Au lendemain du saccage de trois lieux de pouvoir au Brésil, des questions se posaient sur l’incompétence et la complicité des forces de sécurité, qui ne semblaient pas préparées à cet assaut.
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Les signes avant-coureurs ne manquaient pourtant pas. D’abord, une centaine d’autobus ont amené samedi quelque 4000 militants dans la capitale.
Meg Stalcup, professeure d’anthropologie à l’Université d’Ottawa, y voit-là un mouvement très bien organisé, comme c’était le cas lors du Convoi de la liberté l’hiver dernier devant le parlement canadien.
« C’est évident que ces bus, qui partaient de différents endroits au pays tout comme les campements étaient financés », précise la spécialiste du Brésil.
Pas dérangés
Le ministre brésilien de la Justice Flavio Dino a autorisé le déploiement d’agents de la Force nationale, une force spéciale de police envoyée en cas de menace contre la loi et l’ordre. Cela n’a pas empêché les émeutiers de parcourir sans être bloqués par les policiers les 8 km entre leur campement et la place des Trois pouvoirs.
Les émeutiers avaient aussi une fenêtre d’opportunité. À son arrivée en poste le 1er janvier, le président Luiz Inacio Lula da Silva a fait des changements à la haute direction des forces de l’ordre pour se débarrasser de sympathisants de Jair Bolsonaro, a fait savoir le spécialiste Mathieu Turgeon.
Manque de leadership
« Il y avait donc un manque de leadership au niveau de l’organisation des forces policières. Cela mettait la sécurité publique plus fragile », a-t-il expliqué.
L’attitude de certains policiers a également été pointée du doigt, des vidéos montrant des agents filmant l’assaut avec leurs téléphones plutôt que d’intervenir.
« Il semblerait que des manifestants qui sont parvenus à entrer dans les lieux de pouvoir avaient obtenu des informations importantes car des armes qui se trouvaient à un endroit précis ont été volées », a également indiqué M. Turgeon.
-Avec Erika Aubin
«Mauvaise volonté ou mauvaise foi»
«On peut voir sur les images que (les bolsonaristes) ont été guidés (par les policiers) jusqu'à la place des Trois pouvoirs», a déploré Lula en conférence de presse.
«Les forces de l'ordre du District fédéral (Brasilia) ont fait preuve d'incompétence, de mauvaise volonté ou de mauvaise foi», a-t-il accusé.

AFP
Quelques minutes avant l'invasion, un responsable de la sécurité à Brasilia avait envoyé un message audio rassurant - et surréaliste au vu de ce qui s'est passé après - au gouverneur du district fédéral, Ibaneis Rocha.
«Les manifestants sont escortés par la police (...) et le climat est tranquille, c'est une manifestation totalement pacifique», dit-il dans cet enregistrement publié par le site Metropoles.
Dans son éditorial publié lundi, le quotidien Estado de S. Paulo a souligné «la facilité effarante avec laquelle les vandales qui n'ont pas accepté la défaite de Jair Bolsonaro ont envahi les lieux de pouvoir à Brasilia, lors de la pire attaque contre la démocratie brésilienne depuis la fin de la dictature militaire (1964-1985)».
«Tous frais payés»
Bien avant l'arrivée des autocars, de nombreuses publications dans les réseaux sociaux montraient que l'attaque était préparée dans ses moindres détails depuis plusieurs jours.
«C'est tous frais payés. De l'eau, le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Et vous camperez au Planalto (le Palais présidentiel)», pouvait-on lire par exemple dans le texte d'un groupe bolsonariste de la messagerie Telegram.
De quoi remettre en cause sérieusement l'efficacité des services de renseignement.
L'attitude de certains policiers a également été pointée du doigt, des vidéos montrant des agents filmant l'assaut avec leurs téléphones plutôt que d'intervenir.
«Les forces de sécurité étaient bien là, mais elles n'ont pas agi pour empêcher cette invasion. Si c'était un autre type de manifestants, la réaction des policiers n'aurait pas été aussi pacifique», a déploré Pedro Sabino Rapatoni, assistant administratif à Brasilia.

AFP
La chroniqueuse de TV Globo Miriam Leitao a dénoncé lundi la «bolsonarisation des forces de police à Brasilia».
À commencer par leur chef, le secrétaire à la sécurité du District fédéral, Anderson Torres, ancien ministre de la Justice de Jair Bolsonaro, qui se trouvait aux États-Unis dimanche, tout comme l'ex-président.
«Durant toute la période où il a été ministre, il a montré qu'au-delà de ses fonctions, il était avant tout un fervent militant bolsonariste», a expliqué Mme Leitao.
Anderson Torres a finalement été limogé dimanche soir, et celui qui l'a nommé, le gouverneur Ibaneis Rocha, a été suspendu de ses fonctions pour 90 jours par un juge de la Cour suprême.
D'autres têtes devraient tomber prochainement.