Un détenu qui a écopé de neuf ans de prison pour homicide involontaire recevra 30 000$ de l’État en compensation après avoir été tabassé par des agents correctionnels.
C’est lors d’un déplacement vers un autre secteur du centre de détention de Rivière-des-Prairies en 2015 que l’incident est survenu. Les agents correctionnels sont venus chercher le détenu Roody Louis dans sa cellule, qui montrait une collaboration «insuffisante».
«Il a reçu une bonbonne de gaz, des coups dans le visage, un coup de pied dans les dents. Il en résulte trois dents brisées et il ne voit pas de dentiste avant avril 2017», peut-on lire dans la décision rendue cette semaine par le juge Luc Huppé.
«En ne procédant pas au minimum, sur réception de ses plaintes, à un examen de l’état physique réel de M. Louis, dont l’état de sa dentition, l’établissement fait preuve d’insouciance à l’égard de la violence qu’il dit avoir subie», écrit le juge.
Manquements
Le jour même de l’intervention, Roody Louis a été traduit devant un conseil de discipline de l’établissement de détention. Depuis son arrestation en février 2014, il compte une quarantaine de dossiers disciplinaires.
Lors de ce conseil de discipline, M. Louis a expliqué qu’il était heureux de son transfert et qu’il avait «tout intérêt» à collaborer. Selon lui, l’équipe d’intervention a utilisé inutilement un agent inflammatoire, ce qui a mis fin à sa collaboration.
Cinq minutes après le début de l’audition, il a reçu une sanction de sept jours de réclusion, suivi de cinq jours de confinement. Il demande aussitôt une révision de la décision, qui est maintenue.
M. Louis a par la suite déposé au moins trois plaintes au Centre de détention de Rivière-des-Prairies, au Protecteur du citoyen ainsi qu’à la Sûreté du Québec (SQ) concernant l’intervention, toutes à propos un coup de pied au visage qui lui a brisé trois dents. Ces plaintes ont toutefois été rejetées.
«Je sentais les morceaux de dents dans ma bouche... Après ça, je suis devenu fou de rage», a indiqué le détenu dans l’une de ses plaintes, ne cachant pas son comportement violent à la suite de l’altercation.
Zone d’ombre
Pendant son procès en 2017, M. Louis a d’ailleurs réitéré avoir été tabassé par les agents correctionnels.
Sa plainte n’a pas abouti, puisqu’aucune vidéo de l’altercation n’a été filmée en raison d’une erreur d’un membre de l’équipe d’intervention.
M. Louis a toutefois obtenu une réduction de peine, écopant de neuf ans de prison pour avoir tué un autre vendeur de drogue pour une dette de 40$.
Sans cet incident survenu en décembre 2015, la «peine appropriée» pour Roody Louis aurait pu monter jusqu’à 12 années d’incarcération, a commenté le magistrat lors du procès en 2017.
Compensation
Après avoir épuisé toutes ses options, Louis réclamait une poursuite contre le Procureur général du Québec pour la somme de 68 832$ en dommages moraux et punitifs.
Il recevra finalement 30 000$ pour les préjudices subis, a tranché le juge Huppé.
«Le fait que M. Louis ne prenait pas la totalité des analgésiques qu’on lui remettait laisse entendre que la douleur ressentie devait être supportable. [...] La preuve présentée pour soutenir la réclamation d’un tel montant n’est pas suffisante. Néanmoins, elle démontre clairement l’existence d’un préjudice», peut-on lire dans le jugement.
- Avec la collaboration de Michaël Nguyen