Radio-Canada est contrainte de réintégrer un caméraman qu'elle avait congédié il y a trois ans et demi pour avoir conduit un véhicule de la société d’État sous l’effet du cannabis en effectuant une manœuvre dangereuse.
Assigné à la couverture d’un événement qui se tenait à la Citadelle de Québec en juin 2019, le caméraman s’était présenté à la station en après-midi pour commencer son quart de travail.
Juste avant le départ, le journaliste qui l’accompagnait avait observé le caméraman qui reculait le véhicule de type camionnette, le hayon arrière ouvert, visiblement sans qu’il en ait conscience.
Pour expliquer sa manœuvre particulière, le chauffeur avait indiqué qu’il reculait afin de récupérer, sans se salir, un étui de brosse à dents tombé sous le véhicule.
Une fois à bord, le journaliste aurait constaté une forte odeur de cannabis et l'a mentionné au chauffeur.
L’homme d’une vingtaine d’années d’expérience aurait alors admis «avoir fumé avant d’arriver au travail».
La journée s’était passée sans anicroche, mais au retour, le journaliste visiblement mal à l’aise de la situation en a parlé à un collègue, puis à sa supérieure.
Enquête interne
Une enquête interne a été ouverte à Radio-Canada et l’employé a été invité à s’expliquer.
L’excuse selon laquelle l’odeur provenait de son imperméable qui se trouvait dans le cabanon où son neveu avait fumé « un gros joint » de cannabis semblait peu crédible aux yeux de l’employeur.
La représentante des ressources humaines décrira que le sentiment général était que «le plaignant leur mentait en pleine face».
Le caméraman a officiellement été congédié le 18 juillet 2019.
Niveau d’intoxication
Le Syndicat des communications de Radio-Canada a toutefois porté l’affaire devant un tribunal d’arbitrage.
L’arbitre Maureen Flynn a d’abord jugé «plus plausible que [le caméraman] ait consommé ce jour-là et qu’il l’ait admis spontanément à son collègue», mais elle a ajouté que «le nœud de l’affaire» était de déterminer s’il était sous l’effet de la drogue lorsqu’il a conduit le véhicule.
Si elle a donné peu de «crédibilité» au témoignage de l’employé congédié et qu’elle entretient toujours «un doute» sur l’état d’intoxication du caméraman, l’arbitre retient aussi que la preuve de Radio-Canada est muette quant à l’état d’intoxication réel de l’employé.
«Il n’appartient pas à l’employé de prouver qu’il était en état de conduire», tranche-t-elle.
«Une possibilité n’est pas une probabilité», a conclu l’arbitre Flynn, qui a annulé le congédiement trois ans et demi plus tard, en plus d’exiger le versement des pertes salariales. Une suspension de cinq jours a toutefois été maintenue pour la manœuvre non sécuritaire faite à reculons, d’autant plus qu’il s’agissait d’une récidive.