante, et c’est surtout en 2023 qu’on accusera le coup.
«La science économique est assez claire là-dessus : ça prend 18 mois à 2 ans avant de vivre les pleins effets d’une telle décision de la banque centrale», explique Sébastien McMahon, stratège en chef et économiste senior d’iA.
Certains propriétaires seront étouffés par la hausse des taux d’intérêt et devront laisser aller leur maison, ainsi l’offre sur le marché va augmenter, tandis que les acheteurs seront moins nombreux, donc le prix des habitations va baisser.
«Entre le sommet d’avril 2022 et avril 2023, on prévoit que la baisse sera de 17%. Elle sera plus importante dans les secteurs où il y a eu surchauffe», précise Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins.
Les régions de Québec et du centre du Québec, moins touchées par la flambée des prix, verront un marché immobilier plus stable.
Les pires moments en 2e moitié d’année
«Le marché du travail sera le dernier morceau de l’économie à tomber, alors c’est peut-être davantage dans la deuxième moitié de 2023 qu’on pourrait voir le pire de la récession», entrevoit Sébastien McMahon.
D’un creux record de 3,8% en novembre, Desjardins anticipe que le taux de chômage pourrait passer à 6 % en cours d’année, ce qui reste bas dans un contexte de récession. C’est en partie pourquoi les économistes s’attendent à un rebond de l’économie assez rapidement après le creux.
Ils s’attendent aussi à une diminution de l’inflation, autour de 3% en fin d’année. Pour cela, la Banque du Canada devrait maintenir son taux directeur proche du niveau actuel.
«Les prix du pétrole et les difficultés des chaînes d’approvisionnement, deux éléments qui gonflaient l’inflation en 2022 et sur lesquels la Banque du Canada n’a pas de pouvoir, sont en train de diminuer. Ça va aider», explique Hélène Bégin.
Sur les marchés financiers, on s’attend encore à de la volatilité en 2023.
– Avec David Descôteaux, Sylvain Larocque, Hélène Schaff, Julien McEvoy, Francis Halin et Martin Jolicoeur
Six enjeux à suivre
Après les chocs de 2022, l’économie va payer les pots cassés. Les politiciens, les entreprises et les travailleurs devront faire preuve d’imagination pour minimiser les impacts d’une récession anticipée. L’inflation alimentaire va se poursuivre. Pour éviter une diminution de leur pouvoir d’achat, les travailleurs vont réclamer des augmentations de salaire. Tous espèrent la fin des hausses des taux d’intérêt. Mais il sera toujours difficile pour les jeunes familles de devenir propriétaires. Les entreprises n’échapperont toujours pas aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre. Les rendements boursiers seront encore anémiques, pas une bonne nouvelle pour les retraités. Dans ce contexte, l’intérêt pour l’économie verte risque d’écoper.
Bonne année... quand même !
Yves Daoust. Directeur Argent
Probablement aucun répit à l’épicerie

Photo d'archives, Julien McEvoy
Des produits de marque maison, dans un Loblaw de Montréal. Les nouvelles habitudes de consommation, plus axées sur la recherche d’aubaines, vont continuer à faire partie du portrait, en 2023.
Personne n’avait prédit l’inflation de 7% en 2022, si bien que les prévisionnistes se font humbles en cette fin d’année. À la BMO, on prévoit une inflation de 4% en moyenne en 2023, avec une dernière hausse du taux directeur de
4,25% à 4,50%.
Il n’y aura pas de baisse du taux directeur en deuxième moitié d’année, prévoit Doug Porter, économiste principal de cette banque. Il est fort possible que l’inflation à l’épicerie se poursuive pour un bon moment, ajoute-t-il.
Des négociations salariales qui pourraient être corsées

Photo fournie par Louis Deschênes
Une manifestation de grévistes sur la Rive-Sud de Québec le mois dernier. Dans un contexte de forte inflation, les conflits de travail, comme celui-ci, à la Société de transport de Lévis, risquent de se multiplier en 2023, au Québec.
Les travailleurs en technologies de l’information seront prisés en 2023, prévoit Pascale Brochu, v.-p. de la firme de recrutement Anywr Canada. « En cybersécurité, quelqu’un qui gagne 150 000 $ pourra facilement aspirer à aller chercher un autre 10% », illustre-t-elle. D’après le Conseil du patronat du Québec, les hausses seront de 4,1%, excluant les gels, en 2023. De son côté, Québec propose à ses 600 000 fonctionnaires 9% sur 5 ans avec un montant forfaitaire de 1000 $. Jusqu’à 4216 conventions collectives pourraient être négociées en 2023 (2093 terminées depuis 2019 et 2123 échues en 2023), selon le ministère du Travail.
Les répercussions du virage vert

Photo tirée de Twitter, @francoislegault
Le premier ministre du Québec François Legault a présenté, en avril dernier, le Plan pour une économie verte de son gouvernement. Ce plan et la kyrielle d’autres orientations gouvernementales du même type auront, en 2023, un immense impact sur l’économie.
Mise à jour de la stratégie en développement durable, conservation des milieux naturels dans le sud du Québec, sobriété énergétique, nécessaire accélération de la réduction des GES... L’année 2023 s’annonce riche en orientations gouvernementales qui auront un impact sur l’économie, prédit Alain Webster, président du comité consultatif sur les changements climatiques.
Pour les entreprises, la transition verte est en marche de gré ou de force. 2023 sonne la fin de la gratuité des droits à polluer. Et le milieu financier s’organise pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans les décisions d’affaires. De nouvelles normes comptables à cet effet devraient voir le jour cette année. Finance Montréal lancera son nouveau mandat : faire de la métropole et du Québec un centre reconnu en finance durable.
Les Bourses freineront leur chute

Photo AFP
Des courtiers, sur le parquet de la Bourse, à New York, il y a quelques jours. La majorité des analystes prévoient que le S&P 500, l’indice boursier le plus important de Wall Street, connaîtra une légère croissance au cours des douze prochains mois.
L’année 2022 a été bien morose pour les Bourses mondiales, mais s’il faut en croire les prévisionnistes, la dégringolade s’interrompra en 2023. Pour l’indice composite de la Bourse de Toronto (S&P/TSX), la Banque de Montréal entrevoit une croissance de 7% alors que Desjardins prédit une hausse d’à peine 2,4%. Pour le S&P 500 américain, Desjardins mise sur un léger rebond de 1,4% alors que BMO prévoit que l’indice se contentera de faire du surplace.
Pas de crash en vue dans l’immobilier résidentiel

Photo Agence QMI, Joêl Lemay
Après des années de croissance record, vous rêvez que les prix de l’immobilier s’effondrent ? Malheureusement, les chances sont grandes que vous soyez déçus. De fait, malgré un ralentissement de l’économie, une chute du nombre de transactions (-9%) et une hausse de l’inventaire, tout indique que le marché de l’immobilier résidentiel demeurera à l’avantage des vendeurs en 2023. Certes, les économistes prévoient que la poursuite des mesures anti-inflationnistes de la Banque du Canada — hausses successives de son taux directeur — continue de refroidir le marché.
Mais pas suffisamment pour provoquer un véritable risque d’effondrement des prix. Tout au plus, l’Asso-ciation professionnelle des courtiers immobiliers du Québec s’attend à ce que le prix médian des résidences unifamiliales recule en 2023 de seulement 5% par rapport à 2022.
Pénurie de main-d’œuvre... cauchemar des employeurs

Photo d’archives, Francis Halin
Une affiche de recrutement s’adressant aux retraités, dans la vitrine d’une pharmacie, à Montréal, l’été dernier. Le maintien en emploi des plus de 65 ans est une arme importante dans la lutte à la pénurie d’effectifs.
En général, la pénurie de main-d’œuvre devrait se poursuivre au Québec. Le nombre de postes vacants au Québec était de 244 000 en décembre, selon l’Institut de la statistique, notamment dans les soins de santé et la restauration. Le gouvernement du Québec prévoit que 150 000 autres emplois vont se libérer en 2023, ce qui risque d’empirer la situation et de maintenir le taux de chômage à un niveau très faible, et ce, même si le risque d’une récession est de plus en plus probable. Le taux de chômage était de 3,8% en novembre au Québec.