Un homme de 47 ans originaire de la Tunisie qui aurait arnaqué des aînés québécois pour le compte d’un réseau de fraudeurs informatiques international bien organisé a été arrêté par les autorités françaises au cours des dernières semaines.
Une source policière confirme à notre Bureau d’enquête qu’Adel Mabrouk serait partie intégrante de ce réseau qui a des tentacules jusqu’au Québec.
Il aurait été le patron d’au moins un centre d’appels en Tunisie, nécessaires au bon fonctionnement d’un stratagème d’arnaque à la « fausse réparation » sur lequel l’équipe de J.E lève le voile dans son émission.

Photo courtoisie
Adel Mabrouk, arrêté.
De la France à la Tunisie, nous avons suivi les traces d’Adel Mabrouk et infiltré différents centres d’appels pour comprendre comment des Québécois se sont fait soutirer des milliers de dollars.
Des pirates au bout du fil
Notre équipe a mis la main sur des dizaines d’appels entre des aînés résidant aux quatre coins du Québec et des employés de centres d’appels frauduleux tunisiens.
Le stratagème est relativement simple. Les employés des centres d’appels se font passer pour des employés de Microsoft qui promettent de les débarrasser d’un virus fictif sur leur ordinateur. C’est ce qu’on appelle l’arnaque à la fausse réparation.
Certaines victimes québécoises que nous avons retrouvées ont cédé à la pression de leur interlocuteur et déboursé de 100 à 500 dollars pour l’installation d’un soi-disant antivirus.
13 000 $ par jour
En Tunisie, Hakim, un ancien employé de M. Mabrouk, a accepté de nous parler des opérations de son patron à visage découvert.
Selon lui, il a généré des revenus de 13 000 dollars au minimum par jour avec ses arnaques.
« Ça m’est arrivé de faire une vente de mille dollars pour un ordinateur, dit-il, alors que si tu appelles un informaticien, il va te le réparer gratuitement parce qu’il n’y a même pas de virus sur l’ordinateur ! »
J.E a tenté de confronter Adel Mabrouk en se rendant notamment à différentes adresses de Perpignan, dans le sud-est de la France.
On l’a retrouvé à la fenêtre d’un appartement modeste : il a assuré ne pas travailler dans un centre d’appels, et n’être au courant d’aucune fraude que ce soit.
- Écoutez la chronique Crime et Société avec Félix Séguin au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Des milliers de victimes
Les autorités françaises estiment à 4000 le nombre de victimes du réseau de fraudeurs, qui auraient empoché l’équivalent de près de 1,74 million de dollars canadiens. Après deux ans d’enquête, sept personnes ont finalement été arrêtées, dont Adel Mabrouk. Ce dernier est en détention provisoire depuis son arrestation en novembre dernier, le temps que l’enquête se poursuive.
En 2021, les Québécois se sont fait voler plus de 30 millions de dollars via différents types de fraudes, selon le Centre antifraude du Canada. Parmi les victimes qui ont décidé de porter plainte auprès de l’organisme, 65 ont rapporté une fraude impliquant un stratagème de soutien technique.
Un couple d’aînés dépouillé de 350 $ pour un faux virus
Un couple de Montréal a perdu 350 dollars aux mains d’un réseau de fraudeurs international, qui leur a fait croire que leur ordinateur nécessitait une réparation immédiate.
Durant l’hiver 2022, Rose-Hélène Rouillard a cliqué sur ce qu’elle croyait être un lien vers un site web banal. Une fenêtre est apparue sur son écran, indiquant que l’ordinateur était bloqué, infecté par un virus. Pour régler le problème, il fallait appeler au numéro indiqué. Impossible de bouger la souris, impossible de fermer la fenêtre.
« Moi, je ne niaise pas avec ça là. J’ai appelé tout de suite », raconte-t-elle. Madame Rouillard avait toutes les raisons de croire que le numéro qu’elle compose la met en lien avec Microsoft.
C’est plutôt une femme située dans un centre d’appels en Tunisie qui lui a répondu, payée pour lui soutirer le plus d’argent possible en réglant un problème qui n’a jamais existé.
Après trente minutes d’explications, elle a finalement convaincu Rose-Hélène de payer 350 dollars un plan de protection de deux ans.
« C’est écœurant »
Une simple manipulation aurait permis à Madame Rouillard de reprendre le contrôle de l’ordinateur elle-même : soit appuyer sur la touche « echap » ou encore faire la combinaison des touches Alt et F4.

Capture d'écran J.E
Adrien Lessard dénonce le fait que des fraudeurs profitent des personnes âgées comme lui et sa femme.
Rose-Hélène et son conjoint Adrien Lessard ont travaillé toute leur vie dans une manufacture de souliers. Ils ont une bien maigre retraite, chaque dollar compte.

Capture d'écran J.E
Rose-Hélène Rouillard croyait avoir à faire avec un technicien de Microsoft, mais il s’agissait d’arnaqueurs.
Son conjoint ne décolérait pas. « C’est écœurant, dit-il, d’essayer de profiter de nous parce qu’on a vieilli. Ça me fait quelque chose encore aujourd’hui [...] ils viennent nous chercher chez nous, pour profiter de moi et de ma femme. »