Des ministres du gouvernement Legault ont commencé à produire des contenus sur TikTok dans l’objectif avoué de rejoindre les jeunes, une pratique rendue nécessaire par la fragmentation des auditoires, selon un expert.

«On imagine mal les politiciens d’hier utiliser ces plateformes-là, a remarqué le politologue Philippe Dubois. Mais si les élus l’utilisent aujourd’hui, c’est parce qu’ils jugent que ça peut être efficace.»

«N’utiliser que la télévision et les journaux n’est plus possible. Les auditoires sont trop fragmentés. Chaque politicien doit avoir une réflexion stratégique pour rejoindre les segments de l’électorat à qui ils veulent s’adresser», a-t-il ajouté.

De fait, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, se sert de TikTok pour «rejoindre un public différent, qui ne suit pas nécessairement les médias traditionnels, afin de sensibiliser les jeunes sur la situation du français», a expliqué son cabinet.

Pour se faire, l’équipe de M. Roberge produira parfois du contenu «sérieux», et parfois du contenu «plus ludique».

Calvitie et réveil national

Dans l’une de ses publications, M. Roberge affiche par exemple son côté espiègle en se moquant amicalement de la calvitie du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations, Ian Lafrenière, dans les allées d’une épicerie.

Si certains utilisateurs de TikTok ont apprécié la légèreté de cette plaisanterie, soulignant sa drôlerie et son côté rafraichissant, d’autres ont porté un jugement plus sévère, certains qualifiant même l’initiative de «stupide».

«C’est scandaleux que deux ministres fassent des stupidités pareilles», a noté l’un d’eux.

De fait, dans un autre extrait, le ministre fait valoir l’importance d’un «réveil national» pour freiner le déclin du français.

Au moment d’écrire ces lignes, la vidéo ludique avait été vue plus de 14 300 fois, soit près du double par rapport à l’extrait plus sérieux, qui n’a été consulté que 7235 fois.

Parler aux jeunes en pied de bas

D’autres membres éminents du gouvernement Legault se prêtent au même jeu. Le ministre responsable de la Jeunesse, Mathieu Lacombe, confie dans un extrait qu’il «travaille souvent en pied de bas».

«Je me suis déjà fait chicaner pour ça, mais il faut briser les règles des fois», dit-il en montrant ses chaussettes, avant d’exprimer que de travailler sans ses souliers fait de lui «un ministre plus confortable».

Quand un abonné l’interpelle pour lui dire qu’en effet, il est plus agréable de travailler en pied de bas, le ministre Lacombe ajoute : «surtout quand on a du beau tapis au sol».

À noter que comme M. Roberge, M. Lacombe produit également des contenus plus sérieux, dont un court entretien avec l’ex-ministre de la Culture Liza Frulla.

Interrogé sur les raisons qui ont poussé M. Lacombe à ouvrir un compte sur la plateforme chinoise, son cabinet a rappelé qu’il est important pour le ministre responsable de la jeunesse de «s’adresser directement aux personnes concernées.»

«C’est un moyen pour le ministre d’interpeller les jeunes sur toutes sortes d’enjeux, mais aussi de les inviter à comprendre les coulisses du pouvoir. C’est important de vulgariser les enjeux, car mieux informé, les jeunes auront davantage le goût de s’impliquer», a souligné l’attachée de presse de Mathieu Lacombe.