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Classe turbulente: des parents retirent leur fille de l'école, faute de profs

Plusieurs suppléants qui se succèdent pendant des semaines, un bulletin incomplet et des comportements dérangeants en classe. L’instabilité causée par la pénurie d’enseignants et une classe difficile a poussé des parents à retirer leur fille d’une école primaire de Québec pour lui faire l’école à la maison.

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Agathe, âgée de 9 ans, n’est pas retournée dans son école primaire de Beauport au début janvier.

«Ma fille n’apprenait rien depuis des semaines et je ne pense pas qu’elle était en sécurité dans cette classe. Le climat n’était vraiment pas bon», laisse tomber sa mère, Véronique Lavoie.

Photo Stevens Leblanc

L’année scolaire avait pourtant bien commencé pour Agathe, même si elle reprenait sa troisième année en raison de sa dyspraxie. 

À la mi-octobre, l’enseignante part toutefois en congé de maladie. Plusieurs parents qui ont compris que le groupe est difficile s’interrogent sur les raisons de ce départ.

Selon nos informations, un incident violent impliquant un élève en crise serait en cause.

  • Écoutez l'entrevue de Benoit Dutrizac avec Véronique Lavoie sur QUB radio :

Cinq adultes différents par jour

Les semaines passent et les suppléants se succèdent. Pendant plusieurs journées, les remplaçants changent à toutes les périodes si bien que cinq personnes différentes défilent devant les élèves.

Pendant ce temps, «les élèves n’apprennent rien», déplore Mme Lavoie.

Photo Stevens Leblanc

Le bulletin qui devait être produit à la mi-novembre est remis en retard, au début décembre. 

Le relevé de notes est par ailleurs incomplet: il n’y a que le français et les mathématiques qui ont fait l’objet d’une évaluation partielle, pour une seule compétence, et aucune moyenne de groupe n’apparaît dans ce bulletin.

Le climat de la classe dégénère encore plus, raconte Mme Lavoie. Sa fille se fait régulièrement insulter et elle est témoin de gestes de «violence» commis par d’autres élèves, affirme-t-elle.

«Agathe a toujours aimé l’école malgré ses difficultés, mais là, elle ne voulait plus y aller. Elle a commencé à faire beaucoup d’anxiété. Je ne pouvais pas la laisser dans un climat comme ça», raconte sa mère.

Mme Lavoie, qui est maman à la maison, a donc décidé de la retirer de l’école en janvier «afin qu’elle soit mieux outillée pour retourner en classe l’automne prochain». 

  • Écoutez la chronique de Gilles Proulx, chroniqueur au Journal de Montréal et Journal de Québec au micro de Richard Martineau sur QUB radio : 

Dernier recours

Il s’agit vraiment d’une décision de dernier recours puisque cette mère n’a jamais eu une très bonne opinion de l’école à la maison, précise-t-elle. 

«Mais dans les circonstances, je pense que c’est vraiment la meilleure solution pour elle», affirme Mme Lavoie, qui a porté plainte au Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries et au ministère de l’Éducation à ce sujet.

Le «manque criant» de personnel est bien sûr en cause, mais le problème «en dessous de ça» est le climat dans les classes, affirme-t-elle. 

Au Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, on assure toutefois avoir rapidement mis en place des mesures pour corriger le tir.

La situation s’améliore, assure le centre de services

Après des semaines plutôt instables, la situation dans cette classe de Beauport s’améliore à la suite de l’arrivée en poste d’un nouvel enseignant remplaçant depuis le début janvier, indique le Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries.

«On est conscient qu’il y a eu une situation difficile dans cette classe», affirme d’entrée de jeu sa secrétaire générale, Adèle Poulin-Charron, lors d’un entretien avec Le Journal.

Cette dernière assure que, dès la mi-octobre, l’équipe des ressources humaines a mis tous les efforts nécessaires au recrutement de suppléants. 

Dans les semaines qui ont suivi, un plan d’action a été mis en place par le centre de services scolaire auprès du personnel afin de soutenir les élèves dans la poursuite de leurs apprentissages, indique-t-elle. Les services d’accompagnement en éducation spécialisée dans cette classe ont aussi été bonifiés.

«La classe s’est stabilisée et il y a eu beaucoup d’amélioration depuis le début janvier», affirme Mme Poulin-Charron, qui s’est abstenue de commenter la décision des parents d’Agathe de la retirer de cette classe.

Pas un cas isolé

Au Syndicat de l’enseignement de la région de Québec, on indique toutefois qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.

D’autres classes ont aussi vécu une succession de suppléants «pendant une partie de l’automne» en raison de la pénurie, affirme son président, François Bernier.

Au centre de services scolaire, on confirme qu’il y a eu «quelques situations» où il a été difficile de trouver des suppléants.

«Il est toujours plus difficile de prévoir les demandes de remplacement qui s’ajoutent en cours d’année. La pénurie de main-d’œuvre exerce une pression supplémentaire pour les combler», précise Mme Poulin-Charron.

Des besoins particuliers

Du côté de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile, on ne constate pas de hausse liée à la pénurie d’enseignants depuis la rentrée. 

Plus de 60 % des parents membres de l’organisation ont toutefois décidé de faire l’école à la maison parce qu’ils estiment que le réseau scolaire n’arrivait pas à répondre aux besoins particuliers de leur enfant, précise sa présidente, Marine Dumond-Després.

Après avoir connu une forte hausse pendant la pandémie, le nombre d’enfants québécois scolarisés à la maison connaît une légère baisse depuis l’an dernier.

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