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L’échec du français: une tragédie chez nos élèves

STOCKQMI-ÉCOLE

Photo d'archives, Agence QMI

L’année a très mal commencé par l’annonce des résultats du dernier examen de français écrit de 5e secondaire. 

Dans certains centres de services scolaires, près de la moitié des élèves ont échoué en 2022. En raison de la COVID, on remarque une chute importante dans le taux de réussite depuis 2019. C’est ce que l’on observe dans tous les centres de la province, à l’exception de six d’entre eux seulement.

N’ayons pas peur des mots: il s’agit d’une tragédie.

Car le ministère de l’Éducation a beau se dire «préoccupé» par la situation et qu'il est en voie de rectifier le tir, les cohortes de 2020, 2021 et de 2022 ont déjà obtenu leur diplôme. Il est difficile désormais de croire que la majorité de ces anciens élèves en difficulté – et certains d’entre eux sont littéralement illettrés – qui sont devenus étudiants au collégial, à l’université ou des travailleurs pourront améliorer considérablement leur sort.

Les exigences de l’éducation supérieure

Lorsque l’on arrive au cégep et à l’université, on entre dans un monde différent de celui de l’école secondaire. On entre dans celui de l’éducation supérieure, un monde dans lequel les enseignants n’ont pas les mêmes responsabilités que leurs collègues du secondaire. Au cégep et à l’université, on s’attend normalement à rencontrer des étudiants capables de lire, de synthétiser et d’écrire sans commettre des fautes d’orthographe à tous les trois mots. Si ces enseignants ont de telles exigences, ce n’est pas parce qu’ils sont cruels ou encore insensibles aux inégalités. C’est qu’ils pratiquent leur métier dans un contexte totalement différent. Ils ne passent seulement que quelques heures avec leurs étudiants dans une session et n’ont pas les moyens de revenir sur des notions de base en français.

Il ne faudrait donc pas être surpris d’apprendre qu’une bonne partie de ces élèves en situation de grande difficulté renoncent à compléter leur parcours au cégep ou encore à l’université, si ce n’est pas déjà fait. Que les choses soient claires: l’issue tragique de la situation ne repose pas sur l’idée que beaucoup de ces jeunes choisiront alors de pratiquer un métier n’exigeant pas de hauts standards en lecture et en écriture. S’il est question d’une tragédie, c’est que si le système d’éducation supérieure ne peut pas secourir ces jeunes, c’est encore moins le monde du travail qui s’en chargera.

Qu’arrivera-t-il alors à ces dizaines de milliers de jeunes? En sortant de l’école secondaire, la vie adulte commence, et même si elle va vite, elle est longue. Et comment peut-on imaginer que des gens vivront en moyenne jusqu’à 80 ans dans l’incapacité d’écrire et de comprendre leur propre langue? Évidemment, on connaît tous quelqu’un qui a découvert la lecture sur le tard ou qui détestait l’école et qui a eu un coup de foudre avec la langue française, un peu par hasard, en tombant sur un livre ou sur une chanson. Mais combien seront-ils à dévier le cours du destin? Même le scénario le plus optimiste ne peut renverser le caractère tragique de la situation dans nos écoles.

Cela dit, il n’est jamais trop tard pour faire preuve de courage et d’audace.

Le fléau des écrans

Les cohortes de 2019, 2021 et de 2022 seront étudiées dans quelques années par les chercheurs, et il y a fort à parier que l’utilisation abusive des écrans par les jeunes durant cette période expliquera leur important retard. Il faut donc impérativement lutter contre ce fléau. Dans les classes d’écoles secondaires, il n’est pas rare de voir des jeunes en manque d’écran pitonner sans raison sur leurs calculatrices. Il n’est pas rare non plus que des élèves demandent au professeur s’ils peuvent chercher la définition d’un mot sur leur téléphone alors qu’une pile de dictionnaires s’offre à eux. Certains jeunes l’admettent sans trop s’effrayer, ils passent plus de huit heures par jour sur leur téléphone. Leur vie à la maison se résume aux écrans alors leur vie à l’école doit en être purgée.

Quant au français, il doit être corrigé, à tout le moins évalué dans chacune des matières sans exception. Les données sont catégoriques, les choses doivent changer. Nous devons révolutionner notre rapport à la maîtrise du français, lui conférer à partir de maintenant un statut non plus mineur, mais honorable, un statut non plus esthétique et facultatif, mais nécessaire et vital.

Et ce, afin d’éviter l’accumulation tranquille des tragédies.

Photo Pierre-Paul Poulin

Rémi Villemure, Auteur et étudiant à la maîtrise en histoire

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